Xavier Gens bonjour ! Frontière(s), Hitman, The Divide (qui est en post-production actuellement) : comment en es-tu arrivé à la réalisation de films de genre ?
Je dirais que c'était depuis tout petit, en lisant des BD et regardant des films et plus particulièrement Les dents de la mer. Je me demandais comment ils faisaient les requins, comment ils faisaient les oreilles des éléphants dans Tarzan (rires) et je me suis intéressé à l'envers du décor, c'est là qu'est née mon envie de passer à la réalisation.
Ton film Hitman est l'adaptation du jeu éponyme. Y as-tu déjà joué et pourquoi l'avoir adapté sur grand écran ?
J'avais déjà joué au jeu avant de faire l'adaptation en film et quand le projet s'est présenté je sortais de Frontière(s) qui était mon premier film donc forcément j'ai trouvé que c'était une bonne expérience de partir faire un film comme ça aux Etats-Unis. Donc finalement je me suis dit « allons-y ! »même si c'était un peu angoissant, je me suis dit qu'avec mes potes on pouvait faire un truc plutôt amusant... Et puis au final on a fait un gros stage à 24 millions de dollars (rires)
Tu es en post-production de ton nouveau film The Divide, qui à l'origine s'appelait... The Fallout ?
En fait il s'appelait Shelter, et on s'est rendu compte en pleine réécriture du script qu'il y avait un film avec Julianne Moore qui s'appelait Shelter qui allait sortir, donc on s'est dit « changeons le titre du film ». Pendant la préparation du film on a fait un brainstorming et avons décidé de l'appeler The Fallout parce que c'est comme ça qu'on appelle les retombées radioactives, l'après explosion nucléaire. Donc forcément on a tout de suite pensé au jeu vidéo... Je n'avais jamais joué au jeu mais j'avais regardé des cinématiques et je savais que cela se déroulait dans un monde post apocalyptique,... Donc on s'est dit que c'était risqué, puis on a dit dans la presse que le film allait s'appeler The Fallout. Et là les avocats du jeu vidéo en question nous ont contacté et nous ont interdit d'utiliser le titre...
Parce qu'il y avait une base commune post apo ?
...Exactement, et qu'à partir du moment où c'était trop similaire, les gens allaient penser que c'était l'adaptation du jeu. Donc finalement on a cherché un autre titre qu'on a trouvé six mois plus tard. On a du coup vraiment galéré pour trouver un titre tout aussi cohérent étant donné que The Fallout était le titre qui sonnait le mieux et qui correspondait le plus à ce qu'il se passe dans le film.
Quels jeux vidéo ont influencé ta carrière cinématographique ?
Je dirais que ce ne sont pas forcément les jeux en eux-mêmes mais plus les cinématiques de jeux en fait. Justement avec Jonathan, mon storyboarder, on travaille sur un projet, et on a beaucoup regardé les cinématiques de World of Warcraft pour le storyboard et le travail de préparation de ce film sur lequel on travaille actuellement.
Quel autre jeu vidéo aimerais-tu adapter sur grand écran ?
World of Warcraft ! (rires) Non mais c'est vrai que c'est inadaptable comme film,... Ensuite je ne me suis pas vraiment posé la question, j'essaie plutôt pour l'instant de m'orienter vers des univers plutôt singuliers où je peux avoir une réelle maîtrise des choses sans forcément partir d'une licence.
Est-ce qu'un jeu comme Heavy Rain te donne envie de développer ton propre jeu vidéo ? Dans le fait d'aborder un jeu et son gameplay comme un film ?
Alors je me suis posé la question, j'ai rencontré des développeurs justement à ce sujet, et on a réfléchi à deux ou trois concepts de jeux qui pourraient se passer dans des univers horrifiques et on a pensé à comment développer un jeu basé sur un survival. Un jeu dans lequel tu incarnes le personnage principal, et tu évolues dans un univers à la Massacre à la Tronçonneuse, tu dois trouver des instruments pour pouvoir te défendre, avec ces armes tu développes des skills pour pouvoir t'en servir, ce qui veut dire qu'au début tu ne t'en sers pas forcément bien. Puis tu évolues dans un univers où un ou plusieurs tueurs te poursuivent, un peu dans l'esprit de Dead Rising... Pour l'instant rien n'est concret, mais l'idée serait de créer un Doom like avec uniquement des armes blanches, où tu devrais trouver des solutions pour te protéger, te cacher, ne pas être vu des ennemis. C'est une sorte de jeu d'infiltration quelque part...
... Dans la lignée de Forbidden Siren ?
Exactement. Un jeu où tu essaies d'avantage d'éviter et de contrôler les choses et d'être malin dans un environnement totalement ouvert et interactif, et où l'intelligence du joueur prime. La difficulté dans la concrétisation du jeu, était de trouver la manière dont tu arrives à représenter ton gabarit dans un environnement où tu es sensé pouvoir ressentir les choses à 360°, parce que l'intérêt de ces jeux est de voir arriver les choses derrière toi. Donc il faut envisager le jeu en surround, avec un panneau qui te permet d'avoir un angle de vue beaucoup plus large correspondant à la vision humaine, travailler sur les sons... Plein de problèmes techniques se posaient pour pouvoir pousser à fond l'immersion, et faire ressentir des choses au joueur un peu comme dans Silent Hill, à la différence que Silent Hill est très scripté. Quand tu regardes les jeux qui ont été fait jusqu'à présent dans cet esprit, il y a King Kong de Peter Jackson, qui avait un peu ce principe d'immersion avec un personnage qui se retrouve sans rien sous la main pour pouvoir se débrouiller sur l'île de Skull Island et je dirais qu'à un niveau moins poussé, il y avait des choses très intéressantes dans cette adaptation. Tu devais récupérer des accessoires, mais toujours en ayant un chemin très prédéfini.

