Chaque semaine, Jean-Luc Mélenchon effectue sa Revue de la semaine sur YouTube. Dans ces vidéos hebdomadaires récapitulatives face caméra, l'homme politique exprime son sentiment sur divers faits d'actualités et expériences qu'il a pu avoir.

Cette semaine, parmi les sujets développés, le jeu vidéo. En toute simplicité.

En effet, de la 22ème minute à la 30ème minute de la vidéo ci-dessus, "Méluche" revient sur son passage par la préfecture de la Charente et l'Ecole Nationale du Jeu et des Médias Interactifs Numériques.

Il loue d'abord la façon dont travaillent les équipes en charge du développement d'un jeu :

C'est un moment qui a été pour moi extraordinaire, parce que les gens ne savent pas eux-mêmes à quel point ce qu'ils font est exceptionnel. Pourquoi ? D'abord sur la technique de travail de l'équipe. Si vous voulez, on se mange les mains pour essayer d'expliquer à certains comment on travaille en équipe, pour décloisonner les savoirs.

Dans le jeu vidéo, il y a un très haut niveau de coopération. Vous avez quelqu'un qui invente le jeu, qui écrit l'histoire, l'autre, sa spécialité c'est de créer la tension, quel va être le système de jeu, quel est l'enjeu du jeu. Le reste, vous le connaissez : il y a le graphisme, la programmation, et combien d'autres travaux... Spontanément, ces gens travaillent ensemble. Et comme chacun sait ce que fait l'autre, comprend de quoi il s'agit, eh bien il est capable de faire des suggestions qui enrichissent le travail de l'autre. Ça marche dans les deux sens. C'est quelque chose d'extraordinaire, cette interaction.

Il revient ensuite sur son expérience en réalité virtuelle qu'il a très manifestement appréciée. Il la décrit en détails.

Clairement, quand vous avez mis le masque, vous voyez que la frontière entre le virtuel et le concret n'est pas là où vous croyez.

Nous sommes des machines à sélectionner, par nos sens, la réalité. La réalité telle que nous la percevons, ce n'est pas la réalité, pas toute la réalité. C'est juste un segment. Et là-dedans, on a une machine qui passe son temps à calculer ce qui va se passer tout à l'heure. Cette machine ne fait que ça : elle produit le futur, parce qu'elle l'anticipe.

Vous mettez la machine, le casque, sur vous et vous commencez le jeu, deux choses se produisent. La première, c'est que vous vivez réellement le jeu. Quand on m'a fait essayer un des jeux, j'ai dû escalader une montagne. Vous tournez la tête du côté que vous voulez, il y a bien une montagne, il y a bien des rochers, etc. Et comme les gars qui ont fait ça sont super forts, à mesure que vous respirez, vous avez la buée qui sort devant vous, dans le jeu. Vous y êtes.

Alors cette réalité m'affecte physiquement. Je vois bien qu'il fait froid, je vois qu'il y a de la buée... Si ça vous paraît trop compliqué, je vais vous prendre un autre exemple dans ce jeu-là. Je m'approche du bord. Bah j'y suis vraiment, les amis ! Si j'ai le vertige, je peux vous dire que je passe un mauvais moment. Et c'est étudié pour. Mes réactions physiques sont totales, comme si j'étais réellement dans la situation. Et d'ailleurs, j'y étais.

Cet enthousiasme lui permet d'extrapoler.

La réalité virtuelle est un des aspects du concret. Et le jeu vidéo nous permet d'y entrer tous. Parce que c'est le jeu, parce que nous autres, les êtres humains, nous aimons jouer. La fonction du jeu c'est toujours d'anticiper, de reproduire une situation à l'avance. Dont on s'amuse parce que ce n'est pas une vraie situation, c'est-à-dire qu'il n'y aura pas de conséquences irréparables à nos décisions.

Le jeu s'arrête et vous recommencez. Dans la vie, vous avez la grosse bêtise, vous n'arrêtez pas le jeu et ça ne recommence pas. Vous faites avec. C'est le premier aspect : l'importance du jeu comme vecteur d'un grand saut technique. Je viens de vous parler de mon histoire d'aller au bord. Ça a une vertu thérapeutique. Y'a quelqu'un qui m'a dit, on va faire un jeu avec des araignées partout pour les gens qui ont peur des araignées. Vous pouvez aller au contact de votre difficulté à vivre un événement, en revenir, recommencer... Jusqu'à ce que vous le dominiez. C'est une machine à construire l'être humain, pas à détruire, contrairement aux apparences. Et donc c'est une formidable machine à étudier.

Si vous étudiez en situation de jeu, par exemple... Si on pouvait vraiment interagir en 3D avec le jeu Assassin's Creed sur la Révolution... La partie du jeu qui montre Paris en 1789, c'est génial. La reconstitution des décors, c'est pas un gars qu'a dessiné ça dans son coin en se demandant ce qui lui passait par la tête. Ce sont des spécialistes qui font ça.

C'est une extraordinaire ouverture sur le futur qui donne beaucoup d'espoir, beaucoup d'enthousiasme. Vous le savez bien que le jeu 3D commence à entrer dans la pédagogie. Vous avez des simulateurs de vol, d'hélicoptère, d'avion, des simulateur de navigation... Et les simulateurs commencent à être de plus en plus nombreux. Le simulateur, c'est typiquement un apprentissage radicalement concret. Ça m'a mis vraiment dans un très grand état d'excitation.

Evidemment, il ne pouvait pas éviter de parallèle politique.

Heureusement qu'il y a des gens audacieux qui veulent être des producteurs indépendants. Sinon, ils produiraient dans les normes dominantes. Ils produiraient partout la même mouise, la même bouillie, comme c'est le cas dans certains arts que je ne veux pas nommer, où tout est du pareil au même à cause des majors. Là il y a plein d'indépendants qui inventent.

Et quelqu'un m'a dit "j'ai observé qu'il y avait une politisation du jeu croissante depuis 10 ans". C'est-à-dire que, de plus en plus, les jeux ont un sens. J'étais dans une salle avec des jeunes qui avaient préparé un jeu. Le jeu, c'était "des gens ont besoin de trouver de l'énergie, du soleil et de l'eau, la communauté de construire pour se renforcer". C'est politique, ça. Ce n'est pas chacun pour soi, on travaille tous pour tout le monde. Et de temps à autres, il est possible d'aller à la rencontre d'autres communautés et ça se fait sur une base positive. On échange des trucs. Fantastique, non ? Ça vaut mieux que 10 heures de discussion sur un programme politique, sur la différence entre la compétition et la coopération. Là, tout le monde comprend du premier coup. Parce que sinon vous perdez. Vous apprenez dans votre coeur, dans vos affects. Vous n'attendez pas de vous trouver devant une situation où n'allez pas savoir comment réagir. J'ai trouvé ça extraordinaire.

Reste à voir s'il se sent prêt pour l'ouverture d'une chaîne gaming. Et si d'autres personnalités politiques s'y mettront également. Quoique, si on pouvait éviter de jouer la campagne présidentielle sur Mario Kart. Merci.