L'histoire, c'est celle de Red, une chanteuse qui a échappé de peu à la mort. Elle se tient près du corps d'un homme sans vie, une épée fichée dans celui-ci. Une voix sort de l'arme lorsqu'elle vient à la retirer. C'est celle du défunt. Sa conscience est enfermée dans cette lame gigantesque baptisée Transistor. Il lui parle, la réconforte, elle dont la bouche refuse d'émettre le moindre son. Qui sont ses agresseurs ? Pourquoi s'en sont-ils pris à elle ? Comment se fait-il que le Process envoie son armée de robots à ses trousses ? Pourquoi tous les habitants de la ville de Cloudbank semblent avoir disparu ? Qui est enfermé dans Transistor ? Cela fait beaucoup de questions. Chaque réponse viendra. Pour l'heure, cette épée un peu trop lourde doit être retournée à ses propriétaires par une Red bien décidée à se venger.

Red is not dead

Aux faux airs de Kill Bill futuriste et hallucinogène, Transistor aurait pu être un Bastion-bis. D'ailleurs, certains parmi vous l'imaginaient peut-être action-RPG "classique" en vue isométrique. Sauf que dès les premières escarmouches, on constate un délai entre le moment où l'on sélectionne une attaque et sa mise en application. Le tout semble un peu figé. Latence ? Non. En réalité, on est face à un jeu de rôle tactique qui fait quelque peu penser aux premiers Fallout ! Bien qu'on puisse bouger, se planquer derrière d'étranges murs blancs se dressant par endroit et asséner quelques coups librement et en temps réel, il devient vite nécessaire presser R2 pour passer en mode Turn. Alors, le temps se fige et l'environnement devient "Matrixien". Une jauge d'action apparaît et vous pouvez planifier déplacements et attaques selon les limites fixées par celle-ci. Une fois choisi, l'enchaînement se déroule à la vitesse de l'éclair, prenant en compte de nombreux facteurs. Très nombreux. A commencer par le fait que les suppôts du Process ont quelques tours dans leur sac. Et que pendant que vous attendez de pouvoir à nouveau agir, ils peuvent vous faire bien des misères.

Extrême fonction

Les ennemis, parfois nombreux, peuvent vous canarder à distance, exploser, vous attirer à eux, se rendre invisible, brouiller votre perception, se régénérer ou être invulnérables grâce à un de leur congénère proche ? N'allez pas croire que vous êtres démunis. A chaque montée en niveau ou en absorbant l'essence de personnes décédées, vous allez développer et récupérer de nouvelles fonctions. Assignées aux touches de façade la Dual Shock 4, elles occasionnent des actions plus ou moins gourmandes en temps : des attaques rapprochées, en ligne droite, explosives, étourdissantes, de quoi corrompre un ennemi, matérialiser un compagnon, créer un double, lancer des projectiles qui rebondissent, se mouvoir plus vite, passer inaperçu le temps de se placer derrière un monstre et exécuter un coup sournois... Il y en a une ribambelle. Ils peuvent se combiner sur le terrain, mais pas que. Histoire d'ajouter une réelle profondeur stratégique et ne jamais cesser d'expérimenter, il est possible de réorganiser les fonctions à chaque point d'accès (qui fait aussi office de borne de sauvegarde) que l'on enclenche. On peut alors les placer aussi bien en utilisation passive qu'en soutien. S'appliquent alors des bonus ou des caractéristiques qui peuvent faire la différence. Par exemple, la fonction qui propose un tir rebondissant se transforme en bouclier temporaire, celle qui offre un assesseur donne accès au pouvoir Kill, très explosif. Les possibilités, limitées par un système de slots mémoire évolutif, sont légion, et laissent clairement aborder les rixes de la façon souhaitée, que l'on soit face à moult petites crottes ou des adversaires plus sérieux, voire un boss qui prend une certaine place sur l'écran...

Tout un art

Très satisfaisants, et révélant une autre partie de leur potentiel dans une zone plus cool accessible via des portes dérobées, qui permet de plonger dans des défis du genre casse-tête ou contre-la-montre réellement ingénieux, les affrontements ne sont pas la seule bonne chose que Transistor a à offrir. Regardez les images, faites tourner des vidéos, écoutez cette incroyable proposition musicale, variée et souvent bien adaptée aux situations que traverse Red. C'est tout simplement somptueux. Si l'on se pose souvent la question de savoir si le jeu vidéo est un art, il y a en tout cas une certitude : des gens comme Jen Zee, en charge de la direction visuelle, ou le compositeur Darren Korb (qui emploie une fois encore le timbre cristallin d'Ashley Barrett pour les parties chantées) sont assurément des artistes. Et que dire de la voix de Transistor, de tout ce qu'elle exprime durant l'aventure - ce qui passe par la manette, avec la lumière et le haut-parleur (en option) ? Il s'agit d'une idée superbement exploitée, plus chouette peut-être que le narrateur de Bastion, qui immerge, crée un lien fort, intime. Qui pousse à ces petites interactions qui en disent davantage sur le contexte, à se plonger dans des fichiers expliquant le destin de certains personnages, juste pour obtenir une autre réaction et des réponses à cette histoire surprenante, voire émouvante... Chose qui ne sera pas forcément possible au premier run - que l'on pourra trouver bien court. Tant mieux : le mode Récursion, sorte de New Game +, propose un challenge plus relevé.

Dans le genre "petite tarte dans la gueule", Transistor se pose là. Bien que je me doutais que Supergiant allait encore faire plaisir à nos yeux et nos oreilles, je ne pensais pas que le reste se montrerait aussi puissant. Entre le système de jeu, les multiples interactions, si futiles soient-elles parfois, en passant par la façon dont évolue la relation Red/Transistor, j'ai été subjugué de bout en bout par chaque aspect, jusqu'à ce dénouement tout simplement magique. Tout à fait le genre de jeu qui laisse sans voix. Ironique, non ?

Transistor est disponible en téléchargement sur PS4 via le PSN et sur PC via Steam pour un peu moins de 20 euros.