Pour la première fois de son histoire, le réputé studio indépendant Supergiant Games nous a gâté le 6 mai non pas d’un nouveau jeu, mais d’un second opus à son rogue-lite sorti en 2020 et aujourd’hui culte : Hades. Un an plus tard que prévu, sa suite très attendue qu’est Hades 2 est donc enfin arrivée en early access, uniquement sur PC via Steam. Et autant dire que l’attente olympienne de se lancer dans cette nouvelle odyssée en compagnie de Mélinoé en valait la peine !
Ni une ni deux, nous nous sommes donc rués sur l’early access d’Hades 2, lancé dans le secret le plus total malgré un niveau de hype rarement vu pour un jeu indépendant, à quelques exceptions près (vous avez dit Silksong ?). L’occasion pour nous de poncer cette version précoce et pourtant plus titanesque qu’Hades premier du nom, d’après les développeurs eux-mêmes. Après plus d’une cinquantaine d’heures de jeu à notre actif, voici donc notre premier avis sur l’accès anticipé de cette suite, qui en l’état se présente déjà selon nous comme un bien beau cadeau des dieux.
Hades 2 : l’Arc de Mélinoé
Avec Hades premier du nom, Supergiant Games a réussi à nous raconter une histoire cohérente dans un rogue-lite, un genre qui a généralement un peu de mal à se prêter à l’exercice. Hades 2 ne fait pas exception, mais se démarque déjà de son illustre aîné sur ce point. Il n’est ainsi plus question ici d’incarner un Zagreus se rebellant contre son infernal père Hadès. Entre en scène sa petite sœur Mélinoé, bien des années après les événements du premier opus. Autre différence de taille : l’objectif de la Princesse des Enfers est de sauver son père des griffes de son propre géniteur, Cronos, le Titan du Temps. Pour ce faire, elle pourra autant compter sur ses pouvoirs appris auprès de la sorcière Hécate que sur le soutien des dieux de l’Olympe et chtoniens, les divinités du monde souterrain.

Nous n’allons pas épiloguer plus avant sur l’histoire d’Hades 2, puisqu’elle est encore loin d’être terminée dans le cadre de cet early access. Cela nous évite également de divulgâcher de nombreux dénouements qui ont réussi à agréablement nous surprendre. Le titre de Supergiant Games utilise en effet avec la maîtrise acquise sur le premier opus le carcan du rogue-lite pour nous conter une véritable odyssée aux multiples révélations au fil de nos escapades dans les Enfers et… au-delà. Malgré un état précoce, sachez en tout cas que le jeu affiche déjà globalement plus de contenu que le premier opus dans sa version finale. Et Homère n’a pas encore terminé de raconter l’épopée de Mélinoé. Afin de nous offrir « son œuvre la plus grandiose et complète à ce jour », le studio indépendant prévoit de sortir son jeu en 1.0 d’ici à l’année prochaine. Il faudra donc faire preuve de beaucoup de patience pour avoir le fin mot de la proverbiale histoire. Nous pouvons en tout cas saluer le travail très convaincant des doubleurs (uniquement en anglais) et sur la traduction, déjà quasi intégralement en français. Le jeu se montre toutefois extrêmement bavard, ce qui peut être un avantage comme un inconvénient, selon la sensibilité de chacun.
Nous pouvons alors prendre le temps de nous arrêter sur l’enrobage visuel et musical du jeu. Une fois de plus, Supergiant Games nous propose à ce niveau une superbe performance. Avec ses décors très variés à s’y méprendre dessinés à la main et garnis de personnages habilement animés et modélisés en 3D, le jeu est d’une beauté à se damner, avec une fluidité de tous les instants. Le titre ne demande en effet pas un PC monté par Héphaïstos lui-même pour tourner comme un charme. Et que dire de sa bande-son, proprement divine ! Qu’il s’agisse des épars moments contemplatifs ou de combats homériques, Darren Korb parvient encore à nous subjuguer et se place en véritable chef d’orchestre accompagnant notre aventure avec panache. S’agissant de la direction artistique, Hades 2 est donc bien le digne héritier du premier opus, et parvient même à être par moments plus beau encore.

