Il s’en est passé des choses depuis la sortie de Dirt Rally 2.0 en 2019. Les jeux de Kylotonn, le principal concurrent sous licence officielle, ont continué leur bonhomme de chemin avec WRC 9 puis 10, avant leur ultime chant du cygne l’an passé : WRC Generations. Mais surtout Codemasters, le papa de Dirt Rally, a été racheté par le géant Electronic Arts, raflant au passage la licence officielle du World Rally Championship. Un bouleversement de taille pour Dirt Rally, celui que beaucoup considèrent encore aujourd’hui comme l’une des plus grosses références du milieu aux côtés d’un certain Richard Burns Rally. Annonce d’un monumental jackpot pour tous les amateurs qui salivaient déjà à l’idée d’un Dirt Rally 3 sous licence officielle ? Et bien pas tout à fait. EA a très vite calmé les ardeurs en annonçant l’annulation de Dirt Rally 3. Un arrêt cependant tout relatif puisque la base déjà amorcée sera en réalité utilisée comme socle pour la suite, un jeu répondant au nom de EA Sports WRC. Electronic Arts possède les droits et compte bien les faire valoir, et cela passe obligatoirement par une refonte de l’appellation du jeu, bien plus explicite ainsi. Pour ce qui est du soft à proprement parler, EA Sports WRC souhaite combiner le meilleur des deux mondes, à savoir la physique appréciée et éprouvée de Dirt Rally 2.0 au contenu ultra complet d’un WRC Generations. La recette ultime a-t-elle été trouvée ?

Un menu alléchant

Pour ce qui est du contenu, il est effectivement difficile de faire la fine bouche avec EA Sports WRC. De nombreux modes pour 18 destinations aux quatre coins du globe et 200 spéciales à parcourir au volant de près de 80 véhicules, voilà ce que vous propose le jeu. La combine, on la connaît. La plupart du temps les multiples tracés d’un pays utilisent et réutilisent en partie les mêmes tronçons, de jour, de nuit, sous la pluie, dans un sens puis dans l’autre. Mais force est de reconnaître que le tout reste suffisamment varié pour ne pas être redondant. Il est même possible de choisir la saison de l’année à laquelle se déroule la course, ce qui apporte la aussi une sensation de renouveau niveau ambiance générale. L’un des plus gros tours de force est surtout de nous offrir des courses particulièrement longues allant jusqu’à environ 35 km. Autant vous dire qu’après cinq années à parcourir les mêmes tracés de Dirt Rally 2.0, il vous faudra un bon moment avant de commencer à ressentir de la lassitude.

Côté voitures, toutes les époques sont couvertes par la présence de nombreuses légendes de la discipline accompagnées de leurs livrées officielles, bien que certaines manquent à l’appel, mais ce serait chipoter. Les multiples catégories ayant façonné l’histoire du rallye y sont représentées, du H1 et sa classique Lancia Fulvia à l’incontournable groupe B et ses tombeaux roulants finalement interdits. Que vous soyez un fan inconditionnel ou simplement amateur occasionnel, chaque joueur retrouvera sans mal les engins emblématiques de sa génération. Quel bonheur d'embarquer à bord d’une 306 Maxi Kit Car ou d’une Subaru Impreza 98 avec leurs couleurs inoubliables ! Et que dire de la réalisation sonore délicieuse, reprise en partie de Dirt Rally 2. Licence oblige, Codemasters profite enfin du droit d’intégrer les catégories les plus récentes avec les WRC hybrides.

Une propulsion à l'ancienne sur de la neige, numéro d'équilibriste en vue

Une première approche pleine de promesses

Si vous êtes nouveau dans l’univers du rallye, alors une école est là pour vous apprendre les bases du pilotage tout en glisse. Ne vous attendez pas à l'équivalent des permis sur un Gran Turismo. Les épreuves, toutes déverrouillées dès le départ, sont ici beaucoup plus succinctes et se limitent à quelques objectifs à suivre sur différents revêtements de piste. C’est sympa, mais sous exploité. C’est bel et bien le mode carrière qui sera l’axe principal de votre progression solo sur EA Sport WRC.

