Il y a quelques mois, Yuji Naka s'exprimait publiquement sur son avenir, celui de futur jeune retraité, qui mesure désormais le poids et l'importance de chacune de ses productions. Désormais bien en place chez l'éditeur Square Enix, l'homme dont l'image reste fermement attachée à Sonic the Hedgehog ou l'éphémère NiGHTS into Dreams va-t-il avoir le courage de repartir à l'aventure, ou au contraire se réfugier dans le confort de ses premières amours ?

Tu veux un Balan, Georgie ?

Pour ceux qui seraient passés à côté des nombreuses vidéos promotionnelles destinées à poser les bases d'un univers varié, Balan Wonderworld s'entend comme un jeu de plate-forme en trois dimensions pur jus, dans lequel deux jeunes héros, Leo Craig and Emma Cole s'embarquent dans une drôle d'aventure, entre l'univers de Lewis Caroll et le célèbre jeu Saturn suscité. Avant même de prendre le contrôle de l'un d'entre eux, la cinématique d'exposition ôte le doute qui pourrait encore subsister dans l'esprit du joueur : entre les textures et le character design de Naoto Ōshima reconnaissable entre mille, cette nouvelle épopée porte à tous les niveaux la patte de ses célèbres géniteurs.

C'est dans un tourbillon de couleurs que Naka fait les présentations, et met en scène le presque éponyme Balan, énigmatique Joker qui va guider le duo de bambins au sein d'une douzaine de mondes thématiques, passage obligé pour tout platformer digne de ce nom. Mais ici, il ne reste presque aucune trace des histoires teasées par l'éditeur, qui annonçait un peu de noirceur dans ce festival de positivité. Après un feu d'artifice de couleurs bien orchestré, nous voici propulsés au sein d'un hub un peu chiche, qui, rétrospectivement, l'annonce, la couleur...

Arturo se braque

Au cours des quatre zones proposées dans cette démo (qui pioche dans les premier, quatrième et sixième mondes), nous découvrons ainsi la principale mécanique de Balan Wonderworld : ses dizaines de costumes cartoonesques (et parfois étonnants), qui profitent tous d'un coup spécifique. Lourbillon permet de tourbillonner comme Taz, Flot'Mouton de léviter en se laissant porter par le vent, Acronoctule d'asséner un coup de pied à la Sonic, Minirouage d'actionner des mécanismes, etc... Chaque environnement s'explore donc différemment, en exploitant au mieux les capacités d'une garde-robe en expansion continue.

Si la proposition n'est pas des plus originales, le level design verse quant à lui dans un classicisme qui frôle l'anachronisme : aussi sages que prévisibles, les niveaux de Balan Wonderland semblent sortis des années 1990, alors que chaque éditeur espérait se démarquer de la concurrence. Les plates-formes prennent ici un sens littéral, à plus forte raison lorsque l'on découvre que le principal enjeu reste de collecter des gemmes par dizaines, en assommant ici et là deux ou trois ennemis bien trop sages pour incarner la moindre menace.

Mauvais timing

Les environnements déjà réduits se découpent en zones séparées par des portes, qui s'ouvrent à l'aide d'un bouton disposé non loin de là. Avec une surface de jeu aussi réduite, impossible de se perdre, et la candeur du titre fait vite s'envoler les espoirs de challenge : sur le fond comme sur la forme, Balan Wonderland aurait aussi pu s'appeler "Mon premier platformer". Même les boss sont expédiés en quelques secondes sans avoir pu représenter le moindre danger, et l'on se demande si la collecte de statues Balan, qui conditionne la progression, ne risque pas de se transformer en simple balade au parc.

C'était sans compter sur ces fameux costumes, qui rendent la tâche bien plus complexe que prévu ! En effet, chacun entend proposer une mécanique unique, un concept pris dans un sens trop strict : dans les faits, une seule action reste souvent permise, ce qui signifie que le costume d'Uppercourge permet certes d'attaquer mais... pas de sauter. Malgré la profusion de boutons disponibles, les quatre de façade et deux des gâchettes se contentent de partager un seul et même input, et l'on peut (pour le moment) dire adieu à tout espoir de rendre la prise en mains plus souple et intuitive. Passer d'un accoutrement à l'autre ne serait sans doute pas aussi pénible si la transformation n'était pas aussi mollassonne, à plus forte raison lorsque le reste de l'action continue de se dérouler.

Open your heart

C'est alors qu'on se demande bien... pourquoi ? Pourquoi rendre la progression si arbitrairement complexe ? La perspective de conserver les bonnes aptitudes pour revisiter certains niveaux tombe sous le sens, mais encore faut-il les conserver, puisqu'ils disparaissent au moindre contact avec l'ennemi. La coupe est pleine lorsque l'on constate qu'en plus de demander du temps, la transition d'un costume à l'autre est parasitée par les doublons, qui se cumulent, et rendent l'exercice encore plus déconcertant. Pour le coup, la thématique est respectée : on croit rêver.

Dès lors, plus rien ne nous étonne, pas même le mode Bataille de Balan, un QTE graphique qui consiste à appuyer en rythme lorsque la silhouette du curieux hôte en costume se superpose, pour que ce dernier assène des coups à... on ne sait pas trop en fait. Qui combat-on ? Comment ces phases dénuées d'intérêt s'articulent-elles avec le reste ? C'est sans doute là le comble, puisque nous sortons de cette première démo avec bien plus de questions que de réponses, alors que tant de bandes annonces se plaisent à promettre un univers un peu plus complexe qu'il n'y parait.

ON L'ATTEND... LES BRAS BALLANTS
Difficile de rester positif après avoir découvert les premiers environnements de Balan Wonderworld. Classique, simpliste, naïf voire scolaire, le premier jeu de Yuji Naka sous la bannière de Square Enix semble bien en retard sur tous les plans. Le plus inquiétant reste de constater à quel point sa mécanique centrale s'annonce contraignante, plutôt qu'intuitive et véritablement ludique. Alors évidemment, il reste deux mois à Balan Company pour rectifier le tir. Mais au vu des griefs, la charge s'annonce bien difficile. Pour ceux qui croient aux contes de fées, rappelons que le rideau se lèvera 26 mars 2021 sur PC, PS4, PS5, Switch, Xbox One et Xbox Series. Une démo sera disponible dès ce 28 janvier.