Attention spoilers, pour Max Payne 3, 24 heures chrono saison 8 et le film que justice soit faite.

L'histoire de Max Payne 3 commence par la fin. La scène d'ouverture nous montre Max à l'entrée d'un hangar d'avion dans un aéroport, s'approchant un pistolet à la main d'un type avec une jambe en moins, allongé par terre le moignon encore rouge vif cramé. Il doit aussi lui manquer un bras. Max nous parle en voix off et commente lui-même la séquence en nous expliquant qu'il est là sur le point d'exécuter le pauvre type en train de mourir à ses pieds et qu'on peut dire ce qu'on veut sur les Américains, ils ont bien intégré le principe du capitalisme : on obtient ce pour quoi on a payé. Ils ont payé un tueur et Max a tué. Retour en arrière pas tout à fait là où tout a commencé, mais au moment où la crise brésilienne démarre : Max, garde du corps de Rodrigo Branco, milliardaire brésilien, assure la sécurité avec son ami Raul Passos lors d'une réception chez les Branco. Des hommes habillés pas classe et cagoulés déboulent de l'ascenceur, se mettent à mitrailler tout ce qui bouge et contraignent Rodrigo et sa femme à les suivre.

La narration de Max Payne 3 souffre pour moi de plusieurs problèmes. D'abord c'est Max de la fin du jeu le narrateur et croyez-moi il n'économise pas sa salive. Tout au long du jeu, phases jouables et cinématiques incluses, il commente ce qui lui arrive, ou plutôt ce qui lui est arrivé. Et j'ai trouvé la plupart du temps que ça cassait le suspens, la tension. Le problème n'est pas qu'on ait vu la fin de l'histoire, ça pourrait créer du suspens ; le problème c'est qu'on a constamment le point de vue d'un type posé, calme, sur des situations qui ont pourtant dû être extrêmement tendues. On vit avec Max des fusillades mais sa voix vient constamment nous rappeler comme il est tranquille à l'endroit d'où il nous parle. Un point de vue avec beaucoup de recul vient presque constamment se superposer à des situations chaotiques, furieuses. En plus je n'aime pas quand le personnage que je contrôle, alors que je le contrôle, se met à parler. Je ressens un décalage et ça ne marche pas. Quand je suis en contrôle, je dois l'être à 100%. Quand je déplace à Max, il ne doit pas se mettre à parler tout seul : je le contrôle ou je ne le contrôle pas ? ai-je envie de demander aux développeurs.

Pourtant le procédé du commentaire de Max (pas in-game hein) a fonctionné pour moi lors de certains chapitres : les chapitres flash-back, les chapitres où à un moment de son aventure brésilienne, Max se remémore un coup d'éclat passé. C'est particulièrement puissant lors du chapitre sur le yacht au canal de Panama. Max vient de voir s'enfuir en hélicoptère celui qu'il pensait être son ami, Passos, et le laisser tout seul au milieu des méchants. A ce moment Max repense à cette mission à Panama. A l'époque - il nous le dit et on le voit - il était tellement imbibé d'alcool qu'il n'a pas fait attention aux signes, les signes qui maintenant créent des liens dans sa tête et lui font réaliser qu'il aurait pu anticiper la trahison de Passos. Il a vu des choses à Panama, des choses qui annonçaient ce coup de poignard dans le dos de la part de celui qu'il considère son ami - et maintenant qu'il est sobre (après une désintoxication quelques jours avant sur un coup de tête - efficaces les coups de tête !) il se rappelle. Et c'est alors que l'on retrouve Max quelques mois auparavant sur le bateau à Panama.

Et ça fonctionne : le Max narrateur, le jeu et la musique nous racontent ce qui s'est passé à Panama. Max revit cette scène au moment où l'hélicoptère de Passos s'éloigne et les développeurs nous font vivre ce souvenir, ce travail de mémoire. Dans le contexte d'un flash-back, la narration du Max futur devient la narration du Max présent, le temps que l'on connaît, le temps du récit, et on est alors parfaitement en phase avec ce que le jeu nous raconte. Hélas, on retrouve bien vite dans les phases de jeu au "présent" la voix de ce Max du futur qui semble complètement déconnecté de ce qu'il nous raconte et de ce que le jeu nous fait vivre ; alors que la force du flash-back à Panama, c'est bel et bien que ce retour en arrière est aussi celui du héros.

