Hier je sortais de la projection de Prince of Persia, avec en tête d'affiche Jake Gyllenhaal dans le rôle d'Ezio-des-sables, relativement ravie bien qu'étant visiblement la seule conquise. J'appréhendais terriblement cette adaptation, forte des nombreuses déceptions passées. Cependant, pour une raison que je n'explique pas : une princesse + des cascades + un félon est une recette qui sur moi fait à chaque fois ses preuves. De belles scènes d'action alliées à des passages de plate-forme, des effets spéciaux qui se respectent, de l'humour et de l'eau-de-rose en quantité modérée : Prince of Persia sur grand écran avait réussi à réveiller en moi ce frisson d'immortalité sableux qui m'avait si longtemps fait défier le Game Over...

Oui mais voilà. Après une décennie d'adaptations ciné de jeux vidéo passée à repousser les limites du ridicule et à jongler dangereusement avec le nanar, les réalisateurs sous acides avaient commencé à se faire une raison pour le plus grand plaisir de nos yeux. Mario Bros. et Street Fighter n'étaient plus que des mauvais souvenirs flous, Alone in the Dark était classé parmi les "direct to dvd", le monde avait à peu près retrouvé son équilibre.

Cependant voilà. Cette adaptation-ci est loin d'être mauvaise et a vraisemblablement tout pour ravir les têtes blondes... comme les plus dégarnies. En affichant honteusement son succès à venir à la face du monde, Prince of Persia n'aurait-il pas achevé d'entrouvrir la boîte de Pandore que Silent Hill et Resident Evil avaient déjà dangereusement effleurée ? Et si ce film était le présage divin qu'espérait Uwe Boll depuis tant d'années ? Et si ce succès sonnait l'heure de la renaissance du réalisateur incompris, tel un Phoenix s'extirpant des désapprobations de ses pairs ?

Mes chers enfants, craignez le courroux divin qui va bientôt s'abattre avec une puissance sans précédent sur la culture vidéoludique mondiale :

L'adaptation ciné de jeux vidéo va devenir plus bankable que jamais.

Bientôt forts des succès au box office engendrés par des licences coûteuses, nos cinémas de quartier trembleront au rythme des QTE bâclés, des effets spéciaux sous Paint, des acteurs et midinettes en vogue.

Kurt Russel ne sera pas au casting de l'adaptation de MGS. Encore moins Clive Owen. Tous deux beaucoup trop âgés et pas assez mainstream cèderont leur place à Shia Labeouf, qui n'aura pas la clope mais les Pez pour mauvaise habitude. Oui. Car un Metal Gear Solid bankable, ce sera avant tout beaucoup d'humour pour un coeur de cible 15-25. Quant à la jungle... un simple studio en Roumanie fera l'affaire, de toute façon, MGS sera un film de couloirs ou ne sera pas.

Les plus ambitieux décideront même de s'attaquer à Tetris. S'inspirant un peu de Cube, un peu de Saw, Megan Fox au casting, il faudra résoudre des énigmes de rapidité pour ne pas subir le courroux d'un riche milliardaire vivant ses derniers jours. Admettant quelques zombies, la production n'aura même pas à se justifier par un "non, mais on a essayé de faire un crossover avec Nitemare 3D", le public sera à genoux.

Les réalisateurs eux aussi se seront adaptés aux nouveaux supports de création, ce qui permettra la naissance de pépites telles que Lara Croft et the Lost Planet 3D, dans laquelle Chloe Moretz décimera en plan séquence des centaines d'Akrids au couteau.

Quant à Uwe Boll qui s'avérera primé aux oscars, les foules se précipiteront en salle pour assister à sa dernière comédie romantique : Alan Wake avec dans le rôle principal Hugh Grant.

Le monde aura oublié l'origine de tous ces films. Le monde aura même oublié le bon goût. Quelques éditeurs auront la chance d'être cités, les enfants trouveront ça ringard de jouer à Red Dead Redemption qui entre temps aura vendu sa licence pour une télé réalité pleine de célébrités...

Tout aura commencé par l'adaptation ciné de Prince of Persia.

Tout aura commencé par les ambitions démesurées de réalisateurs s'étant servi du jeu vidéo comme prétexte pour sortir des séries B. Puis ce sera au temps de jeu de diminuer. Les cinématiques époustouflantes renaîtront, le joueur n'aura alors plus qu'à s'installer confortablement dans son fauteuil, et à attendre un éventuel QTE. Il n'y aura plus d'enjeu, il n'y aura plus de boss, il n'y aura plus de jeux. Seules demeureront les affiches géantes dans les couloirs de métro...

... Heureusement, cet avenir sombre ne dépend encore à cette heure que de mon avis sur Prince of Persia :

"Prince of Persia est un film qui fait honneur à Postal, et qui signe définitivement la mort de tout espoir d'adaptation véritablement réussie".

Salomé Lagresle

Bloggeuse jeux vidéo et gameuse irréversible, Salomé, jeune fille sage de 22 ans, reste néanmoins la femme d'un seul homme : Snake. Collectionnant les jeux Ken le survivant et les pistolets en plastique, cette étudiante en communication expose, parfois même en chanson, ses humeurs et aventures quotidiennes sur son site coloré : Junkflood.