En 2019, quelques passionnés du wuxia se lancent un défi fou : créer un jeu en monde ouvert sans précédent et axé sur les arts martiaux chinois. En d’autres termes, faire le jeu auquel ils rêvaient de jouer. Ils n’étaient même pas une dizaine au départ, et sont longtemps restés en petit effectif, mais avec le soutien financier de NetEase ce sont désormais 500 personnes qui travaillent sans relâche pour donner vie à cette vision. Where Winds Meet est aujourd’hui un action-RPG en monde ouvert riche de plus de 150h de jeu en solo et qui a connu un joli succès en Chine, où il est sorti en décembre 2024 sur PC et mobile. Loin de l’étiquette de « Ghost of Tsushima chinois » qui lui colle à la peau, le jeu se rapproche davantage d’un Assassin’s Creed, avec une volonté de faire découvrir au monde entier l’histoire et le folklore de la Chine, sa culture et surtout le wuxia, ces arts martiaux popularisés par des films tels que Tigre & Dragon.

L’équipe d’Everstone se lancera prochainement un nouveau défi : faire de son jeu « un pont entre les différentes cultures, un pont qui permettrait de faire connaître la nôtre au reste du monde et qui pourrait résonner avec des joueurs de pays du monde entier », nous a expliqué Chris Lyu, lead designer du jeu, lors d’un événement auquel NetEase nous a conviés en amont du lancement de l’ultime beta du jeu qui s’est achevée le 31 juillet 2025. Cela passera par une version taillée pour l’Occident qui, contrairement à la croyance populaire, ne proposera pas de différences majeures si ce n’est qu’elle prendra davantage le temps d’être didactique s’agissant de l’histoire de la Chine ainsi que des principes fondamentaux du Wuxia et sa philosophie. La narration ne sera pas non plus recentrée pour coller davantage aux goûts des joueurs occidentaux. Désolé pour ceux qui se seraient bercés d'espoirs en voyant les récentes bandes-annonces : il s'agira bien d'un jeu solo jouable en MMO, comme le prêche le studio, avec tout ce que cela implique. Where Winds Meet est par essence un jeu singulier qui ne rentre jamais vraiment dans une case et qui semble parfois débordé par la démesure de son contenu et de ses ambitions. Ça a un certain charme.

Un jeu entièrement jouable en solo

WHERE WINDS MEET

Une attaque en traître, une course-poursuite à cheval, un champ de fleurs à perte de vue... L’introduction de Where Winds Meet n’est pas sans rappeler l’exclusivité PlayStation dont il peine à se défaire. Il ressemble bien à Ghost of Tsushima avec ses étendues dépaysantes et d’une beauté si saisissante qu’elles donnent envie de s’arrêter à chaque nouveau paysage pour mettre à l’épreuve un mode photo des plus complets. De par son immersion, son respect et son amour pour la culture, qu’il transpire par tous les pores, également. Ses filtres aussi, bien que moins bien réussis, pour nous immerger davantage dans l’univers des films dont il s’inspire tant. Mais les comparaisons s’arrêtent là. Si l’on devait tant lui attribuer un modèle occidental, ce serait alors davantage du côté d’Assassin’s Creed qu’il faudrait se tourner. Les deux partagent leur passion dévouée pour l’Histoire, pour la reconstitution de villes, de civilisations ou d'époques longtemps révolues, ainsi que la recherche minutieuse qui en découle. Mais aussi pour le plaisir qu’ils prennent à se jouer des légendes, des zones d’ombre du passé de certaines figures historiques ou de ces noms que l’on entend dans les légendes du folklore que l’on se transmet de génération en génération. 

Where Winds Meet conte un récit plus plus fantasmé et surréaliste de l’Histoire de Chine au travers d’un personnage imaginaire (homme ou femme), dont on façonne les traits à l’envi dans un créateur de personnages bien garni quoique difficilement agréable à parcourir sur PS5 en raison d’une interface ouvertement pensée que pour le PC et le mobile à l’origine. On incarne alors celui ou celle que l’on a sauvé bébé dans l’introduction. Un jeune adulte désormais, qui part à la recherche d’un mystérieux pendentif, qui lui a été arraché par un inconnu masqué, et qui semble cristalliser à lui seul un destin plus grand que ceux que racontés dans les légendes. Une quête qui lancera l’épéiste à la cicatrice notoire dans une épopée où il jouera un rôle majeur dans les événements qui ont marqué la période des Cinq Dynasties et des Dix Royaumes, contexte tout indiqué pour les équipes d’Everstone 