L'autre gros reproche que je vais faire à Max Payne 3, c'est l'histoire. J'ai attendu tout le jeu que ça décolle, l'espace de deux chapitres (dont celui à Panama) j'ai bien cru que ça allait décoller, mais en fait non. Ce qui arrive à Max est malheureusement d'une platitude assez remarquable. La trahison de Passos ? Raté, en fait il n'est pas si méchant. Moi j'attendais que Max pète un câble. Je reconnais qu'en fait c'était mal barré vu l'aplomb avec lequel il raconte son aventure. Ou alors on aurait basculé dans un trip du genre L'Étranger de Camus, c'est-à-dire un type qui commet un meurtre et qui ne ressent rien par rapport à ça. Enfin j'espérais que Max soit tellement blessé, que les blessures de sa vie soient à ce point rouvertes qu'il se change en une bête féroce, à l'instar de Jack Bauer à la fin de la saison 8 de 24 heures chrono ou encore du héros de Que Justice Soit Faite, qui se met à assassiner méthodiquement tous les membres de l'administration judiciaire qui ont permis de près ou de loin que l'assassin de sa famille ne soit pas condamné. J'attendais que Max soit à ce point dégoûté de la vie qu'il fasse un carnage et atteigne le point de non-retour.

D'abord j'aime ces histoires de héros qui se changent en "méchants". Je trouve ça juste hyper intéressant et je les trouve encore plus attachants parce qu'on comprend bien que c'est le caractère extrême de leur douleur qui les amène à ça - on ne peut pas les diaboliser comme de mauvais méchants parce qu'on les connait et qu'on comprend leur fonctionnement. Un héros qui devient mauvais c'est d'abord un héros dont la peine, quelle qu'elle soit, est immense et que l'oeuvre arrive de façon exceptionnelle à nous faire ressentir.

C'est un malentendu. J'ai cru à cette histoire et l'ai attendu, mais elle n'est jamais venue. La première scène où Max surplombe un homme amputé ? Vous allez rire : à la fin, ce type balance une grenade à Max et alors que la grenade est en l'air, Max tire dessus (légitime défense m'est-avis), elle explose près du type et c'est comme ça qu'il se retrouve brûlé vif avec des membres en moins.

Mais ce n'est pas tout. Quand Max voit son ami Passos l'abandonner. Quand on le joue au Panama et que c'est une musique triste qui donne le ton des fusillades. Quand on réalise que Max, au fond du trou depuis des années, alcoolique notoire, a peut-être été manipulé depuis le début par Passos et que ce dernier aurait profité de sa maladie, j'ai trouvé ça extrêmement pathétique. Max Payne, sobre depuis peu, comprend que quand il était une loque, on a fait de lui ce qu'on voulait, et que ces mêmes gens aujourd'hui le laissent crever. Grand moment : dans la voiture du flic qui le sort de ce pétrin, Da Silva, Max lui dit qu'il connait Passos de l'académie de police, où ils ont étudié ensemble. Mais c'est Passos qui lui a dit ça et qui a prétendu le reconnaître, dans un bar de New York où déjà Max avait les cellules grises trempées dans du whisky. Et Da Silva lui répond "vraiment ?" et Max est incapable de lui répondre. Il était tellement au fond du trou qu'il n'a même pas pu se demander si Passos avait réellement fait l'académie avec lui. Peu importe que ça soit vrai ou faux ; ce qui est fort c'est que Max ne le sache pas et qu'il ne le réalise que maintenant, des mois et des mois après que ce même Passos l'ait amené dans un pays dont il ne connait pas la langue et l'ait fait travaillé pour des gens en qui il ne peut pas avoir confiance. Et le plus tragique c'est qu'au Panama n'importe qui aurait réagi à ce que Max Payne voit et entend. N'importe qui aurait compris que les Branco et Passos agissent dans son dos, voire le manipulent. Mais pas Max dans l'état dans lequel il était à ce moment précis.

J'ai été pris d'empathie à ce moment-là et j'ai vraiment espéré que Max n'en finisse plus de se casser la gueule, jusqu'à ce qu'il prenne les armes et fasse tout péter. Mais non. Ça partait mal, il est abandonné par son ami au milieu des méchants ; pas grave, Da Silva arrive avec sa voiture au même moment "comme par hasard" et lui dit de grimper. Déjà pour que Max pète un câble faut qu'il soit seul, quelle idée de lui filer un partenaire. C'est mauvais pour le désespoir, tout le monde sait ça. La suite bah c'est Max qui tombe sur un trafic d'organes et qui décide d'y mettre un terme. Trop. Bien.

J'ai donc été extrêmement déçu par l'histoire de Max Payne 3. La scène au Panama m'a fait rêvé mais maintenant que je la refais et que je connais la platitude de ses conséquences, et bien elle perd à peu près toute sa force. Reste la scène pas trop mal de rail shooting en hélicoptère pour protéger Giovana, poursuivie sur le toit d'une discothèque par des types bien décidés à lui faire du mal. La musique est top, elle induit une bonne tension, la visée est tendue parce qu'avec l'arme au laser qui nous est imposée le réticule disparaît et Giovana a beau s'enfuir, des méchants continuent d'arriver. Ensuite on se pose et on continue à pied. Pas mal.

