L’exercice n’était pas simple. A défaut d’avoir pu mettre la main, même momentanément, sur le jeu avant sa sortie, il nous a fallu jouer à ce dernier, tout en ouvrant les Internet et en lisant régulièrement les nombreuses critiques à son sujet. Graphismes datés, modélisation ratée, expressions faciales complètement foireuses, notamment en ce qui concerne les deux meilleurs joueurs de la planète foot (Cristiano Ronaldo et la vedette du jeu, Lionel Messi) gameplay déséquilibré, joueurs lourds, inertie à la limite du jouable, bugs en ligne, ouah, la liste des griefs à l’encontre d’eFootball 2022 est longue. Est-ce justifié ?

Il est vrai que Konami, qui s’est précipitamment excusé, a raté le coche sur bien des points. En lançant eFootball 2022, on ne peut être que frappé par le choix de la DA (direction artistique du jeu) qui a mis l’accent sur deux couleurs (on ne parlera pas du maillot spécial bariolé de Messi), le jaune et le bleu. L’interface est des plus vides, avec des menus manquant de chaleur et répondant aux mêmes codes couleur. Comme il s’agit d’un free-to-play, ce choix peut s’entendre.

Mais Fortnite est également un jeu service gratuit et il n’est pas aussi vide que peut l’être eFootball 2022. La réalité est que cette interface nous rappelle surtout celle des dernières versions mobile d’eFootball, ce qui tombe bien quelque part, puisque le jeu est cross-plateforme et est disponible sur tous les supports, next-gen, current-gen, mobile et tablette. Mais on ne peut décemment pas proposer quelque chose d’aussi creux en 2021 sur consoles, encore moins pour une première sur consoles nouvelle génération.

“Le public est le plus laid jamais vu sur un jeu de football ces dernières années”

Graphiquement, le jeu est plutôt beau sur les dernières consoles mais accuse, là aussi, de nombreux soucis. Les textures de la pelouse ne sont pas toujours soignées, pour ne pas dire autre chose et du coup, d’un stade à un autre, le résultat est franchement inégal. Les enceintes sont toujours aussi bien modélisées, et les cinématiques d’entrée leur rendent honneur. Les nouvelles scènes d’introduction des matches, avec un visuel sur les maillots dans le vestiaire ou encore l’échauffement des joueurs, sont assez immersives et bien pensées. L’ennui, c’est que le rendu final est bâclé. Le public est le plus laid que jamais vu sur un jeu de football ces dernières années. Laid et buggé, puisque les spectateurs ont tendance à fusionner avec leur voisin.

Un gameplay avec de bonnes idées...

Sur la pelouse, de loin, les joueurs sont plutôt réussis. C’est de près que les problèmes commencent. Réputé pour avoir une modélisation des joueurs quasi-parfaite (tout du moins, meilleure que son concurrent FIFA), eFootball s’est complètement fourvoyé dans ce domaine. Difficile de ne pas aller dans le sens des internautes quand on voit la couleur des cheveux de Kylian Mbappé, le sourire de Cristiano Ronaldo ou le regard vide de Lionel Messi. Les expressions faciales sont ratées et la gestuelle des joueurs pendant leurs célébrations laisse à désirer, avec le sentiment que leur corps ne leur appartient pas. En clair, ce qui faisait la force de la licence PES encore hier est devenu son principal talon d’Achille aujourd’hui.

Ballon au pied, tout n’est pas aussi catastrophique, heureusement. Konami a fait le choix judicieux d’adopter un gameplay assez proche finalement de celui des deux dernières moutures, apprécié par bon nombre d’observateurs et de joueurs. Il faudra donc construire, faire preuve de patience et user du dribble pour déstabiliser un vis-à-vis, beaucoup moins pour le simple plaisir d’amuser la galerie. La jouabilité a été revue et devrait en déstabiliser plus d’un : fini le pressing à deux, désormais, quatre touches permettent d’intervenir pour récupérer le ballon, comme le pressing classique, le pied un peu plus agressif sur le ballon (appelé tacle dans le jeu), le légendaire tacle glissé et une touche appelée bouclier, qui invite le défenseur à sprinter vers le porteur du ballon et à tenter de lui prendre le ballon de manière très agressive, en passant soit le corps devant lui, soit en lui tirant le maillot tout simplement. La bonne idée avec cette feature est le zoom de la caméra, histoire d’apprécier le duel alors provoqué dans le détail. En face, offensivement, on retrouve les mêmes armes qu’à l’accoutumée, avec un pouvoir d’accélération pour les joueurs et une précision qui va toujours de pair avec cette vitesse, ainsi qu’un registre de feintes assez élaboré.