« C’est une période vraiment très sombre, calée entre deux dynasties très prospères (Tang et Song). C’était tellement chaotique que plusieurs gouvernements et pays ont été établis, puis anéantis durant cette ère. Comment et pourquoi est-on arrivé à la prospérité de la dynastie Song qui a suivi ? », explique Avery Wang, lead writer de Where Winds Meet. C’était en tout cas le terrain de jeu le plus opportun pour les scénaristes, qui ont pu alors non seulement incorporer des figures historiques de l’époque en guise de PNJ, d’alliés ou d’adversaires, mais surtout inculquer à son histoire l’un des principes fondamentaux du wuxia. Son scénario, sa mise en scène, son monde ouvert, son gameplay, ses mini-jeux, sa musique… Where Winds Meet est la somme d’un tout, qui converge à l’unisson vers un même point : la philosophie de ces arts martiaux. « C’est aussi ça le cœur du wuxia : le vrai héros aide le peuple, et on l’utilise comme le noyau de notre monde. Il se bat pour la paix, pour une cause plus grande, et non pour son propre plaisir. Dans le jeu, c'est également retranscrit dans la narration. Vous incarnez un personnage qui influence l’histoire et participe aux plus grands événements qui ont marqué la Chine. Tous les éléments du combat sont alors au service de la narration », souligne Zen, combat designer sur Where Winds Meet.

L'art du combat

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Plus que la mise en scène de ses cinématiques majeures, ses plans caméra ou l’introduction des boss, c’est surtout le système de combat qui est une vraie lettre d’amour au wuxia. La liste des possibilités en termes de déplacements, d’arsenal, de synergies et de techniques est si longue qu’on va se contenter d’une affirmation : ce que vous imaginez en fermant les yeux et en pensant à un film de wuxia, vous pouvez presque à coup sûr le faire dans le jeu. Escalader une montagne en courant à la verticale, courir sur l’eau, planer comme si vous ne faisiez qu’un avec le vent, traverser tout un village en deux sauts souples, pratiquer le taïchi avec un ours (et pourquoi pas sur un enfant si le cœur vous en dit), manier le sabre avec élégance et tranchant, infliger des rafales de vent avec un éventail, corriger ce malfrat qui a menacé ceux qui sont devenus votre famille avec une ombrelle… Toutes ces choses, c’est le gameplay de Where Winds Meet.

Codes du wu xia pian oblige, Where Winds Meet soigne ses chorégraphies. A l’image des autres productions chinoises récemment sorties, le jeu nous permet d'asséner à nos ennemis des coups élégants avec un style déconcertant. Pour retranscrire la classe démentielle des films dont il s'inspire, le studio Everstone a fait appel à Stephen Tung Wai, un ténor du genre et réalisateur très réputé. Les mises en scène léchées et les chorégraphies impressionnantes, c’est son domaine, et son expertise transparaît à chaque instant dans Where Winds Meet. « Il a travaillé sur des films de wu xia pendant des années et des années, il a donc énormément de connaissances et de pratique. Cette collaboration a été particulièrement fructueuse pour nous. Avoir cette expertise pour établir notre design des combats, notamment en ce qui concerne les mouvements, c’est un privilège… Nous avons beaucoup appris de lui. Et pas seulement sur le côté action, mais aussi sur des petits détails comme la façon dont les armes sont réellement tenues ou encore la cinématographie », nous raconte Zen. De nouvelles armes exotiques seront par ailleurs ajoutées prochainement, mais on ignore si Stephen Tung Wai reprendra du service.

Dans les faits, le jeu prend alors la forme d’un action-RPG des plus classiques, avec deux types de compétences affectées aux touches L2 et R2. À cela s'ajoutent les désormais inévitables parades et esquives, qui gagnent ici en souplesse. Le système de combat n’en est alors que plus vif et souple. Au total, sept armes seront disponibles au lancement, allant donc des doubles lames, à la lance en passant par l'ombrelle. Deux d'entre elles peuvent être équipées simultanément et échangées à la volée en plein combat. Toutes sont également associées à un « Art », un ensemble de compétences puisé directement dans les tomes d'arts martiaux. Cela va des dégâts élémentaires, aux soins en passant par les AOE par exemple. Les synergies sont nombreuses et le champ des possibilités en matière de builds est assez vertigineux.