A plus d’un égard, la construction de la carrière sent la patte bien connue de l’éditeur, le mode My Team de Formula One en ligne de mire. Vous serez invité à créer votre écurie parmis trois divisions, à savoir WRC Junior, WRC 2 ou la catégorie reine, le WRC. Inutile donc pour les plus impatients de débuter en tant que rookie devant gravir un à un les échelons de la gloire, les plus grandes portes vous seront directement ouvertes si vous le souhaitez. Un choix qui dépendra des envies de chacun, mais surtout du degré de “role play” visé. La particularité, c’est que vous aurez la possibilité d'élaborer vous-même vos propres voitures (ou si vous le préférez, d’acheter des modèles réels auprès des concessionnaires). La conception de A à Z vous revient, en choisissant tout d’abord un modèle de transmission de base (traction, propulsion, 4x4, positionnement du moteur). A vous ensuite de sélectionner les principales pièces mécaniques à équiper, réparties selon plusieurs catégories et surtout en fonction de votre budget en poche (possibilité d'acquérir du reconditionné ou du neuf, impactant directement la fiabilité). Le choix de l’habillage extérieur et intérieur vient achever votre création avec quelques éléments de carrosserie à définir (face avant et arrière, pare-chocs, capot, jantes etc). Dans l'idée, le concept est vraiment plaisant, donnant une implication supplémentaire au joueur qui suivra l’évolution et le bon entretien de “sa” voiture. Il est juste dommage que le nombre d’éléments mis à disposition soit relativement limité.

Vous pourrez créer votre propre voiture de A à Z

Un bon patron ne recrute personne

Le déroulé de la carrière de EA Sport WRC s’articule autour de deux principaux aspects : le calendrier des épreuves et la gestion de votre team. A l’image de ce que proposaient les jeux Kylotonn, votre saison sera divisée en semaines regroupant l’intégralité des activités. Championnats officiels, tests constructeurs, courses événementielles, essais internes pour améliorer la mécanique… toute cette panoplie est associée au côté “équipe” de votre écurie avec des sessions de repos, de recrutement et de formation. Vos finances ne sont pas illimitées et dépendent directement de la bonne humeur de votre mécène, qui vous impose des objectifs à atteindre. A vous alors de faire les bons choix (un seul par semaine !) pour y parvenir et améliorer vos relations, synonymes par exemple d’un supplément de budget hebdomadaire. Tout ça, c’est en théorie. On se rend rapidement compte que cette gestion d’équipe ne sert en réalité à pas grand-chose… Il est tout à fait possible de ne recruter personne, pas le moindre mécano, et de se concentrer uniquement sur les courses accessibles tout en faisant un minimum plaisir au big boss pour obtenir une augmentation des gains nécessaires à l’acquisition des véhicules. La magie du jeu fera qu’il sera tout de même possible d’effectuer les réparations mécaniques entre les spéciales tout en économisant des salaires pour satisfaire aux objectifs demandés. Oui, tout l’intérêt s’en trouve biaisé. Finalement, le seul rôle des mécanos ou même de la formation du chef d’équipe est majoritairement d’accomplir les réparations plus rapidement ce qui, si vous faites un minimum attention, ne sera clairement pas nécessaire. La grande variété d’épreuves assurera une bonne rejouabilité c’est certain, mais en l’état la carrière nécessite un gros équilibrage.

Heureusement, d’autres modes sont à votre disposition avec les habituelles parties rapides, contre la montre et championnats à créer de toutes pièces selon vos envies. La section “Moments” se démarque en proposant un ensemble de défis fictifs ou réels mis à jour régulièrement, permettant de reproduire les plus grands exploits du monde du rallye ainsi que les temps forts de la saison en cours, à la manière de ce que pouvait proposer par exemple un Sébastien Loeb Rally Evo. Un classement en ligne complète cette sélection qui, si elle profite d’un suivi sérieux, sera particulièrement plaisante à suivre. Le online n’est pas en reste et ne se limite pas à de simples courses de chrono contre d’autres joueurs. Il repose sur un concept de clubs, à créer ou à rejoindre pour disputer des championnats avec vos amis ou même des inconnus que vous apprendrez à connaître. Des clubs officiels seront proposés par EA, tel que le Solberg Rally Club actuellement disponible si vous vous sentez capable de battre les temps d’un champion du monde. Là encore, ce mode possède de beaux jours devant lui s’il bénéficie de contenu régulier.

EA SPROT WRC TEST PS5
L'impitoyable rallye du Kenya

Une grande forme physique

EA Sports WRC profite de la physique de Dirt Rally 2.0, améliorée pour l’occasion, et cela se ressent. Le feeling, que l’on soit joueur manette ou volant est excellent,  bien que légèrement plus accessible et permissif (avec ou sans aides à la conduite). Dirt Rally 2.0 avait cette fâcheuse tendance à jouer excessivement avec la glisse, notamment sur le bitume, un des rares reproches que lui avait adressé sa communauté. Codemasters a entendu et revu sa copie sur ce point pour nous offrir des courses sur routes goudronnées folles en sensations avec des voitures littéralement clouées au sol. Et pour ceux que j’ai pu voir pester contre le manque de réalisme, je vous invite à aller voir une caméra embarquée sur une véritable WRC, vous risquez d’être surpris. Les autres surfaces profitent elles-aussi du même traitement quasi parfait, que ce soit sur neige, gravier ou terre, toutes aussi jouissives. Un bémol cependant avec le comportement des voitures en vue poursuite : cette sensation de pivot sur un point central, tout particulièrement pour les plus petites catégories. Leur mouvement paraît étrange à l'œil, couplé à un manque de réaction de la carlingue face aux aspérités de la piste donnant une impression de flottement peu naturelle. Les réceptions sur les sauts sont d’ailleurs assez représentatives de ce problème. Heureusement cette sensation s'estompe totalement dès lors que vous passez sur l'une des vues subjectives, de loin les plus immersives et recommandées pour profiter à fond du gameplay.

