Des pensées sur une standardisation du monde console. Un rêve pour quelques-uns, qui est malheureusement mal considéré par beaucoup. Et pour sa part, il se demande en quoi une seule console serait si négatif, pour les joueurs, ou pour les créateurs de jeu : "C'est ce qu'on a pour le DVD, ce que nous avions avec la VHS. Nous l'avons pour la télévision (dans le sens où - en majeure partie - toutes les télés sont capables de diffuser le même signal). Alors, que perdrait-on à avoir la même chose pour les consoles de jeu ?". Et en effet, si l'argument numéro un qu'on oppose à cette idée c'est que la compétition, c'est bon pour tout le monde, c'est ici un argument finalement mal placé, tant il est simple de le retourner en faveur d'un tel standard.

Les jeux sont un contenu, pas un contenant

Au contraire de Denis Dyack, pour qui la venue d'une console unique est inévitable, Jaffe se contente d'en débattre. Car pour reprendre l'argument de la concurrence, il reconnaît que "un seul éditeur, ce serait mauvais. Un seul développeur géant, ce serait mauvais". Mais une "plate-forme hardware unifiée", pour reprendre ses termes, ce serait probablement l'inverse : nous aurions en effet des "produits de meilleure qualité, parce que les créateurs de logiciels/séries télé/DVD n'auraient pas à passer un seul instant à lutter pour créer le même contenu pour 2 ou 3 systèmes différents et pourraient à la place se concentrer sur la création de bons contenus directement". On sait en effet que pour beaucoup de titres multi-supports, une grande partie du temps et des ressources techniques et humaines, et donc de l'argent, sont consacrés à régler les problèmes que représentent l'adaptation du code d'un jeu d'une console à l'autre. Le retard d'un Grand Theft Auto IV, par exemple, ou les concessions faites sur certains autres titres (Assassin's Creed et ses sons vite répétitifs ?) pour qu'ils tournent sur toutes les plates-formes, viennent à l'esprit. Au final, la compétition aurait bel et bien lieu, "parce qu'il y aurait PLUS de concurrence à être le meilleur sur un seul système".

Peser le pour et le contre

"Bien sûr, on raterait une fonction sympa ici, une possibilité cool là", tente-t-il d'opposer à l'idée, "mais on a été habitués à cette situation avec tant d'autres produits hardware, et - ce faisant - récolté tous les bénéfices d'un système unique". Evidemment, on ne peut pas évoquer ce sujet sans parler de précédentes tentatives, comme la 3DO. "La 3DO s'est plantée parce que - en grande partie - elle avait des jeux pourris, était beaucoup trop chère, et ne pouvait pas se mesurer à de nouveaux hardwares de jeu sortant à un prix bien plus abordable. Mais si la 3DO avait été une Xbox 360 ou une PlayStation 2... ou même une Wii ? Hé bien si ça a avait été le cas je crois que les choses se seraient passées différemment". Reste également le PC... mais c'est bien là le propos, le PC n'est pas une console de jeu, branchée à la télé, dans le salon, qu'on allume pour jouer immédiatement sans prise de tête. Reste que Jaffe "pense que les leaders des plus gros groupes devraient se rassembler de temps à autres - comme les grandes familles mafieuses le font dans les films - et prendre quelques décisions pour le bien général de l'industrie". Car si on a bien du mal à s'imaginer Nintendo, Sony et Microsoft se mettant d'accord d'eux-mêmes sur un standard console, que feraient ces 3 grands si "EA, Capcom, Valve, Ubi, Blizzard, Activision, etc. formaient un consortium et créaient leur propre console/standard en se mettant d'accord pour ne publier que sur ce standard" ? Alors, certes, penser qu'une console unique ce serait forcément mauvais pour les joueurs, c'est absurde, David a raison.

Retour sur terre

Seulement voilà : Nintendo, Sony et Microsoft sont déjà d'accord avec cette idée. Ils veulent tous une seule console sur le marché. La leur. Car l'industrie du jeu vidéo ce n'est qu'un ensemble de sociétés interagissant les unes avec les autres, en coopération ou en compétition, pas une véritable entité. Aussi brillante que soit la savoureuse métaphore mafieuse, les géants du jeu vidéo n'ont pas vraiment d'ennemi commun, comme la police pour les familles de la mafia... ou une énorme difficulté à créer des consoles avec suffisamment d'arguments techniques pour se différencier des autres. Donc peu de raisons de se réunir autour d'un projet commun. Ils ont mieux à faire : tenter d'éliminer la concurrence. Et pour y parvenir, ils vendent aussi leurs consoles à perte, souvent, car ils s'y retrouvent en royalties sur les jeux vendus. Ce qui ne serait plus le cas avec une console standardisée : celle-ci devrait être vendue plus cher, puisqu'elle serait alors la seule source de revenu des constructeurs. Et c'est bien pour ça que les 3DO étaient trop chères...

Une question de maturité

En d'autres termes, le hardware console est encore trop jeune pour qu'il soit intéressant de le standardiser aux yeux des acteurs de l'industrie. Ils ont finalement bien plus intérêt à l'heure actuelle à gagner seuls des parts de marché en proposant régulièrement un hardware dont la puissance accrue ou les approches techniques sont encore suffisamment significatives pour que le consommateur le choisisse. Lorsque ces différences ne seront plus aussi importantes (ce qui semble être de plus en plus le cas de génération en génération), il sera peut-être temps de croire un peu plus en cette idée très sixties. Mais, si il ne serait pas étonnant que cela finisse par arriver (peut-être quand on n'aura plus besoin de manettes ou d'écrans pour jouer, mais seulement d'un simple jack dans la nuque), on en est (malheureusement ?) encore loin.