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D’autant qu’il faut coupler tout cela aux compétences plus classiques des arts martiaux, les pouvoirs du Qing Gong et ceux du Chi, qui permettent d’immobiliser un ennemi en combat ou d’utiliser l’équivalent de la vision d’aigle d’un Assassin’s Creed lors de l'exploration par exemple. Toutes ces combinaisons et ces possibilités donnent lieu à un système de combat fluide, dynamique et fougueux, exigeant parfois de faire preuve de parcimonie avec sa jauge d’endurance qui fond à chaque parade et esquive. Si l’on est loin des carcans du souls-like popularisés par les jeux Fromsoftware, Where Winds Meet peut être un jeu difficile et plus viscéral pour qui le veut, où chaque erreur peut devenir punitive, voire fatale. D'autant que le nombre d’objets de soin est très limité et que les boss, l’une des plus belles réussites du jeu, ne vous laissent parfois pas de répit, surtout quand ils atteignent leur forme finale, du grand spectacle. Il peut aussi être un jeu plus vif, plus facile d’accès et plus bourrin grâce à la parade automatique, matérialisée par le QTE que vous avez vu et revu dans les diverses vidéos promotionnelles du jeu. Where Winds Meet est de ces jeux qui souhaitent à tout prix proposer une expérience sur mesure, et les diverses options de personnalisation du combat et de l’interface utilisateur en sont la preuve.

Un monde ouvert tout simplement énorme

Cette liberté transparaît également dans son vaste monde ouvert, découpé en plusieurs grandes zones où une liste impressionnante d’activités, de PNJ, de mini-jeux et de quêtes n’attend que d’être découverte. À vrai dire, la densité, la générosité et les possibilités de cet open world sont telles qu'il y a une quantité monstrueuse de choses que nous n’avons pas pu voir, même après une vingtaine d’heures sur le jeu. On peut partir rejoindre l’une des nombreuses factions pour pouvoir maîtriser une arme non débloquée ou apprendre de nouvelles techniques de combat. Ou, au contraire, on peut s’infiltrer dans leur repaire pour observer un maître à l’œuvre et lui voler ses techniques. Chaque art martial nécessitera en effet un apprentissage, qui pourra à l'aide d'un spécialiste rencontré sur la route ou en apprenant de la faune elle-même. Oui vous apprendrez le taïchi d’un ours. Cette quarantaine de techniques ne sera pas seulement mortelle, elle sera aussi pratique en dehors des combats. Vous pourrez les utiliser pour soigner autrui ou même pêcher un poisson par la seule force de vos pouvoirs.

C’est là toute la démesure de Where Winds Minds : ce monde ouvert qui regorge d’une multitude de choses à faire et qui donnerait presque le tournis dès lors qu’un ouvre la carte du jeu. Des concours de fléchette bourrés, ou d'archers, des combats de sumo ou de coqs, des boss cachés, des temples oubliés à explorer… Il y a toujours quelque chose à faire et cela semble parfois être un puits sans fond. Quand on pense avoir fait le tour du jeu, découvre qu’il reste encore tant à explorer. Un système de météo, qui aurait un impact sur le gameplay, comme des surfaces glissantes ou votre personnage qui prendrait un sacré coup de chaud et qui doit se faire soigner. Where Winds Meet a aussi un système de maladies, qui vous obligera à aller consulter un médecin… ou le devenir en cas de folie, d’entorse, de faim, etc. Parce que oui, il y a également un système de professions, qui vous permet par exemple de vous spécialiser pour devenir docteur afin de vous guérir vous-même, marchand pour gagner toujours plus d’argent, ou même garde du corps pour protéger des PNJ. Des PNJ avec qui l’on pourra se lier d’amitié grâce à un système de chat basé sur une IA commerciale, et qui, nous promet-on, se souviendront de nos actions. Ils seront prêts à en découdre si vous leur avez fait du tort ou à vous rendre service dans le cas contraire. Vous pourrez aussi finir en prison et vous en échapper pour aller construire votre propre base un peu partout où ce monde ouvert vous l’autorise grâce à un outil entièrement dédié et très complet, et j’en passe.

WHERE WINDS MEET AVIS

Difficile donc de s’ennuyer dans Where Winds Meet, qui est une ode à l’exploration dès lors que l’on désactive les aides de marqueur, ce que le jeu propose à son lancement. L'exploration est toujours récompensée par une activité, un temple, une technique apprise ou la découverte d’une nouvelle ville et des possibilités qui vont avec. Le monde ouvert du jeu a été conçu avec une extravagance rarement vue, qui se retrouve également dans les lieux d’intérêt principaux. Il est difficile de ne pas avoir une petite étincelle dans les yeux en visitant par exemple Kaifeng, l’une des huit anciennes capitales de la province de Hainan, particulièrement florissante à l’époque. On ne peut qu'admirer la modélisation des villes, qui témoigne d'un travail de longue haleine des équipes. Elles ont en effet passé un temps conséquent à faire des recherches pour donner vie à certains poèmes aux concepts abstraits, à des fresques et autres artefacts. Le soin du détail est tel qu’ils ont créé de véritables maquettes de chacun des bâtiments des villes principales avant de les modéliser dans le jeu. C’est finalement tout ce qui fait le charme de Where Winds Meet : cette obsession du détail, cette passion qui transparaît. Cependant, derrière toute cette grandeur se cachent la technique et les contraintes liées à la de sa dimension MMO.

