Petit rappel des faits : en août 2020, Epic décidait de proposer un système de paiement direct dans son Battle Royale qui n'en finit plus de cartonner, histoire de contourner la part de 30% prise par Apple sur chaque transaction effectuée sur l'un de ses appareils. En représailles, Fortnite était retiré des boutiques en ligne maison, et Google de faire de même quelques jours plus tard. Les enjeux financiers étaient tels que l'affaire ne pouvait évidemment se terminer que par une décision de justice, "à l'américaine", comme dirait l'autre. Le jugement vient d'être rendu, et s'étend sur près de 185 pages. Autant vous dire que rien n'est simple.

Une amende et des enseignements

Comme le veut l'usage après un jugement nuancé, les deux parties ont estimé que la Cour de district de Californie du Nord leur avait donné raison. Sur le plan juridique, la juge Yvonne Gonzalez Rogers, chargée de trancher l'affaire, a statué en faveur d'Apple sur neuf des dix points à examiner. Le fabricant n'a ainsi pas été jugé en position de monopole sur le marché du jeu mobile, et la Cour a estimé qu'Epic avait unilatéralement violé le contrat qui le liait à Apple en outrepassant le modèle de paiement mis en place, et condamné l'éditeur à une amende de 12,1 millions de dollars. Il n'en fallait pas plus pour que l'entreprise se montre triomphante dans sa communication, comme le rapporte le journaliste Mark Gurman, présent sur place :

Aujourd'hui, la Cour a affirmé ce que nous savions tous : l'App Store ne viole pas les lois contre le monopole. Apple doit faire face à une concurrence rigoureuse dans chaque secteur du marché, et nous pensons que les consommateurs et les développeurs choisissent nos produits car ils sont les meilleurs au monde. Nous restons engagés pour faire de l'App Store une boutique sûre et digne de confiance, où les règles sont les mêmes pour tous.

Communiqué d'Apple

Malgré ce triomphalisme qui a visiblement fait enfler quelques chevilles, la Cour a tout de même jugé que les méthodes d'Apple violaient les principes du droit à la concurrence local, en empêchant des tiers de proposer leurs propres méthodes de paiement. De ce fait, l'entreprise ne pourra plus empêcher de proposer les méthodes alternatives des tiers, une décision qui devrait avoir des répercussions bien au-delà du seul cas Fortnite.

"On gagne de l'argent"

Concrètement, les clients de la boutique en ligne pourront désormais passer par les solutions proposées en direct par les éditeurs, et ainsi profiter de tarifs plus avantageux, sans qu'Apple n'empoche 30% du montant. La décision favorable n'a pourtant pas été du goût du PDG d'Epic Games Tim Sweeney, qui souhaite pouvoir aller plus loin :

Fortnite ne reviendra sur l'App Store que lorsqu'Epic pourra proposer un paiement intégré à l'application, qui puisse loyalement concurrencer la méthode d'Apple, en permettant à nos clients de faire des économies. Merci à ceux qui ont pris le temps et fait l'effort de se battre pour l'équité sur les plateformes numériques, et à la Cour pour avoir rapidement rendu une décision dans un cas si complexe.

Tim Sweeney sur Twitter

L'affaire est loin d'être terminée, puisqu'Epic doit également affronter le géant Google sur la même base juridique, le procès étant toujours prévu pour se tenir en 2021. En attendant, Apple a désormais 90 jours pour appliquer la décision, et proposer des méthodes de paiement alternatives. Le constructeur va-t-il être contrait de baisser ses commissions ou préférera-t-il faire appel ? La suite au prochain épisode.

À la suite de cette décision de justice, l'action d'Apple a accusé une baisse de près de 4% de sa valeur, pour s'établir à 149 dollars.

[MàJ de 18h] : L'affaire ne s'arrêtera donc pas là, puisqu'Epic a annoncé lundi en fin d'après-midi son intention de faire appel de la décision, ce qui reporte sine die l'obligation pour Apple de proposer pour l'heure des solutions de paiement alternatives sur tous ses supports. Dura lex, sed lex ?