Double Fine lance la mode du financement participatif sur Kickstarter

Qui l'eût cru ? Lorsque Double Fine a lancé une campagne Kickstarter pour financer son Double Fine Adventure, personne n'aurait pu croire qu'ils allaient excéder toutes leurs attentes et réunir 3,3 millions de dollars. Non seulement ils ont dépassé leur demande initiale (400 000 dollars), mais ils ont établi un record du projet le plus financé sur Kickstarter (dépassé depuis), et surtout, bien entendu, ouvert une large porte aux indies, que personne avant n'avait vraiment vue.

Depuis, le nombre de personnes ayant fait des promesses de don à des projets de jeu vidéo Kickstartés a été multiplié par 15. De nombreux autres se sont engagés dans cette brèche, avec succès. Les records sont tombés les uns derrière les autres, et le jeu vidéo est à présent le domaine le plus populaire du financement participatif sur Kickstarter. Jusqu'où tout cela ira ? Les déceptions et les échecs menacent-ils sérieusement cette alternative ? Il faudra patienter un peu pour le savoir, mais incontestablement, il s'agit là d'un événement majeur pour l'industrie et les joueurs.

Steam donne la parole aux joueurs avec Greenlight, et fait un pas vers le territoire des consoles avec Big Picture

Toujours du côté des alternatives, Steam, titanesque acteur de la distribution dématérialisée de jeu vidéo, tout en continuant de récolter les fruits d'un succès retentissant, ne s'arrête pas en route. En lançant Greenlight, Steam demande à présent à ses utilisateurs de déterminer quels projets pourront être distribués sur la plate-forme, un pas dans la direction du participatif décidément très à la mode dans tous les cercles. Imparfait, brouillon, Greenlight a encore beaucoup à faire pour devenir un système accessible et définitif, mais il est là, et pour longtemps.

Et ce n'est pas tout, loin s'en faut : alors que VALVe confirme travailler sur différents projets de hardware, le mode Big Picture enrichit encore plus l'expérience proposée par Steam et lui permet d'entrer sur le territoire traditionnel des consoles : le salon. Il ne fait aucun doute que ça ne s'arrêtera pas là, et que des PC équipés de Steam entreront en concurrence directe avec les consoles next-gen attendues pour l'année prochaine.

The Walking Dead redéfinit le jeu d'aventure

Succès critique et commercial, The Walking Dead a réussi et montré plusieurs choses : prouver une fois encore que le jeu indépendant de studios moins imposants que les grands producteurs de AAA pouvait réussir massivement ; que la narration et la qualité d'écriture ont encore bien du chemin à faire pour parvenir à maturité ; qu'on pouvait faire du jeu vidéo adapté d'une licence populaire et la transcender au lieu de se reposer lâchement dessus ; qu'un jeu n'avait pas besoin de sortir en boîte pour connaître le succès ; que l'épisodique était un modèle viable ; qu'il n'y a pas besoin d'un visuel réaliste pour faire ressentir des émotions humaines fortes ; que Telltale avait eu raison de s'obstiner à travailler sa formule malgré les échecs de Jurassic Park et Retourvers le Futur ; que le jeu d'aventure était loin d'être mort ; et j'en passe encore un paquet.

Les joueurs investissent pour voir une toute petite console naître

Retour sur Kickstarter : la Ouya, toute petite console qui tient au creux de la main et tourne sous android, est un projet complètement fou. Pourtant, c'est le projet jeu vidéo le plus hautement financé sur la plate-forme, avec plus de 8,5 millions de dollars versés par plus de 64 000 personnes. Alors, évidemment, ce n'est pas ça qui en fera une actrice comparable aux machines des consoliers traditionnels sur le marché, mais c'est néanmoins un succès étonnant.

Les premiers modèles arrivent chez les développeurs, tandis que les consoles du public devraient débarquer dans les chaumières au printemps prochain. Peut-on considérer qu'il s'agit là d'un accident, ou du témoignage vibrant qu'il existe des audiences, certes de niche, pour des approches différentes ? Encore une fois, on verra ce que l'avenir réserve à la Ouya, mais c'est un événement auquel peu peuvent se targuer de s'être attendus cette année.

