Dans la carrière de Lino Ventura, le montre du cinéma français qui joua notamment dans les Tontons Flingueurs, certains films occupent une place particulière. Non pas pour leur succès public, ni même pour leur reconnaissance critique immédiate, mais pour ce qu’ils racontent de son rapport au cinéma. C'est le cas de ce film qui n'est pas forcément le plus connu du grand public dans sa filmographie.

Un film d'adieux pour Lino Ventura

Et ce film, c'est Cent jours à Palerme. Sorti en 1984, ce long-métrage italien n’a jamais été pensé comme un adieu pour Lino Ventura. Et pourtant, avec le recul, il s’impose comme le dernier grand rôle d’un acteur qui n’aura jamais cessé d’exiger de la rigueur et une forme de droiture dans son travail. Le cinéma italien des années 70 et 80 a souvent regardé la mafia droit dans les yeux. Francesco Rosi, Elio Petri ou Damiano Damiani ont exploré sans détour les rouages du pouvoir, de la corruption et de la violence politique. Cent jours à Palerme s’inscrit dans cette tradition, en revenant sur le destin du général Dalla Chiesa, figure emblématique de la lutte antimafia.

Nommé préfet de Sicile en 1982 après avoir combattu le terrorisme des Brigades rouges, Dalla Chiesa est exécuté moins de cent jours plus tard avec son épouse. Le film de Giuseppe Ferrara, tourné à peine deux ans après les faits, refuse traite tout ça d'une main de maitre. Avec Lino Ventura dans le rôle titre.

Lino Ventura Cinema

Un tournage sous haute tension

Rapidement, le tournage se déroule dans un climat pesant. Le sujet, d’abord. La mafia n’est pas un thème abstrait. Elle est là, autour du plateau. Selon les témoignages, la pression est constante. Au point que les acteurs comme Lino Ventura sont invités à rester prêts à partir à tout moment. On image forcément le stress pour tout le monde en plateau.

Mais la tension ne vient pas seulement de l’extérieur. Elle s’installe aussi dans les relations artistiques. Lino Ventura, connu pour sa rigueur et son exigence, se heurte à une mise en scène qu’il ne comprend pas toujours. Les intentions lui semblent floues, parfois contradictoires. Une situation qu’il supporte difficilement. Le véritable choc intervient après le tournage. Dans la version italienne du film, Lino Ventura est redoublé. Un choix qu’il vit comme une remise en cause directe de son travail, lui qui avait tenu à interpréter son rôle en italien. Ce redoublage marque une cassure nette. Pour l’acteur, ce n’est pas une simple décision technique. C’est une atteinte à son engagement, presque une humiliation. Le ressentiment est profond, durable, et il n’en fera jamais mystère par la suite.

Un accueil contrasté

À sa sortie en France, Cent jours à Palerme ne trouve pas son public. Le film dépasse à peine les 500 000 entrées, un score modeste pour un acteur habitué à bien plus. Le sujet, jugé trop spécifiquement italien, peine à résonner auprès du public français.