Lorsque Jusant a été annoncé en juin dernier, la surprise était au rendez-vous. En effet, cela fait bien des années que Don’t Nod ne s’est pas éloigné des terres du jeu narratif à la Life Is Strange. Il est même devenu l’un des spécialistes du genre. Cependant, pour une fois, le scénario avait l’air d’être en retrait pour laisser place à un univers mystérieux qu’il allait falloir explorer de façon méticuleuse. Le studio a effectivement voulu proposer une expérience foncièrement différente de celles qu’il nous a déjà présentées par le passé. Nous avons pu y jouer le temps de deux heures.

Vers l’infini et au-delà

Une tour se dresse au milieu d’un désert jonché de bateaux, d’ancres et autres objets évoquant l’océan. Pourtant, il n’y a pas d’eau à l’horizon, le décor est aride, et c’est dans ce cadre qu’un jeune homme se dirige lentement vers l’immense édifice. Voici le postulat de départ de notre histoire. L’objectif du jeu consiste à escalader cette Tour dont le sommet est caché au-dessus des nuages. Pour ce faire, notre avatar possède la panoplie du grimpeur chevronné : cordes, pitons, puissance exceptionnelle dans les mains, bref, l’ascension sera un jeu d’enfant. En tout cas, sur le papier.

Jusant tour

La Tour étant gigantesque aussi bien en hauteur qu’en largeur, il ne va pas être aisé d’atteindre son point culminant. Il faudra prendre des détours, en particulier si on souhaite en apprendre plus sur le monde qui nous entoure. Pour cause, il n’y a aucun dialogue dans Jusant. Ce parti pris des développeurs est dû à l’envie « d’accentuer l’aspect contemplatif du jeu ». Du coup, au début, on ne sait pas pourquoi notre personnage entreprend un voyage aussi long et périlleux. Malgré ça, il est possible d’en savoir plus sur les anciens habitants de la Tour qui l’ont fui pour une raison inconnue. Grâce à des notes et des artefacts disséminés çà et là, on fait la lumière sur l’univers du soft. Cela permet également d’avoir des pistes pour comprendre le but du héros.

Ainsi, malgré son vœu de silence, Jusant a bien des choses à nous raconter. Et son univers est des plus fascinants. On réalise que l’eau a totalement disparu du monde. La pluie n’est plus qu’une vieille légende, à l’instar des océans, des lacs et des rivières. Certaines personnes sont donc parties en exode à la recherche d’un symbole d’espoir. Quant à notre escaladeur, il n’est pas venu seul. Il est accompagné d’une créature faite d’eau toute mignonne ayant le pouvoir de redonner vie à la végétation environnante. Il y a donc un vrai message dans cette aventure en apparence simpliste. Mais trouve-t-on aussi cette profondeur dans le gameplay qui, de prime abord, paraît plutôt basique ?

Jusant créature

Une ascension plaisante et dynamique

Dès le début de la montée, on constate qu’il n’est pas question de rester appuyer sur une seule touche pour que le personnage se hisse vers le haut. Sur une manette, sa main gauche est gérée par la gâchette LT (ou L2) tandis que sa main droite est prise en charge par la gâchette RT (ou R2). Par exemple, si on attrape une prise avec ses deux mains, pour atteindre la suivante, il faut d’abord relâcher une des touches. On libère ainsi une main avant de l’utiliser pour s’agripper à nouveau. En outre, on peut faire des doubles sauts sur les murs pour aller plus vite, mais cette fonctionnalité manque - à l'heure actuelle - de précisions. De plus, qui dit escalade dit matériel de pointe et il y a de quoi ravir les aficionados de hauteurs vertigineuses. On utilise un total de quatre pitons et ils vont permettre de varier les manières de se déplacer. En cours d’ascension, un piton peut notamment octroyer la possibilité de se suspendre dans le vide. Il fait alors usage de balançoire pour se projeter vers une plateforme éloignée. Toutefois, ce n’est pas forcément l’unique moyen d’atteindre sa destination.

Jusant escalade

Il y a plusieurs façons de progresser et c’est au joueur de se montrer inventif. Il ne faut pas hésiter à expérimenter, d’autant plus que cela évite d’avoir une sensation de répétition. Néanmoins, se mouvoir en grimpant n’est pas facile, puisqu’on est soumis à une barre d’endurance. Logiquement, plus on s’adonne à des mouvements techniques, plus celle-ci va baisser rapidement et une fois vidée, c’est la chute. Rassurez-vous, elle ne sera pas fatale pour la simple et bonne raison que la mort n’est pas de la partie.