Tandis que le héraut du jeu social s'effondre, le jeu sur mobile prend son envol

Zynga après s'être élevé très haut très vite, s'effondre presque aussi spectaculairement, à l'image de Draw Something, qui passe de l'anonymat au titre le plus joué de Facebook via son lancement sur les mobiles, atteignant presque 11 millions d'utilisateurs quotidiens, puis de retomber après son acquisition par Zynga ; il est aujourd'hui sous la barre des 2 millions d'utilisateurs quotidiens.

Zynga, de son côté, aura racheté ce studio inconnu 180 millions de dollars pour se lancer dans le mobile, et s'en mordre probablement les doigts ; mais le jeu sur mobile en général, lui, continue d'attirer bon nombre de développeurs, certains étant même des grands noms du jeu traditionnel sur consoles et PC, tandis que le jeu social connaît un fort déclin. Les éditeurs traditionnels, de Rockstar à EA en passant par Ubisoft, ne sont plus guère nombreux à ne pas s'intéresser aux joueurs mobiles qui sont toujours plus nombreux à chaque sortie d'un nouveau terminal séduisant.

Le modèle économique traditionnel des MMO s'enlise dans l'échec

Ils ont été nombreux, ceux qui ont osé défier World of Warcraft et se lancer cette année. Mais leurs succès sont rares, et souvent mitigés. Bon nombre d'entre eux ont du renoncer au modèle économique traditionnel de l'abonnement pour devenir des free to play, et aucun n'a su conquérir ne serait-ce qu'une fraction significative du public de Blizzard. Pourtant, certains partaient bien armés, comme Star Wars The Old Republic avec sa licence incroyable et des budgets colossaux. Mais la déconvenue est là, et maintenant qu'il existe tant d'expériences AAA de jeu en ligne "gratuites", il ne faudra pas moins d'une révolution totale pour pousser à nouveau les joueurs à dépenser chaque mois leur abonnement.

Du point de vue du game design, par ailleurs, il semble que le MMO ne parvienne toujours pas à se réinventer complètement, à dépasser ses codes et ses bases, et même World of Warcraft, l'empereur, semble atteindre ses limites. Mists of Pandaria, la dernière extension du jeu, a certes réussi à écouler 2,7 millions d'exemplaires pendant les 24 heures initiales de son lancement, ce qui reste incontestablement un succès... mais c'est aussi un déclin par rapport aux 3,3 millions de la précédente, Cataclysm, et même de celle d'avant encore, Wrath of the Lich King, qui avait atteint 2,8 millions d'exemplaires. Auparavant le Bubka du MMO, Blizzard ne bat plus ses propres records... tout en conservant son trône.

Sony rachète Gaikai ; OnLive dans la tourmente

Il ne fait aucun doute que le jeu à la demande, 100% dématérialisé, se taillera tôt ou tard la part du lion chez les joueurs. Ce qui ne veut pas dire que le modèle physique disparaitra, bien entendu. Toujours est-il que tandis qu'OnLive, qui avait opté pour la voie du B2C (Business to Consumer) en proposant des abonnements directement aux joueurs, aura connu la tourmente cette année en passant à deux doigts de la disparition, Gaikai, lui, aura charmé le carnet de chèques de Sony.

Qu'en sera-t-il pour le géant de l'électronique et le père de la PlayStation ? C'est encore en grande partie un mystère à l'heure où j'écris ces lignes, mais c'est un événement significatif de l'année, indubitablement. Peut-être en verrons-nous les premières incarnations avec la PlayStation 4 ? En tout cas, si on ne peut pas vraiment parler de surprise puisque les rumeurs ont enflé suffisamment avant que l'annonce du rachat ne soit faite, il serait étonnant que cet événement ne participe pas à dessiner un avenir dans le jeu vidéo.

Violence et discrimination, le jeu vidéo peine à passer sa crise d'adolescence ?

