From Columbia, with love

L'histoire de Bioshock commence par la découverte d'une ville. « Est-ce le paradis » demande Booker Dewitt, votre avatar ? « Non » lui répond un passant. « Mais c'est ce sans doute ce qui s'en approche le plus ». Arrivé sur Colombia pour remplir un contrat, « Bring us the girl, wipe away the debt »,  le moto de cette aventure semble tout droit sorti d'un bon nanar des années 80 avec Steaven Seagall à l'affiche. Sous un soleil flamboyant, Columbia, composée de multiples ilots reliés entre eux par les Skyline, affiche son ostentation et son avance technologique sur le reste de son monde contemporain de 1912. Ici distributeurs automatiques et autres machines robotisées n'ont rien d'anachronique dans cette Amérique steampunk post sécessionniste. L'ambiance est à la fête, les gens vaquent à leurs occupations et expriment leur joie de faire partie de ses élus. Pourtant très vite, aux fils des conversations et des affiches disséminées ici et là on se rend vite compte que cet Eden n'est qu'un fruit pourrit de l'intérieur au bord de l'implosion. Bâtit sur une idéologie aryenne et prisme déformant du mythe des pères fondateurs des Etats Unis, Columbia est dirigée par le prophète autoproclamé mais contesté Comstock. Et quelle est cette fille que l'on doit récupérer dans une tour étrange, telle une princesse prisonnière de son donjon ? Quid de cette révolution bouillonnante menée dans l'ombre par les Vox Populi et prête à s'enflammer à la moindre étincelle ? Naviguant de mystères en mystères, la découverte de cette citée au-dessus des nuages est une délectation de chaque instant sublimée par une direction artistique phénoménale.

 

Elisabeth, mon amour

Outre son insolente richesse en terme culturel, sociologique et artistique, la plus grande réussite reste la présence d'Elisabeth. Alors que je la regardais danser, joyeuse, au milieu de la foule, je me disais à quel point tous ses charlatans qui disent nous vendre de l'émotion numérique se sont fourvoyer jusqu'à aujourd'hui. Elisabeth, faite de code binaire se comporte comme un personnage de chair et d'os. L'illusion n'a jamais était aussi parfaite et rappelle les plus grands films d'animation de Miyazaki aux meilleurs Pixar. Elisabeth n'est point un obstacle mais bien au contraire la force motrice de l'aventure. Jamais l'empathie pour un personnage composé de lignes de codes n'aura été aussi forte. Autonome, réagissant à l'environnement et aux évènements avec un naturel déconcertant d'authenticité, les réactions d'Elisabeth ne servent pas moins de miroirs à celles du joueurs qui lui aussi parcours cette ville pour la première fois que de catalyseur pour l'empathie du joueur. Enigme en elle-même et vierge du monde extérieur à part ce qu'elle en a lu isolée depuis sa tour, Elisabeth prend littéralement et figurativement vie devant nos yeux.

 

C tro bi1 Coloff

Pardonnez-moi cet intertitre grivois et moqueur mais je me souviens de Ken Levine qui à propos de la jaquette affichant un héros semblant porter le poids du monde sur ses épaules avec un fusil à pompe et des flammes hollywoodiennes en arrière-plan, disait que cela n'était que du marketing destiné à séduire les jeunes garçons en manque de testostérone. Une impression renforcée par les derniers bandes annonces du jeu compilant les phases de tirs les plus violentes. Comme me dit souvent mon ami  Mike Beestufly, responsable marketing chez un grand éditeur : « le sang coco. C'est ce qui fait tourner le monde ». A la différence que cette violence est justifiée car reflétant les valeurs immorales et lade Columbia Et c'est vrai que Bioshock Infinite est assez efficace dans ce domaine-là. Shooter nerveux et technique, permettant de combiner pouvoirs magiques et armes a feux, le joueur se voit offrir un arsenal triple A laissant la voie aux expérimentations les plus létales. L'action s'intensifie encore plus grâce au Skyhook permettant de se déplacer à grande vitesse sur les rails sillonnant Colombia. Pourtant aussi bon soit-il, le gameplay est l'aspect le mois important de l'expérience. Et Ken Levine de faire un gros doigt aux gens du marketing. Bioshock Infinite est en effet moins un shooter qu'une passionnante relecture de l'histoire américaine, ses valeurs, ses vices, ses héros, ses démons avec assez de matière pour faire des thèses en doctorats sur les civilisations ou en physique quantique à chaque recoin du jeu. Le marketing nous a vendu un shooter mais les joueurs avertis y trouveront un diamant brut qui demandera un minimum d'implication pour apprécier la portée philosophique et émotionnelle de l'aventure. Le signe d'une grande œuvre assurément.    

 

Verdict Telerama Une passionnante relecture un brin Kubrickienne des Etats Unis qui mérite allègrement le ticket d'entrée et fera date dans l'histoire du medium. Bref, ça claque.