Avant l’action-RPG Banisher Ghost of the New Eden, Don’t Nod va revenir à ses premiers amours avec Harmony The Fall of Reverie. Une vision unique du jeu narratif et du visual novel, où les désirs fondamentaux de l’espèce humaine seront le cœur battant de l’histoire. Lors de sa présentation au Nintendo Direct de février, il s’est imposé de lui-même comme l’un de ces jeux au joli minois et aux belles promesses à surveiller de très près. Alors quand Don’t Nod nous a proposé de tester les deux premiers actes à volonté, pas question de refuser. 

Un univers mystique prenant

Direction Atina, la plus ancienne ville de la Méditerranée. Un croisement de civilisations majeures qui respire bon le soleil, la mer et l’avancée technologique. Un petit bout de paradis sur lequel Polly revient poser le pied après cinq années loin de sa terre natale et de sa matriarche. C’est justement la raison de son retour : la disparition de sa mère, artiste locale, reconnue et appréciée. Si le studio délabré et hautement bien décoré d’Ursula lui est familier, elle s’aperçoit rapidement que tout a changé. MK, une méga-corporation, a posé valises sur cette commune littorale et use de son emprise pour contrôler la population. En l’espace de quelques secondes, c’est tout son monde qui change. 

La jeune femme ne tarde pas à se découvrir un don de clairvoyance lui permettant de voyager entre le monde des humains, le Fatal, et la Rêverie, un univers parallèle dans lequel résident les Aspirations. Si ce n’était pas assez difficile à encaisser, ces divinités représentant les désirs humains en remettent une petite couche : elle est Harmonie, leur déesse, une Oracle à la destinée particulière qui doit maintenir l’équilibre entre les deux mondes. Deux missions s'imposent à nous : retrouver la mère de Polly / Harmony et choisir l’Aspiration qui devra régner sur Rêverie et par conséquent influencer le comportement des humains dans le monde terrien. Doit-on pencher en faveur de Félicité et son allégresse ? De Pouvoir, ce grand gaillard impatient ? Ou favoriser la connexion entre chacun en donnant plus d’influence à Lien ou au contraire semer la zizanie en privilégiant Chaos ? C’est à nous de choisir au travers de nos décisions, chacune d’entre elles étant susceptible de faire basculer le déroulement de l'intrigue. Et si vous trouvez le contexte et ses nombreux termes à assimiler déjà complexes, Harmony The Fall of Reverie risque de vous déconcerter les premières heures. Ce mélange de visual novel et de jeux narratifs cache en réalité une petite touche de complexité et de stratégie un peu déroutante lors des premiers chapitres, mais rapidement très prenante et rafraîchissante.

Harmony Don't Nod

Un système de choix original

Le don de clairvoyance de Polly est représenté dans le jeu par une sorte de plateau d’arborescences situé dans le plan astral : le Mantique. Chaque avenir est alors présenté sous formes de nœuds narratifs contenant chacun un fragment de l’histoire à dévoiler, matérialisés par des séquences en visual novel du plus bel effet. Le jeu allie personnages en 2D, aux animations simples mais efficaces et à la synchro labiale plutôt réussie pour un jeu du genre, avec des décors en 3D eux aussi dessinés et particulièrement réussis. Harmony The Fall of Reverie a un véritable cachet visuel, une direction artistique chatoyante et particulièrement inspirée qui nous ferait presque regretter de ne pas pouvoir se balader dans ses environnements tantôt futuristes, tantôt dépaysants. La séquence terminée, on revient dans l’arbre et un choix s’impose, celui de choisir la route à suivre, le nœud à débloquer. Quelques informations donnent des indices quant à la marche à suivre. Un personnage auquel on ira parler d’ici quelques séquences, un allié qui pourrait quitter la pièce selon le chemin emprunté, une stratégie à privilégier pour parvenir à nos fins. C’est vague, mais suffisant pour planifier sa trajectoire et sa progression à travers le scénario.

Quelques éléments viennent pimenter une proposition déjà originale : les Aspirations. Ces désirs sous forme humaine nous accompagnent tout au long de l’aventure, se manifestent pour nous porter conseil, nous mettre en garde ou simplement commenter nos choix. Ils semblent bien être de simples personnalités monolithiques, leur manière de penser se résumant à leur nom. Cependant leurs enjeux querelleurs sont captivants une fois le scénario enclenché. Le casting d’humains varié et à l’écriture déjà douce, touchante et terre-à-terre, apportent un contraste intéressant avec ces divinités au character design des plus réussis. Dans la Mantique, leur influence se matérialise sous la forme de cristaux nécessaires pour débloquer certains nœuds. Pour imager, l’une des possibilités pourra faire gagner un cristal de Pouvoir, quand une autre en ajoutera un de Lien tout en retirant un de Félicité. Sachant que les cristaux ne se conservent pas d’un chapitre à un autre, il est alors primordial de bien planifier sa route dès lors que l’on souhaite un dénouement précis à la fin de l’acte en cours. D’autres éléments viennent complexifier l’ensemble, comme des nœuds verrouillés, qui nécessitent de trouver celui avec une icône de clé sur cet échiquier, ou encore des nœuds qui ne se débloquent qu’après un certain nombre de tours. 

Harmony The Fall of Reverie

Une réussite artistique en vue ?

Le plateau a de quoi donner le tournis tant il peut y avoir de ramifications et d’embranchements. On s’y perd par moments, mais c’est également la promesse d’une grande rejouabilité, de chemins non empruntés et de dénouements à découvrir dans une autre partie. Difficile de se prononcer sur ce point avec seulement deux actes, mais avec deux parties (environ 7 heures au total), on constate déjà quelques différences marquantes selon la voie empruntée, d’autres plus anecdotiques. On précise néanmoins que certaines conséquences d’un nœud se verront que bien plus tard dans l’histoire et que l’influence des divinités ne se dévoilera qu’à mesure de la progression. D’autant que les développeurs expliquent que satisfaire pleinement une Aspiration aura pour effet de changer la destinée d’Atina. 

A voir sur le long-terme donc, mais Harmony The Fall of Reverie est déjà plein de promesses. Entre son écriture déjà bien nuancée, ses personnages attachants, un doublage réussi, une intrigue prenante malgré un lore pas des plus faciles à digérer au début, ce mélange harmonieux pourrait être l’une des surprises de cet été. Nous avons en tout cas déjà hâte de découvrir la suite et d’être à nouveau bercé par les compositions de Lena Raine, qui continue à faire un sans faute avec des mélodies mélancoliques, nostalgiques, douces et subtiles qui retranscrivent parfaitement les thématiques narratives du jeu. Rendez-vous le 8 juin sur Nintendo Switch et PC (Steam) et dès le 22 juin sur PS5 et Xbox Series X pour prolonger ce doux rêve.

Harmony The Fall of Reverie

On attend Harmony The Fall of Reverie... avec impatience

Si l'on garde des réserves sur la rejouabilité, le scénario et la profondeur des personnages tant que l’on a pas le jeu final entre les mains, on peut déjà trancher sur un point : Harmony The Fall of Reverie est une réussite artistique sur tous les plans. Un visual novel qui s’annonce des plus rafraîchissants grâce à la dimension stratégique apportée par son système de choix des plus originaux. La lisibilité n’est pas toujours claire et on se perd parfois en cours de route sous le flot de subtilités et d’icône à mémoriser, mais Don’t Nod tient peut-être là une formule gagnante qui viendra donner corps à un univers mystique et futuriste bien développé. N’est pas Oracle qui veut, mais on voit bien venir une belle surprise estivale.