Mais aussi un jeu entièrement jouable en coop et un MMO

Dit comme ça, Where Winds Meet semblait trop beau pour être vrai, et ce n'est un peu le cas. Il n'est jamais tout à fait ce que l'on aimerait qu'il soit. Ce n’est jamais vraiment le jeu en monde ouvert solo que l’on nous promet. Le studio se plaît à dire que c’est avant tout ce qu’il est et que c’est sous cette forme qu’il est le plus amusant, mais il nous rappelle régulièrement à la réalité : il est taillé pour le MMO. Vous pouvez en effet faire toute la campagne en coopération avec trois autres joueurs, laisser des messages et des indices aux autres joueurs, comme dans Death Stranding, participer à des raids et des activités PvP avec un système de primes pour mettre la tête à prix d'autres joueurs, ce dont le public principal du jeu adore et abuse.

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On vous rassure cependant : il est dénué de gacha classique, au profit d’un modèle économique plus doux reposant majoritairement sur des cosmétiques avec des tenues qui n’ont aucune statistique et ne sont là que pour l’apparence. « Le jeu est free to play et nous ne sommes pas du tout un pay to win. Les joueurs chinois sont surtout motivés par l'idée de s’acheter des choses pour se faire plaisir, c’est pourquoi nous proposons surtout des cosmétiques en termes de monétisation.» Where Winds Meet propose également un battle bass peu onéreux contenant là encore des cosmétiques et quelques ressources qui peuvent autrement être trouvées dans le monde ouvert.

Le joueur solo risque alors de ne jamais être entièrement satisfait. Par exemple, Where Winds Meet n’a pas de fin. L’histoire du protagoniste est reléguée au second plan et n’avance finalement que très peu, au profit d’arcs narratifs régionaux. On nous promet que cela arrivera dans de futures mises à jour, ce qui en fait un jeu service solo assez inhabituel. L’interface est tout ce qu’on peut attendre d’un MMO : pas toujours intuitive et assez laborieuse sur console. Certains boss de l’histoire principale renvoient sans prévenir dans un mode en ligne, nous poussant à faire une gymnastique pour rebrousser chemin et retourner dans le monde ouvert. Le jeu impose d’avoir un niveau donné dans ce fameux mode solo pour progresser, avec toujours le même schéma : faire atteindre un certain niveau à son personnage, puis réussir un défi consistant à anéantir trois vagues d’ennemis dans le temps imparti. Les carcans du MMO reviennent toujours, et la structure et la démesure du jeu ont un prix : la technique. Sans être un foudre de guerre sur le plan, il sait se montrer joli quand il le faut sur PC, avec un bilan plus contrasté pour l’instant sur PS5 Pro et encore plus sur la console standard, qui a encore besoin d'être optimisée. Nouvelles versions en cours de développement et bêta obligent, cela devrait s’atténuer lors du lancement définitif du jeu, prévu pour le courant 2025, toujours sans fenêtre de sortie. Everstone nous a en tout cas assuré qu’ils entendaient tirer le meilleur parti des spécifications de la PS5 Pro et de sa grande sœur, sans pour autant nous apporter plus de précisions quant à ce que l’on pourrait concrètement attendre, notamment en termes de modes graphiques et de fps.

Where Winds Meet, votre futur plaisir coupable ?

Coincé entre son envie de plaire aux joueurs solos et multi, Where Winds Meet est un bon jeu, qui soigne tout ce qu'il entreprend, mais qui ne donne jamais l’impression d’exceller, malgré quelques fulgurances lors des combats de boss, son amour du wuxia et son système de combat qui en découle. À la fois familier et dépaysant, c’est un jeu plein de charme, voire captivant, mais qu’il faudra accepter pour ce qu’il est. Parce qu'il est pris entre deux feux, parfois on l’adore, parfois un peu moins, mais il nous laisse avec cette furieuse envie d'y revenir, peu importe que l’on soit de l’école du jeu solo ou du MMO. Le jeu sera disponible gratuitement en 2025 sur PC et PS5.