… mais à l’équilibre inégal (quant à la latence)

L’ennui, c’est que ce gameplay souffre de nombreux soucis. Le dosage des passes est obscur. On peut rater une transmission à deux mètres d’un coéquipier alors qu’on pensait avoir mis la bonne puissance et au contraire lui expédier un boulet de canon qu’il ne pourra jamais rattraper. Dans le même ordre d’idées, il arrive un peu trop fréquemment que les joueurs courent après le ballon et se décalent tous seuls par rapport à sa course, ne leur permettant plus ainsi de le jouer, tout simplement. Le nombre de passes ratées dans un match est effarant à ce stade et l’inertie des joueurs n’arrange rien. Ces derniers sont lourds, vraiment très lourds et nuisent à une certaine fluidité de l’action.

Les collisions ne sont pas en reste et si nous avons été épargnés par les bugs d’affichage (sauf un pendant une célébration où un joueur a littéralement traversé un autre en allant à sa rencontre), on ne peut occulter que certains duels ont accouché de situations plutôt compliquées à gérer. Les gardiens sont au niveau, ce qui est plaisant mais ce bonus est bien maigre comparé à la somme de problèmes affichés jusqu’ici. Enfin et on est en droit d’attendre ça sur une version next-gen, on peut encore déplorer une latence entre le geste demandé par le joueur et son exécution, ce qui, lorsqu’on enchaîne deux animations à la suite, nous donne un spectacle assez triste sur le plan technique.

Pour sa défense, et avant que les critiques ne s’abattent sur lui, eFootball avait déjà sorti le drapeau blanc. La presse a été conviée à donner son test définitif du jeu au mois de novembre, lorsque la grosse mise à jour corrective du jeu arrivera et lorsque le contenu final sera lui aussi présenté. Oui, car dans l’état, à part jouer en local avec des potes (et les neuf équipes seulement disponibles au lancement) ou effectuer quelques challenges en ligne contre d’autres joueurs (avec un plus large éventail de clubs), il n’y a pas grand-chose à faire dans eFootball 2022. Et encore, quand les serveurs ne lâchent pas et que le matchmaking fonctionne, ce qui est, là aussi, franchement inégal. Nous avons plus sous nos yeux depuis jeudi dernier une version démo, comme le disent certains joueurs et membres de la communauté PES, qu’une vraie version du jeu. Une version moins bonne, aussi, en termes de sensations notamment et de prise en main que la… bêta proposée cet été. Rendez-vous dans un mois, un mois et demi pour le verdict définitif donc. D’ici là, nul doute que les développeurs vont devoir cravacher pour renverser la vapeur et “sauver” un jeu qui aura totalement raté son lancement.

ON L’ATTEND… AVEC UN MIRACLE OU DEUX

L’idée de se positionner en tant que free-to-play n’est pas un mauvais plan dans l’absolu de la part de Konami. L’ennui, c’est qu’eFootball semble avoir été pensé pour mobiles, avant d’être développé pour consoles (ce qui aurait dû être l’inverse, cross-plateforme ou non) et cela se ressent dans presque tous les aspects du titre. On a surtout du mal à imaginer comment les équipes vont pouvoir rattraper le tout en un mois (un mois et demi maximum), tant les défauts affichés (graphismes, collisions, bugs, latence, matchmaking) sont nombreux. Et le contenu additionnel, peu teasé jusqu’à présent, devra être à la hauteur et performant pour faire oublier ce décollage raté.