Si Bleeding Edge emprunte à bien des titres sortis ces dernières années, il faut lui reconnaître un positionnement relativement original, quelque part entre le jeu d'action compétitif en équipe et le système triangulaire d'un bon vieux versus fighting.

L'idée ne date pourtant pas d'hier, comme nous l'explique sa réalisatrice Rahni Tucker :

Cela fait longtemps que Ninja Theory s'essaye à l'action 3D, et j'ai personnellement passé beaucoup de temps sur des jeux compétitifs, et rien ne mélangeait vraiment les deux dans nos productions. Bizarrement, il n'a pas été très difficile de picher le jeu : cela remonte à 2014, nous avions travaillé sur plusieurs prototypes durant trois mois, histoire de voir si le concept était viable ou non.

Tout se passait plutôt bien et collait à l'envie de faire des "AA ambitieux", et alors que le développement de Hellblade avançait bien, Nina [Kristensen, la responsable du développement] est venue me voir en me demandant si j'avais envie de donner vie à cette vieille idée que j'avais eue. Nous avons commencé avec une équipe de sept personnes.

Les Trois Clâsses

Les plus curieux d'entre vous ont sans doute saigné la bêta fermée qui se tenait le mois dernier, mais rappelons tout de même quelques bases pour ceux qui prendraient le train en marche. Au sein des cinq arènes disponibles, deux équipes de quatre combattants s'affrontent pour la victoire, qui passe quelque soit le mode sélectionné par un bon vieux système de scoring. En Objective Control, qui s'apparente à de la conquête de zone, il vous faudra squatter des marqueurs au sol tout en démontrant l'adversaire des siens. En Power Collection, il vous faudra jouer tout aussi collectif pour récupérer quelques items avant de les déposer sur un marqueur donné. Ces objectifs somme toute classiques se conjuguent tout de même avec un système de classe, puisque les douze personnages du roster occuperont les rôles d'attaquant, de soigneur ou de tank, histoire de varier les approches.

Là où Bleeding Edge tente de se démarquer, c'est à travers la spécialisation de son casting, qui nécessite de bien connaître les commandes et coups spéciaux de son avatar autant que ceux de ses adversaires. Et sans doute est-ce là toute la difficulté de cette session preview, qui ne nous aura pas permis en seulement deux heures de temps de véritablement creuser un main. Il y a bien sûr quelques combattants immédiatement accessibles, à l'instar de Daemon qui parlera à n'importe quel adepte de l'action 3D, mais cette présentation fut surtout l'occasion de prendre pour la première fois en main Mekko, un sympathique dauphin qui s'étonne forcément parmi ce casting d'hominidés. Faut-il s'attendre à d'autres surprises ? Le mystère reste aussi entier que le lait :

Nous allons ajouter et supprimer des éléments au fur et à mesure des retours. C'est pour nous une très bonne chose en ce qui nous concerne, car nous allons pouvoir observer les combinaisons que les joueurs vont pouvoir inventer, afin de fournir des outils pour les contrer si nécessaire.

En revanche, ce qui est certain, c'est que l'obligation de s'arrêter pour sortir son simili-hoverboard et tracer rapidement sa route s'avère toujours aussi contre-intuitive, tout comme la perspective de parer les coups d'une simple pression de la gâchette droite. En plein combat, difficile de penser à lâcher son stick. En revanche, la possibilité de sacrifier l'une de ses jauges d'esquive pour couvrir un peu plus de distance permet de démultiplier les approches, un vrai plus qui offre un peu de substance à maîtriser sur la durée.

Mekko moulage

Il faut dire que les améliorations sous forme de puces sont diablement nombreuses, et bien qu'elles modifient vos capacités à la marge, elles peuvent légitimement faire craindre à terme un déséquilibre qui scindera rapidement la communauté, s'il ne fait pas preuve d'une surveillance de tous les instants. Les amateurs de justice seront quant à eux rassurés d'apprendre que Bleeding Edge opte pour un netcode de type rollback, qui permet de rétrospectivement corriger certaines erreurs dues à l'input lag sans pour autant stopper l'action, même brièvement. Avec huit combattants par joute, c'est un plus non négligeable.