Divine Hécatombe
En parlant des combats, abordons le cœur d’Hades 2 qui est évidemment son gameplay. Contrairement à un Zagreus à la jeunesse relativement dorée entraîné par le légendaire guerrier Achille, sa petite sœur Mélinoé a reçu les enseignements de la plus mystérieuse sorcière Hécate. Elle excelle donc autant dans les prouesses martiales que dans l’utilisation de la sorcellerie. En jeu, on retrouve ainsi les mêmes commandes que dans le premier opus, avec un twist magique. Mélinoé troque notamment le Lancer de Zagreus pour un glyphe à poser permettant de ralentir les ennemis. Autrement, cette capacité ainsi que les classiques Attaques et Techniques peuvent être chargées, moyennant la précieuse utilisation de mana. Sur ce point également, le jeu se montre donc plus complet que son aîné.

Comme dans le premier opus et tout rogue-lite qui se respecte, le but est de lancer une « run », de traverser une myriade de zones, affronter à chaque fin d’« étage » du monde exploré des Gardiens tous plus intéressants et impressionnants les uns que les autres, pour si tout va bien arriver face au boss final. Sur le trajet, après avoir occis les ennemis de chaque salle que l’on traverse, nous devrons choisir entre diverses récompenses. Il peut s’agir autant de ressources que des fameux bienfaits divins. C’est là que tout le sel de l’aspect rogue-lite d’Hades 2 prend forme. Chaque divinité (actuellement au nombre de neuf, soit une de plus que dans le premier jeu) dispose de pouvoirs qui lui sont propres, et il nous faudra choisir à chaque cadeau de leur part entre trois bonus. Une habile combinaison des différentes bénédictions qui nous sont octroyées nous permettra de devenir extrêmement puissant et ainsi espérer pouvoir libérer les Enfers du joug intemporel de Cronos.
Le titre de Supergiant Games récompense donc de manière assez jouissive l’intelligence du joueur dans la conception de son build pour la run en cours. Même constat pour les améliorations permanentes que nous débloquons dans le hub central du jeu, sur lequel nous reviendrons. Outre les bienfaits divins qui viennent rendre chaque expédition unique, nous avons également à notre disposition, pour l’instant, cinq armes. Chacune dispose à son tour de ses propres spécificités pouvant plaire au style individuel des joueurs, mais qui peuvent être totalement altérées par les bienfaits que nous choisissons au fil de notre progression. On lance ainsi chaque nouvelle partie avec plaisir et l’excitation presque addictive de voir à quel point nous pouvons rendre Mélinoé divinement puissante, au gré de nos choix et du hasard. Celui-ci peut cela dit se montrer particulièrement mesquin en ne nous proposant jamais les récompenses que l’on recherche, malgré des options pour contrebalancer cet aspect aléatoire. Dans ces cas-là, une partie pouvant durer au maximum entre trente minutes et une heure risque en revanche d’être plus pénible que les 12 travaux d'Héraclès. On pourra également reprocher, à la longue, une fatale répétitivité propre à tout rogue-lite, nous demandant de refaire la même expédition un nombre sempiternel de fois. La diversité des outils et compétences à la disposition du joueur est toutefois suffisamment au rendez-vous pour que l’expérience ne soit pas trop lassante.

Nonobstant ces quelques griefs, le plaisir de jeu est exacerbé par le rythme de combats proprement frénétiques. Alternant allègrement entre hack’n slash et bullet hell en vue isométrique, Hades 2 nous douche littéralement de hordes d’ennemis qu’on prend grande satisfaction à moissonner. À ce titre, Mélinoé louvoie entre ses adversaires avec grâce en usant et abusant (énormement) du dash du premier opus, mais également d’un sprint en maintenant la commande correspondante. On peut toutefois justement reprocher régulièrement un trop-plein d’effets à l’écran. Il peut arriver assez souvent que nous ne voyions pas un projectile ou une attaque nous toucher. Sauf que prendre des dégâts se paye progressivement très cher dans le jeu. Les options pour se soigner ne sont pas légion, et la moindre erreur peut rapidement mettre en péril notre présente expédition. C’est du moins le cas dans les premières heures, où notre personnage n’est pas encore au sommet de sa puissance. Rogue-lite oblige, la mort nous guettera en effet souvent dans Hades 2. Ce n’est toutefois pas une fatalité en soi, mais plutôt un contretemps dans notre vendetta contre Cronos.
À la Croisée entre rogue-lite et Animal Crossing
Nous risquons fatalement de beaucoup mourir avant de nous frotter à notre vindicatif grand-père, un boss final face auquel celui du premier opus fait presque pâle figure. Une fois terrassée, Mélinoé retournera au hub central, baptisé ici la Croisée des Chemins, un refuge pour les pratiquants des arts occultes comme elle. À l’instar du premier opus, nous pourrons y dépenser les diverses ressources acquises durant nos expéditions pour améliorer les capacités de notre chère Princesse des Enfers et son arsenal tant martial que magique. Celle-ci troque notamment le Miroir dans la chambre de Zagreus pour les Arcanes, prenant la forme de cartes de tarot, qui nous apporteront d’importants bonus comme de très précieux Refus de la Mort, nous octroyant des vies supplémentaires.