Remontons à l'E3 2012 en Juin dernier. Le point d'orgue de l'adoration malsaine de la violence restera probablement la réaction consternante de la salle remplie de "professionnels" de l'industrie pendant la conférence de presse Sony, lorsque Joel appuie sur la détente d'un shotgun à bout portant du visage d'un survivant le suppliant de ne pas le faire dans The Last Of Us. Alors qu'à n'en pas douter (c'est en tout cas ce que je crois), la séquence a valeur de drame et se justifie probablement dans une histoire se préoccupant plus de la nature humaine dans un contexte de survivalisme difficile que d'exciter les plus bas instincts des joueurs, la salle semble l'avoir appréciée non pas pour sa portée narrative, mais bel et bien pour sa seule violence. En tout cas, nous qui étions dans cette salle, le tonnerre d'applaudissements, les cris d'excitation et les poings levés qu'on a pu y voir ne semblaient pas indiquer autre chose.

Ailleurs, des voix s'élèvent, de plus en plus nombreuses, pour dénoncer le manque d'ouverture de l'industrie aux femmes, leur traitement, et d'autres questions liées au genre et à la production de l'industrie. Le 28 novembre, sur Twitter, bon nombre de femmes, certaines professionnelles travaillant dans l'industrie, ont utilisé le hashtag #1reasonwhy ("une raison pour laquelle") pour exprimer leur inconfort avec l'industrie du jeu vidéo. Personnages féminins ultra-caricaturaux dans les jeux, discrimination au travail dénoncée par des femmes travaillant dans l'industrie, redondance extrême de la production vidéoludique qui semble centrée autour de la guerre, des voitures, et du sport, réactions sexistes nauséabondes sur les réseaux dénoncées entre autres par 343 Industries (Halo 4)...

Qu'on soit d'accord ou pas avec ces constats, les questions sont posées, et les débats ouverts ; de ce point de vue, c'est sans doute un pas vers une maturité que, finalement, le jeu vidéo semble éprouver des difficultés à conquérir.

Qualité au firmament, chiffres alarmants

Malgré tous les reproches, toutes les préoccupations, toutes les remarques qu'on peut adresser au jeu vidéo en 2012 et en particulier à sa production, il paraît difficile de ne pas en apprécier les progrès en termes de qualité de production. Evidemment, cela va de pair avec la fin d'une génération de machines, nous l'avons déjà connu avant ; mais chaque progrès gagné sert de marche pour accéder au suivant, et en regardant la qualité des titres sortis cette année, et ce ne sont certainement pas les plannings du premier semestre 2013 qui diront le contraire. Les bons jeux sont de plus en plus nombreux, et même si beaucoup meurent d'étouffement dans la surpopulation des rayonnages physiques ou numériques, les joueurs ne sauraient s'en plaindre. Mais on prie aussi pour l'arrivée des nouvelles consoles qui redynamiseront, espérons-le, un marché qui reste globalement en retrait (-10% en ventes de jeux sur le premier semestre en France) ; il convient de ne pas l'oublier non plus.

En effet, si vous avez suivi Gameblog, vous avez aussi le tragique feuilleton de la chaîne Game placée en redressement judiciaire. Fermetures de boutiques et licenciements ne sont pas son apanage dans la distribution traditionnelle, pas plus que la situation n'est contrainte aux frontières de notre territoire, bien au contraire. Partout dans le monde, de grandes chaînes sont parvenues tout juste à franchir la ligne d'arrivée, en rampant. De nombreux studios et éditeurs, parfois mythiques comme Hudson, le père de Bomberman, ont fermé leurs portes. D'autres luttent pour survivre, malgré un portefeuille de très bons jeux, comme THQ. Sony perd 4,4 milliards d'euros, Nintendo 640 millions (pour la première fois).

Bref, parmi toutes ces tendances de l'année, on se doute que certaines perdureront en 2013 et au-delà, même si ce ne serait pas souhaitable pour certaines d'entre elles ; quoiqu'il en soit, et au global, le jeu vidéo se fait toujours plus présent dans le quotidien des gens, et n'en déplaise aux bas-du-front qui en font le bouc émissaire de bon nombre de tragédies avec lesquelles il n'a rien à voir, ce n'est pas prêt de s'arrêter.