Restent les fusillades et les déplacements, ce que le jeu nous donne à vivre manette en main. J'ai pas grand chose à en dire, pour l'instant j'ai fini le jeu en facile, c'était pas passionnant ni vraiment palpitant - ce qui donne raison à ma tendance à commencer direct en difficile. Je le refais en normal et je dois un peu plus m'appliquer, mais bon. J'attends de le terminer et peut-être de le refaire en difficile si j'ai le courage, et je mettrai à jour cette critique. Néanmoins je peux amener un bémol : on est vraiment obligé de se coller à un mur (en appuyant une fois sur carré) pour se protéger, on ne peut pas juste se positionner manuellement, c'est inefficace. Pour deux raisons. La première, c'est la caméra : comme elle est de côté, on ne peut pas se placer précisément au bord d'un muret ou d'une colonne, on arrive tout simplement pas à voir si notre corps dépasse ou non. La deuxième raison, c'est les déplacements. Max a moins d'inertie que les précédents personnages de Rockstar (et heureusement pour un TPS), mais encore pas assez pour pouvoir bouger latéralement de manière précise et sensible. Ça plus la tendance à ne plus bouger dès qu'on est contre un mur, ça rend la couverture manuelle très hasardeuse, assez impossible à mettre en oeuvre. Je le regrette, parce qu'on est quand même dans un registre nerveux, de visée et de déplacement, et devoir se coller comme ça à un mur pour utiliser sa protection, ça me semble inapproprié, on pose sa tente et on se rend vulnérable parce que du coup nos mouvements deviennent très limités. J'ai envie de parler d'un mauvais choix de conception.

La réalisation graphique tue pas mal. Uncharted n'est pas loin à mes yeux. On est dans du très net, très détaillé et très coloré, techniquement ça envoie. Comme à peu près tout le monde je crois, je n'aime pas les effets clipesques pendant les cinématiques et je pointerai du doigt le peu d'expressivité des visages. Souvent j'ai trouvé les cinématiques un peu grotesques parce que l'image n'apportait qu'un décor, un contexte aux dialogues. Les impacts de balle peuvent paraître révolutionnaires mais à moi ils me semblent le minimum syndical pour un jeu de cette génération. Je rappelle qu'il y a pas mal d'années sortait Soldier of Fortune 2 qui met encore la misère à tout le monde au niveau de la gestion des dégâts. Donc les impacts de Max Payne 3, c'est très bien mais pas de quoi non plus crier victoire. C'est juste mieux que 95% de la production de jeux d'action next-gen qu sont nuls à ce niveau.

Enfin, les tentatives de mise en abîme fallait vraiment pas, ça me sort du jeu. Max qui joue au piano le thème de la série et qui commente "c'est la bande originale de ma vie", je dis non. Quand Da Silva qualifie Max Payne de héros de films d'action qui tue plein de gens je dis non aussi. Un peu de respect pour la fiction, mince !

Un autre problème du jeu c'est qu'il utilise beaucoup de cinématiques pour raconter son histoire, au point que les séquences de jeu sont souvent entrecoupées de cinématiques. Face à cette constatation je pose deux questions à Rockstar : avez-vous écrit la bonne histoire pour un jeu vidéo ? Les cinématiques étaient-elles toutes nécessaires au récit ?

Une qualité de Max Payne c'est que les objectifs du jeu sont toujours ceux du personnage et cohérents avec ce qu'on nous montre dans les cinématiques. Ceci est contrebalancé par la fin dans l'aéroport à mon goût limite abstraite (c'est une véritable armée qui s'empare du lieu) et les multiples défis que lance le jeu dès la première partie (challenges, objets secondaires à ramasser). Forcément quand on se met à orienter son style de jeu en fonction de défis du menu et pas de la meilleur façon pour remporter la victoire, celle de Max, forcément messieurs les développeurs la narration en prend un coup. Et il va bien falloir un jour s'en rendre compte.

Dernier point, les animations. Je serai bref, je ne suis pas un grand fan du moteur Euphoria. Ok, le corps des ennemis réagit aux impacts, ce qui n'est pas le cas dans tous les jeux, mais je trouve que les animations produites par ce moteur transpirent la molesse, manquent singulièrement de nervosité. Je me faisais la même remarque lors des fusillades de GTA IV. Enfin, les cinématiques de Max Payne 3, comme celles des autres jeux Rockstar, me semblent assez souvent saccadées. Elles filment les personnages qui s'animent mais leurs animations ne me paraissent jamais vraiment naturelles, jamais vraiment fluides.

Si jamais je développe mon point de vue sur le gameplay du jeu je mettrai à jour cette critique (nous sommes le 1er juin 2012).