Ma sorcière mal aimée

Blacktail nous met dans la peau de Yaga, une jeune demoiselle de 16 ans accusée de sorcellerie par son village natal qui l’a gentiment remerciée en l’abandonnant à son triste sort. Seule, perdue au milieu de nulle part, on retrouve l’adolescente en plein trip, prise d’assaut par des rêves bien trop réels pour n’être que de simples présages. Quelques brèves visions psychédéliques plus tard, Yaga se retrouve en pleine forêt, affublée d’un étrange gantelet qui semble s’être fusionné avec son avant-bras gauche. Et c'est donc harcelée par une étrange voix intérieure féminine à la verve acérée que l’on prend le départ, avec l’objectif de retrouver notre sœur, visiblement disparue quelque temps plus tôt. Un démarrage nébuleux, on vous l'accorde.

On a donc rapidement empoigné notre arc, arme principale de notre apprentie sorcière, et replacé notre baluchon sur l’épaule avant de prendre la route pour une démo d’un peu moins de 3 heures, que l’on a fait deux fois, parce qu'on aime faire les choses bien ici.

Mais aussi parce que le jeu propose une mécanique d'alignement spirituelle, sorte de karma maison qui, d’après les développeurs, changera drastiquement la manière d’aborder le jeu. Complètement perdue, notre petite Yaga ne sait pas trop qui elle est, ni ce qu’elle est, et sa voix intérieure (aussi bavarde que drôle et vulgaire) ne l’aide pas des masses à s’y retrouver. C’est donc à nous de choisir dès le début l’orientation que l’on souhaite prendre. La voie de la lumière, pour devenir une véritable protectrice de la forêt, ou celle de l’ombre, histoire de plier le monde à notre volonté. S’il est difficile d’analyser en profondeur l’impact qu’aura notre alignement sur ce qui nous entoure et le déroulé des événements, cette démo a tout de même permis d’entrevoir les possibilités que cette feature offrira, en espérant que ça ne s'essoufflera pas à mi-chemin dans le jeu final.

Un jeu à plusieurs facettes

Après avoir testé les deux facettes donc, on a pu constater que notre petite Yaga changeait rapidement de comportement. Là où elle s'émerveille, parle avec douceur et semble tâtonner lorsqu’elle choisit la voie de la lumière, elle s’enflamme, provoque et se moque de ses victimes lorsqu’elle sombre du côté obscur. De même, la voix, qui semble s’accrocher à nous, réagira différemment suivant notre alignement, bien qu’elle balancera toujours de bonnes punchlines, parfois franchement drôles, peu importe le chemin choisi.

Mais ça ne s’arrête pas là puisque le karma influence également les interactions que l’on aura avec les différents PNJ rencontrés en chemin, et même les missions principales, dont les objectifs et les personnages impliqués changeront en fonction de notre alignement. Sur le papier donc, il est fort possible que Blacktail offre une bonne rejouabilité, et une expérience plus ou moins unique pour chaque joueur, mais on ne pourra en être sûr qu’en voyant le titre dans son entièreté.

Loin d’être binaire, le soft opte pour une évolution naturelle et organique de notre karma. Si l’on aura bel et bien des choix « A ou B » mis sous le nez ici et là, chacune de nos actions, même anodines comme ramasser certains types d’objets ou détruire notre environnement, impacteront notre alignement en temps réel. Puis, une certaine entité (dont on taira volontairement la nature) nous jugera à chacune de nos rencontres avec elle, nous donnant un titre et parfois même des récompenses raccord avec la voie que l’on aura choisi.

Enfin, nos compétences seront également impactées, révélant parfois des effets exclusifs, mais ici, il est trop tôt pour s’exprimer pleinement dans la mesure où la démo ne nous a pas accordé une grande marge de manœuvre. Bien que l’on avait un regard sur l’arbre de compétences garni d’une trentaine de capacités, il n’était possible que de déverrouiller une poignée d’entre elles, basiques, mais les promesses sont là.

Yaga aux pays des merveilles

Malgré tout, de base, notre Yaga a déjà plusieurs cordes à son arc (jeu de mots). Non seulement elle peut utiliser son arme pour décimer ses adversaires à grands coups de flèches, mais elle a également la capacité de faire un tir spécial pouvant repousser, voire tuer, plusieurs ennemis d’un coup et a également à disposition un balais magique pour leurrer les menaces et s’ouvrir des fenêtres de tir. D'autres pouvoirs et objets spéciaux du genre sont évidemment attendus dans le jeu final.

Quoi qu’il en soit, même si elle est jeune et perdue, Yaga est une jeune fille pleine de ressources capable de combattre efficacement et de se déplacer aisément dans l’environnement avec des dashs, des sauts et une capacité à escalader les parois facilement. Et ce n'est pas plus mal puisque l’exploration fait partie intégrante de l’aventure. Blacktail nous offre en effet une map ouverte qui regorge de coins secrets, de grottes cachées et d'objets à dénicher. Les matières premières nous serviront d’ailleurs à crafter toute une gamme d’objets de survie (munitions, potions, etc.) et même à déverrouiller nos compétences. Ramasser tout ce qui traîne et fourrer son nez dans chaque recoin de la carte sera donc capital et c’est tant mieux puisque se balader dans le monde de Blacktail est un vrai plaisir.

Alors oui, nous n’avons vu qu’une infime partie de ce que le monde nous réserve, néanmoins ce premier aperçu est des plus rassurants. L’univers semble relativement vaste, bien achalandé et on a envie de s’y perdre notamment grâce à sa patte graphique et artistique à mi-chemin entre le film d’animation et le dessin fait à la main. C’est beau, coloré et artistiquement inspiré. Épaulé par le folklore Slave dont il tire sa narration et son univers, Blacktail dégage souvent une aura attendrissante et captivante, coincée quelque part entre Alice au Pays des Merveilles et Kena: Bridge of Spirits. Il ne sera d’ailleurs pas rare de se poser quelques instants pour scruter les décors et leurs nombreux détails, ou pour profiter d’un panorama à flanc de falaise, dégageant l’horizon sur des centaines de mètres en berçant le paysage dans de jolis effets de lumière sous un ciel qui semble être dessiné à la main, comme dans un conte pour enfant.

ON L'ATTEND... AVEC CURIOSITÉ

Blacktail est surprenant sur bien des points. Déjà visuellement où il séduit avec ses rondeurs, ses couleurs et sa direction artistique, mais aussi avec son univers inspiré du folklore Slave et ses mécaniques qui gravitent autour d’un système d’alignement bon ou mauvais à l’évolution naturelle, loin des simples structures manichéennes habituelles. Alors, oui, on restera sur la réserve compte tenu du faible temps de jeu que nous avons pu avoir et de l’infime partie du monde que l’on a visité. Mais si le soft arrive à tenir en haleine sur la longueur aussi efficacement qu’il réussit à séduire dès le premier coup d'œil, il se pourrait alors que l’on tienne ici un petit bonbon acidulé parfait pour les fêtes de fin d’année.