Que voulez-vous, on est comme ça chez Klei Entertainment. Après s'être attiré l'attention du public en tentant le pari risqué de l'infiltration en 2D - l'excellent Mark Of The Ninja, c'est eux - les Canadiens se sont dit qu'après tout, embrayer sur un Minecraft-like tout mignon et PC only, c'était une bonne manière d'être exactement là où on ne les attendait pas. Et pourquoi ne pas prendre exemple sur l'illustre aîné jusqu'au bout, en commercialisant dès à présent une version bêta que l'on imagine déjà aussi interminable que riche en surprises ? Couillu, mais potentiellement payant, dirait ce bon vieux Notch.

Snake Eater

Alors qu'il émerge d'un lourd sommeil au beau milieu d'une forêt de papier et de carton-pâte, le joueur se voit apostrophé par un drôle d'étranger en complet rayé. "Dis-donc mon vieux, tu ne m'as pas l'air dans ton assiette... Tu devrais peut-être trouver quelque chose à manger...". Et pouf, bombinette à fumée, au revoir le mystérieux dandy. Vous voilà livré à vous-même au coeur d'une nature sauvage et fantastique, sans rien ni personne pour vous dire quoi faire. Les seules informations que Don't Starve daignera vous fournir, c'est ce que le hud laissera transparaître : une jauge de vie, une jauge de faim et un cadran de cycle jour / nuit qui file vite, si vite ! On commencera tout naturellement par cliquer un peu partout au hasard : cueillir de l'herbe, ramasser des baies, tiens, une carotte, oh, des lapins. Mais c'est qu'il détalent vite les bougres. En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, le jour décline déjà et Wilson - le héros - laisse échapper un timide "Il va faire nuit, je devrais peut-être faire un feu". Mais comment ça un feu ? Je fais ça comment ? Ah, des brindilles. Un signal sonore et un effet visuel attirent mon attention sur une barre de crafting dont j'avais totalement occulté l'existence. Je bricole une torche en vitesse alors que la nuit tombe et réduit l'écran à un misérable cercle visible autour de moi. Je réalise que cette seule et unique torche ne me fera pas la nuit. Et dix pauvres secondes dans l'obscurité totale suffisent aux terribles créatures nocturnes pour éviscérer mon pauvre Wilson, alors que je clique frénétiquement sur un écran noir en piaillant comme un demeuré. "Vous avez survécu 1 jour. Rejouer ?"

Papier Craft

Okaaaaay. C'est donc un jeu de survie façon roguelike, avec du crafting dans tous les sens et des journées qu'il va me falloir planifier comme un petit chef. Si ce ne sont pas les créatures de la nuit qui le font, ce sera la sous-nutrition qui me tuera. En quelques parties, on commence à prendre le coup de main : bricoler un camp de base, cuire les aliments, réunir de quoi fabriquer ses premiers pièges, quelle nourriture pour appâter quel gibier, autant de choses qui s'apprennent par l'expérimentation. Et voilà bien l'une des grandes forces de Don't Starve : livrer le joueur à lui-même au point de le rendre fier d'avoir su faire revenir trois carottes et une cuisse de perdreau à la poêle.

Avec l'acquisition des premiers outils et des premières matières premières, Wilson pourra fabriquer la déjà fameuse Machine à Science. Grâce à elle, vous pourrez sacrifier des ressources en échange de points de savoir, ces derniers étant nécessaires pour débloquer de nouvelles options d'artisanat. Pièges en tout genre, ustensiles de cuisine, armes, armures et même un frigo pour y stocker les denrées périssables (un concept introduit dans le dernier patch en date). Bien entendu, la manufacture de tels objets demandera de se bouger un peu le trognon pour aller glaner les ressources rares qui les composent. Ca tombe bien, dès que l'on sort des sentiers battus, le jeu confesse un charme magnétique et tombe le masque : loin du bac à sable standard, on est en fait face à un aspirateur à temps de classe Platine.

L'Abbé des Cochons

Dans les marais, d'ignobles tentacules vous applatiront comme une crêpe si vous trainez trop longtemps sur place. Pas pratique pour pêcher... Les "Beefalos" des steppes accueilleront probablement d'un mauvais oeil votre incursion sur leurs terres, surtout si c'est pour leur piquer leurs fientes. Mais que voulez-vous, vous avez l'agriculture dans le sang, c'est votre truc. Et ces oiseaux géants dont on aura le bon goût de convoiter les oeufs, pourquoi courent-ils plus vite que nous ? Il paraît qu'on peut déterrer de chouettes breloques en allant retourner la terre du cimetière, mais qu'il faut l'éviter au crépuscule. Une fois, j'ai mangé une Mandragore : je suis tombé dans les pommes et me suis réveillé deux jours plus tard. Vous avez déjà rencontré le Roi Cochon ? Voilà, l'univers de Don't Starve, c'est ça : un truc sacrément profond, dissimulé sous une direction artistique si enfantine qu'on y plonge d'abord avec sa naïveté en étendard. Puis viennent les humiliations répétées, jusqu'au moment où l'on décide d'aller éplucher l'impressionant Wiki du jeu.

Ce fût ma décision, après ma fameuse déconvenue aujourd'hui célèbre sous le nom de "Débâcle des Hommes-Cochons". Je m'étais en effet attiré les faveurs de trois gaillards porcins, en les soudoyants avec des steaks de tarantules à peines saisis au grill. C'était mes copains, on allait partout ensemble, on formait une chouette bande. Conscient de leur point faible, j'organisais une petite partie de chasse à l'araignée. Eux devant pour taper, moi derrière pour looter la soie. Et la viande, c'était pour eux, bien évidemment. Vous le saviez, vous, qu'un homme-cochon qui ingurgite trop de viande d'arachnide se transforme en Cochon-Garou et étripe ses amis ? Bah moi non plus.

Rien que dans sa version bêta, Don't Starve est un must-play pour tout joueur PC pour qui les noms de Minecraft ou de Terraria constituent des puits de souvenirs émus. C'est mignon comme tout, profond, stressant et incroyablement addictif. Au rythme d'une mise à jour toutes les deux semaines - c'est réglé comme du papier à musique et garanti par un compte à rebours dans le menu du jeu - Klei Entertainment continue d'améliorer, d'approfondir et d'équilibrer son jeu avec la fiabilité d'un horloger suisse. Et ils ont le sens du commerce avec ça, puisque non contents de proposer une version browser totalement gratuite via le Chrome Store, l'achat d'un Don't Starve sur Steam vous permettra d'offrir un accès bêta à l'un de vos amis. C'est y pas le paradis, ça ?

La version bêta de Don't Starve est disponible en VO sur Steam au prix de 11,19€ ainsi que gratuitement via Chrome. Si aucune date précise n'a été communiquée pour la version finale, il semblerait que Klei Entertainment table sur une sortie à fin Mars 2013.