Nous pourrons également, grâce à un Chaudron, accessoire indispensable de toutes sorcières qui se respectent, procéder à des invocations pour améliorer la Croisée ou encore ajouter des éléments avec lesquels interagir dans les différents étages par lesquels nous passons durant nos runs. La progression dans Hades 2 se fait ainsi de manière assez naturelle. D’aspirante sorcière, Mélinoé deviendra au fil du temps une guerrière magique aussi féroce qu’avisée, et nous progresserons en même temps qu’elle en tant que joueur. Au-delà de cela, la Princesse des Enfers pourra comme son frère se lier d’amitié avec les membres du camp ou encore les divinités. Cela lui permettra avant tout d’obtenir des Souvenirs extrêmement précieux, permettant à terme de grandement faciliter nos futures expéditions. Il sera même possible avec certains PNJ clés de tisser plus que des liens d’amitié. Une telle chose n’est toutefois pas encore possible dans l’early access, à notre plus grand regret.

Là où Hades 2 se démarque en revanche du premier opus, c’est dans les diverses activités visant à obtenir les ressources à collecter. Pour procéder à nos incantations via le Chaudron, nous aurons besoin de nombreux ingrédients. Nous avons pour cela quatre outils à débloquer, mais ne pouvons en prendre qu’un seul à chaque run. La pioche nous servira à extraire le minerai, la pelle à déterrer des graines à planter ensuite dans notre petit jardin à la Croisée, une canne à pêche à… pêcher et une tablette nous permettra d’apaiser les esprits, qui nous donneront de la Psyché essentielle notamment pour augmenter notre capacité à équiper les fameuses cartes de tarot. À vouloir trop bien faire en rajoutant tant de raisons de multiplier les parties, on estime cependant que Supergiant Games s’est un peu trop dispersé. Il nous arrive en effet souvent de lancer une expédition dans l’idée par exemple de récolter un minerai bien précis, qui n’apparaîtra jamais dans notre run en cours. Nous perdons ainsi pas mal de temps, une ressource précieuse dans notre lutte contre son incarnation titanesque. Rappelons toutefois que le jeu est, malgré son contenu déjà massif (trop peut-être ?), encore en early access. Le studio indépendant a déjà montré son habile utilisation de ce procédé pour nous fournir à l’arrivée un premier opus d’une qualité à se damner. Gageons donc que nos petits griefs avec Hades 2 seront corrigés au fil de son développement.
On attend Hades 2 comme un potentiel GOTY 2025
En 2020, Hades premier du nom avait été couvert de prix prestigieux, après environ un an et demi d’early access. Il a cependant manqué de peu de vaincre le boss final qu’était à l’époque The Last of Us Part 2 pour briguer le titre de jeu de l’année. La nouvelle production du populaire studio indépendant Supergiant Games semble suivre le même chemin divin que son aîné. En l’état, Hades 2 se présente déjà comme un rogue-lite d'exception, au contenu plus dense qu’un premier opus qui était déjà loin d’être avare en la matière. Nous attendons donc fermement sa sortie en version 1.0 l’année prochaine et espérons qu’il réussisse là où son grand-frère à échoué, en décrochant pourquoi pas le titre de GOTY 2025. Qu’il s’agisse de l’histoire, de la direction artistique ou de la boucle de gameplay, l’odyssée de Mélinoé est une fantastique épopée, seulement et paradoxalement gâchée sur quelques points par sa trop grande générosité. Supergiant Games entend faire d’Hades 2 son plus grand jeu à ce jour, et nous sommes plus que prêts à boire ses paroles. Tout ce dont ce potentiel chef-d'œuvre infernal a finalement besoin, c’est… de Temps.