Les faits de Last Window se déroulent quatre ans après que Kyle Hyde, le protagoniste, ait quitté la police de Manhattan. Désormais employé chez Red Crown à Los Angeles, l'ex-flic est sensé vendre des produits ménagers au porte-à-porte mais ceci n'est qu'une couverture. Le patron de cette société lui demande en fait de retrouver certains objets particuliers, une faculté naturelle chez l'ancien détective et qui lui convient assurément mieux que de vendre du détergent. L'histoire commence alors qu'un Kyle un peu tire-au-flanc sur les bords vient de se faire virer et rentre chez lui, le pas lourd, à la résidence Cape West. Une résidence qui va devenir le lieu de toutes les intrigues et qui sera votre unique terrain de jeu pour faire valoir vos talents de limier, mais également votre art de la conversation.

Le souvenir est voisin du remords

Dire que Last Window est un jeu bavard est un euphémisme. Tant et si bien que l'on se sent plus souvent dans un roman ou une BD interactive (de belle facture, la direction artistique du titre est très agréable) que dans un jeu vidéo à part entière. Cependant, un grand soin a été apporté à la rédaction des dialogues et ceux-ci parviennent avec aisance à dresser la psychologie d'un personnage ou à donner une certaine véracité aux échanges avec vos interlocuteurs. Ces interlocuteurs, exclusivement vos voisins et quelques intrigants visiteurs, seront les acteurs d'un mystère qui prend ses racines près de trente ans en arrière, à l'époque où Cape West était encore un hôtel. Un vol, un meurtre, des évènements du passé plus ou moins liés à Hyde, dont je ne vous dirais rien de plus pour ne pas déflorer l'histoire... Sachez tout de même que celle-ci est cousue de fil blanc. Ou alors je suis le nouveau Columbo et je perds mon temps à supporter le rire de RaHaN, ce gentil bougre, au lieu de résoudre les affaires policières les plus pointues dans la vraie vie.

Une intrigue tactile qui prend bien trop par la main

Contre toutes attentes, je ne vais pas m'acheter un cigare, un teckel et un strabisme dans l'immédiat car je crois que j'ai une explication infaillible concernant cette sensation selon laquelle l'intrigue serait trop évidente... Last Window est beaucoup trop dirigiste et porte le joueur à bout de bras. Bercé par les conversations, les remarques anecdotiques, le joueur ressent une pointe d'intensité lorsque, enfin, une action à réaliser, une phrase à placer au bon moment, évidemment avec le stylet, s'offre à lui, avant de se rendre compte qu'il vient seulement de désactiver un interrupteur ou de poser une question qui lui était de toute manière imposée....

L'ensemble, graphisme et musique (faut aimer les réinterprétations jazz chipos), reste charmant et tout ce "superflu" vise à renforcer l'immersion, à donner une ambiance à l'ensemble. C'est éminemment noble à mon sens, moi l'inconditionnel de Shenmue, mais suivre l'action, en n'étant finalement que très peu acteur de celle-ci, m'enjoint à me demander s'il ne valait mieux pas pour le même prix, investir dans des polars une gamme au-dessus, de papier ceux-là. D'ailleurs, je vous le rappelle, la DS se tient comme un livre pour ce jeu. Sur un écran, votre environnement modélisé en 3D, appréhendé à travers les yeux de Kyle, sur l'autre, ce même environnement sous forme de plan, où l'on gère les déplacements avec le stylet. Lors des dialogues, le héros d'un côté, l'interlocuteur de l'autre.

Problème de voisinage

Au final, si Last Window : Le Secret de Cape West n'est pas si séduisant, c'est également du fait de son caractère "tiède". Je m'explique : comparons-le avec une merveille du poin't'n click tel que Monkey Island (oui, la barre est haute mais ce n'est pas le propos). Ce qui fait le génie de Monkey Island, c'est en grande partie son humour référencé, totalement assumé, qui donne toute son atmosphère au titre. Dans Last Window, on essaye timidement de placer quelques références au jazz, aux USA des années 80 (le jeu se déroule à cette époque), aux cartoons mais sans jamais vraiment vouloir y toucher... Du coup, on reste dans une certaine platitude, avec cette sensation permanente que ce n'est là que pour vaguement faire joli, le tout demeurant donc factice. Classique dans certains titres japonais me direz-vous, mais cela demeure bien agaçant. Quitte à vouloir définir une ambiance, allez-y à fond messieurs !

Le dernier titre du studio CING (à proprement parler, cette boîte ayant mis la clef sous la porte...) est joli, agréablement tactile, possède des dialogues bien écrits. Cependant, l'impression constante que l'on suit l'aventure plus qu'on ne la vit donne l'étrange sensation que quitte à lire un roman, autant se tourner vers un bouquin de James Ellroy (si vous préférez les belles illustrations, lisez Blacksad). Lequel, et ce n'est pas une insulte envers le titre DS, sera toujours plus conséquent au niveau de l'intrigue. Si l'emballage de l'ensemble pour donner une ambiance au titre, ainsi que son gameplay, sont bien faibles pour qu'on se sente vraiment impliqué dans Last Window : Le Secret de Cape West, nul doute que certains se laisseront néanmoins charmer par l'aspect graphique et la sympathique narration du titre.