"Attentats en Norvège : le jeu vidéo, éternel bouc émissaire des tueries" et "Norvège : le jeu vidéo ne mène pas à une telle tuerie"... C'est avec ces deux titres explicites que le Monde.fr et Le Nouvel Obs ont analysé, avec le recul nécessaire, la situation que nous décrivions hier. Deux articles tranchant enfin avec le flot de raccourcis et charges des dernières heures envers le jeu vidéo.

L'article de Damien Leloup du Monde a ainsi joint Olivier Mauco, chercheur au CNRS et spécialiste des rapports entre jeu vidéo et société, afin de mieux décrypter ainsi le phénomène de diabolisation qui s'exerce aujourd'hui : 

C'est un classique, depuis le massacre de Littleton. A l'époque, Bill Clinton avait accusé les jeux vidéo, mais ce que l'on oublie souvent, c'est qu'il avait aussi demandé une enquête au Congrès pour mesurer l'impact des jeux sur la violence des jeunes. Et le Congrès n'avait pas trouvé de liens de cause à effet.

[Depuis les années 1990] la mise en scène de la violence est devenue un argument de marketing pour certains éditeurs de jeu, pour la sortie de Mortal Kombat par exemple. Le jeu vidéo était la nouvelle subversion, et cela faisait vendre. Pour les gens qui ne jouent pas, il est alors aisé de prendre cette mise en scène au premier degré, et de passer à côté de ce qu'est vraiment le jeu. Sans oublier que jouer crée aussi de la distance à l'image.

Dans la foulée, la pertinence de la thèse selon laquelle les jeux vidéo auraient joué un rôle clef dans le massacre perpétué par Anders Behring Breivik (ce dernier utilisait Modern Warfare 2 pour s'entraîner et World of Warcraft pour dissimuler ses agissements) se voit rapidement mise en pièces, toujours par Olivier Mauco : 

Si cela était vrai, je serais aujourd'hui champion de golf, après des heures passées à jouer à des simulations de sport ! C'était notamment la théorie de Dave Grossman, dans son livre publié en 1999 : "Comment les jeux vidéo apprennent à nos enfants à tuer". Mais si les jeux d'arcade où l'on utilise un faux pistolet peuvent effectivement s'apparenter à un entraînement au maniement des armes, l'analogie ne fonctionne pas du tout pour les jeux qui se jouent avec une manette.

Dès que l'on creuse un peu, on s'étonne d'ailleurs de constater que, de l'aveu même d'Anders Behring Breivik dans son triste manifeste, les jeux de tirs ne l'intéressait pas plus que ça : 

J'avais également joué à Modern Warfare 1, mais je n'avais pas tellement aimé. Je suis plutôt un joueur de jeux de rôles fantastiques comme Dragon Age Origins et je n'apprécie pas tellement les jeux de tir.

Dans le même temps, Boris Manenti du Nouvel Obs a interrogé la psychologue clinicienne spécialiste des nouvelles technologies et des addictions Vanessa Lalo pour tenter de mieux comprendre les raisons motivants les grands médias à fondre sur le jeu vidéo au moindre fait divers. La réponse se montre catégorique : 

Non, le jeu vidéo ne rend pas violent. Une récente étude de l'Université du Texas montre même l'inverse : il y aurait un lien entre utilisation de jeux vidéo violents et une baisse du taux de criminalité aux États-Unis. Le jeu vidéo violent serait en fait utilisé comme un défouloir pour canaliser une violence interne.

Le jeu vidéo peut poser problème dans le cas de personnes psychotiques ou instables, qui confondent réalité et virtuel. Mais, cela ne semble pas être le cas d'Anders Behring Breivik. Il sait exactement ce qu'il a fait, c'est quelqu'un de très rigoureux. Tout était prévu, programmé depuis deux ans, il avait un plan avec des objectifs à atteindre. On ne peut pas dire qu'il n'était pas ancré dans la réalité. Le problème est qu'il est guidé par ses croyances.

On pointe le jeu vidéo, mais il faudrait peut-être s'interroger sur ses croyances. Jusqu'où mènent les croyances et la religion quand on voit un tel massacre ou ceux perpétrés par Al-Qaïda au nom de Dieu ? En tout cas, le jeu vidéo n'a jamais eu aucun impact, même s'il est aujourd'hui pointé comme le "coupable idéal".

A la lumière de ces deux articles salvateurs, il apparaît que des contre-feux s'allument enfin dès qu'il s'agit de dire tout et n'importe quoi sur l'implication du jeu vidéo dans de tels drames. Il était temps. Pour avoir un avis supplémentaire sur la relation présumée entre Jeu Vidéo et Violence, je ne saurai trop vous inviter à retrouver notre interview de Thomas Gaon qui revenait sur l'impact du jeu sur les joueurs, le concept de panique morale, et le jeu vidéo et l'addiction.