Les possesseurs de volant profitent là aussi de l’expérience du studio sur ce WRC avec la prise en charge d’énormément de périphériques de toutes marques, aussi bien volants que pédaliers, shifters et freins à main. Leur paramétrage en revanche se révèle un peu plus complexe, la faute à une rotation n’étant pas personnalisable selon un degré précis. Dans le cas de mon Thrustmaster T300RS, il m’aura fallu pas mal bidouiller au jugé pour atteindre l'angle de rotation idéal. Une fois ce détail passé, vous aurez droit à une très bonne gestion du retour de force et des vibrations transmettant efficacement toutes les informations nécessaires. Là aussi chacun pourra régler le tout à sa convenance et selon son matériel, mais d’un point de vue personnel je trouve qu’il y a parfois un manque de données sur une piste lisse, poussant à augmenter les vibrations avant de se faire arracher les bras sur un terrain bien plus accidenté (coucou le Kenya et ses tracés impitoyables mais fantastiques). Encore une fois j’insiste, tout est question d’équilibre propre au matériel de chacun.

Votre passage soulèvera des nuages de poussières sur des centaines de mètres

KO technique pour WRC

Il est maintenant temps d’attaquer la partie technique de EA Sports WRC et là, autant dire faire face aux problèmes… Inutile d’y aller par quatre chemins, le jeu souffre sur de très nombreux points, que ce soit sur ses versions consoles comme PC. Sur PlayStation 5 avec un téléviseur 4K oled HDR, EA Sports WRC est clairement en dessous de ce que l’on est en droit d’attendre d’un jeu en 2023, qui plus est exclusivement new gen. Le rendu visuel est resté sur une autre époque avec des textures pauvres, du clipping à gogo et de l’aliasing. Pire encore, Du tearing (déchirement de l’image) à outrance s’invite dans certains passages rapides en compagnie de chutes de framerate conséquentes et de micro freezes… Vous en voulez encore ? Alors ajoutez à tout cela des bugs visuels lors des replays, des effets d’éclairage de nuit parfois brouillons et les lignes blanches de la chaussée visibles à travers les murs, et vous obtenez un bon aperçu de ce qui vous attend, bien que toutes les courses ne soient pas toutes logées à la même enseigne. Et croyez-moi la liste n’est pas terminée… Ces problèmes, pour certains, avaient déjà pu êtres constatés sur les phases de previews qui bénéficiaient cependant d’une certaine tolérance en raison d’un développement en cours. A l’heure de la sortie, soyons clairs, le jeu d’EA est encore techniquement en phase de bêta inachevée. Pour faire la comparaison, un Dirt Rally 2.0 sorti il y a bientôt cinq ans est bien plus beau et détaillé. Il est à signaler que la version PC est également pointée du doigt en raison d’une mauvaise optimisation impactant les performances de nombreux joueurs, et ce même sur de grosses configs. On comprend mieux l’absence de la VR à la sortie, que l’on peine à imaginer tourner dans ces conditions.

Un gros travail reste à fournir par Codemasters pour finaliser son titre et le rendre irréprochable. Mais plusieurs questions se posent : EA, ayant racheté le studio, souhaite-il créer une licence annuelle à l’image de ses autres productions ? Et si tel est le cas, auront-ils l’envie d’injecter du temps et surtout de l’argent dans un sauvetage technique ou préfèreront-ils corriger le tout dans une édition 2024 ? Pour le moment personne ne possède de réponse et il ne nous reste plus qu’à attendre et espérer. Et c’est frustrant tant EA Sport WRC regorge de qualités ! L’excellent level design des tracés ou encore certains détails visuels comme les nuages de poussière soulevés sur des centaines de mètres après notre passage, couplés à toutes les qualitées détaillées tout au long de ce test nous laissent dans une situation mitigée, à mi-chemin entre sensations addictives et moments énervants avec des tas de soucis nous sortant parfois totalement de l’expérience.

WRC test
Le jeu souffre techniquement et accuse un gros retard