L'inspiration principale de Gavin Moore, il la formule ainsi : "j'avais besoin de réveiller l'imaginaire de mon fils". Il ajoute : "j'en ai eu assez de faire des jeux qui sont si réalistes, que tout ce qui m'intéressait c'était le nombre de rides que je pouvais mettre sur un visage". Tout en restant immensément respectueux des jeux traditionnels, il s'est donc lancé avec Puppeteer dans tout à fait autre chose, avec son équipe du Japan Studio.

"Je jouais au jeu dans ma tête, plutôt que sur l'écran"

En parlant de cet imaginaire, Moore renvoie aux premiers jeux tels que les aventures textuelles où tout se déroulait dans la tête du joueur. Ce besoin de surprendre, d'émerveiller, de faire autre chose est à la base de son jeu, qui emprunte son point de vue et une bonne partie de sa narration au Bunraku, le théâtre de marionnettes japonais. Dans Puppeteer, le joueur incarne Kutaro, un enfant kidnappé par le Roi de la Lune. Cette espèce de vilain ours le transforme en pantin de bois, et lui arrache au passage la tête pour la gober, avant de l'envoyer au loin... Ainsi dépourvu d'un organe pourtant précieux, le petit Katuro va devoir commencer, sous l'impulsion du joueur, par trouver quelque chose pour remplacer sa tête... aidé du chat Yin Yang (qu'on contrôle avec le second stick analogique, tandis que le premier sert à bouger Kutaro toujours sur un seul plan, en "2D"). Ce dernier servira ainsi à mettre à jour certains secrets, et à interagir avec les décors d'une autre manière que ne le peut Kutaro.

Mais revenons à sa tête : bien vite, en étudiant ce premier décor, notre héros trouvera un crâne. Plus loin une tête araignée. Et caetera ; le jeu regorge de têtes différentes, qui sont aussi la vie de Kutaro. S'il se fait toucher par un ennemi, sa tête tombera. Il a dès lors trois secondes pour aller la récupérer, sous peine de la perdre définitivement. Il peut avoir trois têtes en même temps, et passer de l'une à l'autre comme la situation l'exige... car chaque tête (et on nous en promet un paquet) dispose de sa propre capacité spéciale. En l'utilisant au bon endroit ou de la bonne façon, on pourra ainsi débloquer toutes sortes de choses, comme des stages cachés ou d'autres bonus... Si certaines têtes seront faciles à dénicher, d'autres seront bien cachées.

Sitôt une première tête collectée, il ira trouver la proverbiale sorcière, qui lui conseillera de dérober au Roi de la Lune des ciseaux magiques. Une fois ceux-ci récupérés, de nouvelles mécaniques de jeu lui demanderont de les utiliser de diverses manières... comme un moyen, pour commencer, de couper certaines parties du décor pour débloquer sa route vers d'autres tableaux. Les ciseaux lui permettront aussi en quelque sorte de voler, puisqu'il restera en suspension derrière l'énorme paire, qui le propulsera dans une certaine direction à chaque coup de ciseaux.

Un décor toutes les cinq minutes

Comme la vue de caméra est toujours la même, bloquée sur la scène de cette sorte de pièce de théâtre de marionnettes, pas besoin de gérer les occlusions, l'IA d'une caméra dans un environnement 3D, et toutes ces choses qui prennent énormément de ressources. Du coup, l'équipe a récupéré cette économie de temps machine pour tout mettre sur les lumières, et le résultat est tout simplement sublime. Mais, outre les jeux d'ombre et de lumières multiples et colorées que cela leur a permis d'ajouter, toujours dans un souci de maintenir l'émerveillement et la découverte toujours renouvelés, Puppeteer change son décor toutes les 5 ou 10 minutes, alors que le joueur trouve chaque sortie, chaque passage pour évoluer vers la prochaine séquence. Bien entendu, l'ensemble est animé, regorge de détails et foisonne de petites choses à découvrir. Le jeu respire l'inventivité, y compris dans les représentations de ces décors. Au début fixes, puis de plus en plus animés, ils font évoluer la façon dont Kutaro va progresser. Un coup horizontalement, un coup verticalement, un coup tout autour d'un cylindre... en réalité, la caméra ne bouge jamais, mais tout le reste bouge tout le temps.

Bien entendu, on n'en a pas vu encore énormément sur ce Puppeteer, si ce n'est, en plus de la démo live, un paquet d'artworks qui ont servi de base à des décors... grosso modo 500 scènes différentes, avec leurs ambiances, leurs lumières... leurs idées. Mais déjà, depuis l'oeil malicieux de Gavin jusqu'au début du jeu qui nous a été montré, on devine une potentielle pépite pleine d'inventivité, de finesse, d'ingéniosité, enrobée dans un ton à mi-chemin entre Tim Burton et les Monthy Python, qui passionnera probablement les enfants, mais saura également émerveiller les adultes. En tout cas, en ce qui me concerne, je suis déjà sous le charme.