Jusant n’est pas punitif. Vous avez de la marge avant de commettre des grosses erreurs, et même si cela devait arriver, l’ombre de la Faucheuse n’existe pas. Eh oui, dans l’éventualité où le jeune garçon tombe, il sera obligatoirement sauvé par sa corde qu’il accroche à chaque fois avant de commencer à grimper ou à descendre une paroi. En procédant de la sorte, l’absence de punition en cas d’échec ne vient pas perturber le caractère apaisant de l’expérience. Pour autant, cela ne veut pas dire qu’il ne peut y avoir de conséquences. Il y a des phases d’escalade assez longues nécessitant l’installation de tous les pitons. Ils servent alors de points de contrôle. Ce faisant, si on a mal géré son endurance, on sera rattrapé par l’un des pitons posé en cours de route. Dans le cas contraire, on dégringole jusqu’à la première corde accrochée. C’est une manière intelligente de proposer un peu de challenge dans un jeu où la notion de Game Over est absente.

Jusant escalade mur

Ceci dit, au départ, les mécaniques de jeu ne donnent pas l’impression d’être variées. C’était justement la crainte ressentie par une poignée de joueurs et joueuses : de prendre part à une aventure linéaire où, pendant des heures, on ne relève pas une quelconque différence dans le gameplay. Jusant ne souffre pas de ce problème. Tout d’abord, parce qu'une petite bête représentant l’élément de l’eau se trouve à nos côtés. Elle possède un pouvoir nommé « Echo » et si on l’utilise, les plantes qui se situent autour de nous grandissent. Ces dernières font alors apparaître de nouvelles plateformes. En fait, on remarque que l'environnement a une place de choix dans notre parcours, puisqu'il vient souvent varier les mécaniques de jeu en nous faisant évoluer dans des biomes différents. Ces décors inédits apportent leur lot de changements imprévus, ils obligent le joueur à adapter régulièrement sa façon de jouer face aux affres de la nature. Reste à savoir si cette pratique, permettant d’éviter une potentielle lassitude, se poursuivra jusqu’à la fin. Bien évidemment, Jusant a d’autres cordes à son arc pour maintenir notre implication dans son épopée.

Le mystère, l’ingrédient secret de Jusant

Dans Jusant, on ne fait donc pas qu'escalader une Tour imposante. Elle possède une histoire complexe, tout comme les terres qui l’encerclent. C’est à nous, si on le souhaite, de la démêler en explorant de fond en comble ses moindres recoins. Le level design, particulièrement malin, nous pousse sans arrêt à tomber sur les vestiges étranges du peuple qui occupait les lieux. La route qu’il faut prendre pour avancer dans la quête principale n’est pas toujours bien définie et le jeu nous invite à s’égarer, à prendre un chemin alternatif pour essayer de comprendre son monde.

Jusant décor

Mais attention, nous parlons ici de vrais détours. Le soft n’a pas fait les choses à moitié et lorsqu’on prend la « mauvaise » direction, on se sent véritablement récompensé. Cela passera, entre autres, par des informations supplémentaires sur la Tour ou sur un personnage en particulier ayant laissé des notes un peu partout. Bien sûr, celles et ceux qui ne souhaitent pas se pencher de plus près sur l’histoire pourront aussi apprécier la beauté des panoramas à côté desquels ils seraient normalement passés. C’est d’ailleurs une raison suffisante pour plonger dans l’univers de Jusant. Nous avons là un jeu qui regorge de paysages splendides, sublimés par une mise en scène ingénieuse.

Jusant ne propose donc pas simplement un voyage relaxant qui vient caresser la rétine de temps à autre. L’environnement cache un secret et il faut faire la lumière sur celui-ci. Entreprendre cette tâche a ses avantages, à commencer par briser la monotonie de la montée qui peut s’installer assez rapidement si on se limite à suivre le chemin menant au sommet. Cela permet également d’être moins confus vis-à-vis de ce qu’on découvre lors de l’ascension. Après tout, ce n’est pas le personnage principal qui va venir expliquer les tenants et aboutissants du récit.

On l’attend… avec impatience

Jusant a tout pour plaire : un gameplay fluide qui se complexifie au fur et à mesure de la progression, un univers fascinant qui attise la curiosité et un message touchant qui se cache dans l’ombre de mécaniques simples, mais efficaces. Certes, il y a encore quelques petites retouches à apporter au niveau de la maniabilité du personnage ou des sauts, en particulier lors des phases de plateforme. Mais finalement, rien ne vient entacher l’expérience outre mesure. La vraie question, c’est de savoir si cette proposition inédite de la part de Don’t Nod arrivera à tenir sur plusieurs heures sans tomber dans le rébarbatif. Pour le moment, l’avenir semble prometteur. Nous aurons la réponse définitive le 31 octobre prochain.

Par ailleurs, si vous avez hâte d’y jouer, sachez qu’une démo de Jusant sera disponible sur Steam du 28 août au 19 septembre. Allez-vous entreprendre l’ascension de la Tour ?