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Il y a quelques jours, nous vous parlions des désaccords actuels (et longs de plusieurs mois) entre le principal syndicat américain des comédiens et les représentants des éditeurs de jeux vidéo. Visiblement, les choses ne semblent pas sur le point de s'arranger. En effet, les membres du SAG-AFTRA (le syndicat évoqué ci-dessus) ont voté le 6 octobre dernier, et à la quasi-unanimité (96,52%) l'autorisation d'une grève contre l'industrie du jeu vidéo

Ce vote ne garantit pas la grève. Cette dernière permet cependant de relancer les négociations et peut avoir l'effet d'une épée de Damoclès au dessus des éditeurs de jeux lorsqu'elles reprendront avec les représentants syndicaux. En effet, si les deux camps ne parviennent pas à se mettre d'accord, le Bureau National du Syndicat pourra appeler à la grève sans avoir à passer par un vote de ses membres :

Avec ce résultat en main, le Negotiating Committee va revenir à la table des négociations et continuer de faire pression dans le but d'obtenir une résolution équitable (au conflit) pour les comédiens qui travaillent sur des jeux vidéo.

Nous avons traversé deux rounds de négociations avec nos employeurs et ces derniers ont rejeté toutes les propositions que nous avons faites. 

Sur le site officiel du SAG-AFTRA, le syndicat juge "folles," "imprudentes," et "malavisée" certaines des demandes faites par les éditeurs de jeu et affirme qu'elles sont "totalement sans précédent dans l'industrie du divertissement."

Parmi les choses reprochées par le syndicat aux éditeurs de jeux (parmi lesquels figurent Electronic Arts, Activision, Disney, ou encore Warner Bros.) se trouve l'amende de 2.500 dollars (environ 2.200 euros) que les employeurs pourraient infliger aux comédiens en cas de retard ou de comportement "inattentif" (ce comportement est décrit par le syndicat comme correspondant au fait de consulter un SMS, poster un tweet, ou encore être distrait pendant quelques instants). 

Le syndicat reproche également aux éditeurs de ne pas considérer le travail de Motion et de Performance Capture comme du travail tombant sous le coup de l'Interactive Media Agreement (la convention collective qui liait le SAG-AFTRA et éditeurs de jeux vidéo). Cela signifie que les éditeurs pouvaient embaucher des personnes non syndiquées pour qu'elles jouent dans des jeux vidéo (et par exemple leur proposer des salaires moins élevés qu'à des comédiens membres du SAG-AFTRA). 

Ce que veulent les comédiens

Comme toujours dans ce genre de conflit, les comédiens de doublage ont également des revendications. Certains jeux étant de grands succès commerciaux, ils demandent à ce qu'un nouveau système de prime soit mis en place. Ce dernier serait lié aux résultats des jeux et impliquerait la remise d'une prime lorsqu'un titre atteint les 2, 4, 6, et 8 millions d'unités vendues, avec une limite placée à 8 millions (dans le cas de jeux gratuits avec abonnements, cette prime devrait être versée lorsque le jeu obtient 2, 4, 6, et 8 millions d'abonnés). 

SAG-AFTRA réclame également que les sessions d'enregistrement particulièrement éprouvantes pour la voix soient reconnues et rémunérées de la même manière que rôles classiques pour lesquels doivent être effectuées des cascades. De plus, ces sessions ne devront, selon le syndicat, jamais dépasser les deux heures. Autre requête, la présence sur les plateaux de motion/performance capture, d'un coordinateur de cascades afin de garantir la sécurité des comédiens. 

Les joueurs et les journalistes spécialisés dans le jeu vidéo le savent bien, les éditeurs adorent entourer leurs projets de secret(s). Et ils vont parfois très loin pour s'assurer que rien ne filtre au sujet de leu nouveau jeu. À en croire SAG-AFTRA, les comédiens pâtissent régulièrement de ce besoin de ne rien révéler et réclament une plus grande transparence de la part des éditeurs. Avant de s'engager dans un projet, les comédiens veulent désormais avoir accès à des informations qu'ils considèrent comme essentielles : le titre du jeu, combien de sessions d'enregistrement le projet nécessite, quelle classification visent-ils, le jeu contient-il du contenu offensant, les sessions seront-elles éprouvantes, etc.

Le syndicat explique que dans le cadre d'un film ou d'une série, les comédiens ne s'engageraient jamais sur un projet sans connaître leur rôle et sans savoir la place que ce dernier aura dans le jeu. Et pourtant, il affirme que c'est une situation courante dans l'industrie du jeu vidéo. 

Une grève inéluctable ?

Voilà en résumé pourquoi les comédiens de doublage et les éditeurs de jeux vidéo sont actuellement dans une impasse. Comme précisé précédemment, si la grève n'est pas garantie, elle n'a en revanche jamais été aussi probable. À l'heure où sont écrites ces lignes, la situation est toujours au point mort et les représentants des éditeurs de jeux n'ont pas commenté ce vote. 

En prévision d'une potentielle grève, certains studios commencent déjà à chercher des solutions de remplacement en matière de doublage dans les autres pays anglophones. En effet, si grève il y a, aucun comédien syndiqué ne devra travailler sur un jeu vidéo. SAG-AFTRA demande par ailleurs aux comédiens non-syndiqués de ne pas travailler non plus en cas de grève (en leur expliquant que ne pas soutenir le mouvement aurait des conséquences néfastes sur les conditions de travail des comédiens et sur leur potentielle adhésion personnelle au syndicat).

En cas de grève, la production de nombreux jeux pourraient prendre un certain retard et des employés de l'industrie du jeu vidéo pourraient perdre leur emploi. En 2007-2008, la grève des scénaristes avait paralysé Hollywood pendant plus de trois mois. Les productions de nombreuses séries et émissions étant totalement interrompues, les studios s'étaient alors séparés de plusieurs milliers de leurs employés (assistants de production, assistants des scénaristes, etc.).

[Source : SAG-AFTRA]