Ce qu'on voulait faire avec ce jeu c'était ouvrir le spectre et l'immersion afin de faire naître quelque chose que tu ne maîtrises pas. Si tu prends l'exemple de I'm Alive, tu es dans un monde post apocalyptique, et tu dois te débrouiller contre des survivants qui cherchent à te voler tes bouteilles d'eau, tes cuisses de poulet que t'as trouvé dans un un vieux supermarché (rires) et je trouves ça intéressant dans le jeu vidéo, d'essayer d'aller dans cette direction. Ensuite ça demande un temps énorme de développement.
Polémiques sur fond de GTA, spots publicitaires faisant se côtoyer jeux vidéo et pornographie : les jeux vidéo violents sont-ils dangereux ?
A partir du moment où tu vois clairement qu'un jeu est indiqué comme étant interdit (NDLR : déconseillé) aux moins de 18 ans, je pense que c'est de la responsabilité des parents de l'interdire à leurs enfants. J'ai 35 ans et je joue à GTA. Si je devais jouer à GTA sans qu'il y ait tout ce qui fait l'intérêt de GTA, je n'y jouerais pas. Je pense qu'il vaut mieux respecter les classifications lorsqu'on est un joueur bien en dessous de l'âge autorisé pour le jeu. Je ne pense pas que ce soit le fait de jouer aux jeux vidéo qui pousse les gens à avoir des comportements violents. C'est similaire aux polémiques qu'il y avait eu sur le cinéma à une époque. Ce sont juste des cas particuliers de gens qui ont sans doute déjà des problèmes dans leur vie. Je crois que le seul cas d'agression lié aux jeu vidéo concernait des japonais qui jouaient à Wow, et le mec avait tué sa femme parce qu'elle avait vendu à l'hôtel des ventes une épée un peu rare (rires). Après, je n'ai jamais entendu personne me dire qu'il avait joué à GTA et que ça lui avait donné envie de dérouiller quelqu'un (rires).
Et si le vrai frisson provenait non pas de la maîtrise de notre personnage virtuel, plongé dans une aventure où Game Over se succèdent, mais bel et bien de la plus totale passivité de notre état de spectateur ? Lors de cette rencontre avec Xavier Gens, j'ai eu l'occasion de pouvoir admirer quelques minutes de The Divide, narrant les (més)aventures d'un groupe de rescapés d'une catastrophe nucléaire. Un huis clos angoissant, où tortures psychologiques et physiques ne s'encombrent pas de laisser quelque place à l'imagination.
Plus d'immersion, plus d'intelligence, plus de survie : et si le frisson virtuel de demain consistait non pas à shooter de l'alien en bullet-time, mais à réussir à survivre à ses propres angoisses ? A l'instar de Silent Hill 4 ou de Minecraft, peut être faudrait-il envisager une unicité de lieu dans laquelle le joueur ne verrait pas l'ennemi mais le ressentirait. Un « 7 minutes au paradis » 2.0 où l'enfer serait les autres... Une idée à garder sous le coude, puisque le jour où les enfants du monde entier découvriront Sartre manette en main dans leur canapé, GTA pourra enfin dormir sur ses deux oreilles.

Salomé Lagresle

Bloggeuse jeux vidéo et gameuse irréversible, Salomé, jeune fille sage de 22 ans, reste néanmoins la femme d'un seul homme : Snake. Collectionnant les jeux Ken le survivant et les pistolets en plastique, cette étudiante en communication et co-présentatrice de l'émission Gameblog sur DirectStar expose, parfois même en chanson, ses humeurs et aventures quotidiennes sur son site coloré : Junkflood.