En attendant de découvrir les nouvelles têtes qui viendront créer la surprise, le mammifère Mekko peut grâce à sa palette de coups rester à bonne distance de la foire à l'empoigne, mais son tir souffre de la même mollesse visuelle que ses congénères : même en voyant la barre de vie de l'adversaire se vider, il manque encore le sentiment de générer un peu de DPS, ce qui peut donner envie de vite revenir au corps-à-corps.

Le secret de la victoire réside quoi qu'il arrive dans l'équilibre du quatuor, et l'on ne peut qu'espérer pouvoir choisir des camarades de jeu sur leur envie de communiquer et de jouer collectif. Le triomphe de l'Hexagone sur l'Allemagne aura surtout été le fait d'une communication permanente. Dans Bleeding Edge, le cavalier solitaire ne fait jamais de vieux os. Voilà sans doute pourquoi le jeu se passe pour le moment de bande-son pour accompagner les matchs, comme l'expliquent Daniele Galente et David Garcia :

Nous voulions proposer un mixage qui soit le plus lisible possible. Les combats se jouent à quatre contre quatre, mais certains ennemis représentent une plus grande menace que d'autres en vous ciblant, et nous tenons compte de tous ces paramètres en temps réel, ce qui fut très compliqué. Le sound design a été pensé pour faire de vous un meilleur joueur, car vous serez en mesure d'entendre tout ce dont vous avez besoin dans chaque situation. Si trois adversaires vous foncent dessus, vous n'avez pas besoin de savoir ce qui se joue quelques dizaines de mètres plus loin.

Équation à deux inconnues

Il fait reconnaître au sound design dynamique une vraie prise en compte de ce qui doit primer : en pleine baston, vois n'aurez que faire de ce qui se déroule 10 mètres plus loin, et le jeu s'adapte en conséquence. Tout n'est malheureusement pas encore parfait sur le plan visuel, puisque les collisions donnent l'impression de parfois manquer de précision. Impossible en revanche de confondre l'un des combattants avec un autre, car dans la grande tradition groeningesque qui veut qu'un bon personnage de cartoon se reconnaisse à sa simple silhouette, tous possèdent des caractéristiques physiques propres. La variété n'est pas forcément au rendez-vous en ce qui concerne les cinq environnements encore disponibles, même si il faut reconnaître à Ninja Theory l'envie de raconter entre les différents backgrounds ce qui se trame dans cet univers coloré :

Vous pouvez déjà voir au fond de la map Jersey Sink les beaux quartiers de la ville, où se trouve la bâtiment de la méchante multinationale du jeu. Dans Sky Garden, au contraire, vous êtes dans les bas-fonds, et la différence est saisissante. Il y a donc toute sorte d'indice que vous pouvez découvrir en observant les décors, car nous avons vraiment pensé à l'environnement dans lequel se déroule Bleeding Edge. Nous avons également passé du temps à écrire les biographies des personnages !

Cette session fut justement l'occasion de nous essayer à la toute nouvelle map Landslide, qui permet de comprendre un peu mieux comment Ninja Theory joue avec l'environnement pour espérer pimenter les affrontements. Organisée autour de trois points de collectes, Landslide propose comme Jersey Sink de s'aider d'un train qui fait sans cesse le tour du propriétaire pour filer à l'anglaise, ou au contraire rejoindre plus rapidement le coeur de la bataille. Situé en hauteur, le rail nous rappelle que la verticalité du titre s'entend pour le moment sur deux simples niveau, ce qui limite tout de même les configurations et les match-ups.

C'est peut-être d'ailleurs là le plus gros challenge que Bleeding Edge aura à relever lors de sa sortie d'ici une poignée de semaines : apporter rapidement du contenu supplémentaire pour entretenir la flamme. Avec douze personnages pour seulement cinq environnements, l'entrain pourrait bien vite retomber, même en la présence de deux modes de jeu différents.

ON L'ATTEND... SUR LA DURÉE !
Avec sa stratégie centrée sur le travail d'équipe et son match-up qui lorgne sur le jeu de combat, Bleeding Edge a quelques atouts dans sa manche pour espérer attirer les curieux avides de nouveautés. Mais même en profitant du Game Pass pour élargir son public, le brawler multijoueur de Ninja Theory pourrait bien vite s'essouffler en termes de contenu. Les développeurs nous ont promis monts et merveilles, et ils ont vraisemblablement tout intérêt à bien vite lever le voile sur ces nombreuses annonces pour espérer tenir sur la durée, et c'est a priori tout le mal qu'on leur souhaite.