Le Japon est décidément une destination qui a la cote ces derniers temps. Peut-être que pour certains joueurs est-ce notamment l'effet rémanent du magnifique et marquant Ghost of Tsushima et sa splendide représentation stylisée, tandis que pour d'autres ce sera le souvenir de l'inoubliable saga Shenmue, mais les productions et surtout la demande autour des terres de l'archipel ne faiblissent pas.
Cela faisait des années, pour ne pas dire une décennie, que les fans de la licence Assassin's Creed réclamaient à corps et à cris un opus prenant place dans un Japon féodal. C’est désormais chose faite avec Shadows. Cela fait des années que les amateurs de Forza Horizon crient leur désir de voir débarquer un opus au Japon, au point d'en créer de folles rumeurs infondées bien avant l'annonce officielle de FH5. Et bien vous savez quoi ? C'est là aussi chose faite ! Mais ce n’est pas du côté de Microsoft qu'il faudra se rendre, mais plutôt d'un petit studio polonais indépendant du nom de Gaming Factory. La petite équipe est partie d'un postulat simple : personne n'écoute la demande de toute une communauté ? Alors faisons-le nous même, et nous l'appellerons Japanese Drift Master.

Initial Drift Master
Le moins que l'on puisse dire, c'est que les gars derrière Japanese Drift Master ont flairé l'opportunité et surtout le potentiel d'un jeu de course en monde ouvert, façon Forza Horizon justement, et prenant place au Japon. Pays à l'identité automobile forte, berceau du drift, qui plus est doté d'une richesse culturelle marquante, le Japon semble effectivement être le choix parfait.
C'est aussi l'avis de votre personnage, “Touma”, un jeune polonais récemment privé de sa licence de course et qui, pour continuer à vivre sa passion de la mécanique et de la course, prend le pari fou de tout laisser derrière lui pour recommencer une nouvelle vie sur la terre des Samouraïs. C’est ainsi que Japanese Drift Master vous fera prendre part à son univers via une introduction dans la plus pure veine “anime”, qui ne sera pas sans rappeler un certain Initial D, une référence évidente. La suite de l'aventure quant à elle prendra la forme d'un manga dont les pages et les chapitres se dévoileront au fil de votre avancée. Une manière simple certes, mais suffisamment efficace pour nous immerger dans une histoire elle aussi classique. Il n'empêche que l'on prend plaisir à suivre l'évolution de notre héros et de ses rencontres, amicales comme adverses.

Des voitures, des courses, et des sushis
C'est en tant que livreur de sushis que vous ferez vos premiers faits d'arme dans Japanese Drift Master, ne manquant pas de vous faire rapidement repérer par les autres pilotes du coin, mais aussi par votre employeur… Le style, au volant de votre voiture, sera un élément clé de votre ascension. Et vous aurez de quoi vous exprimer avec une sélection de voitures sous licences officielles (à l'exception des modèles Mitsubishi ou Toyota, présents mais sous un nom générique). Encore au stade d'accès anticipé, JDM va continuer à s'étoffer, mais il propose déjà dans son garage un bon nombre de figures emblématiques que tout fan de drift ou de voitures japonaises est en droit d'attendre (pas loin de 30 véhicules au lancement).
Les petites économies de vos livraisons financeront votre toute première monture imposée par le jeu : une vieille Trueno (évidemment !) quasiment au stade d'épave. Peu puissante, une tare pénalisante pour déraper tout en maîtrise, elle donnera néanmoins son maximum pour vous permettre de glaner vos premières victoires et augmenter votre réputation. Mais un passage par l'atelier de préparation sera très vite indispensable pour lui rendre une seconde jeunesse. A la manière des plus grands du genre, JDM propose alors tout ce que l’on attend d’un tel jeu avec une multitude de pièces mécaniques à upgrader, du moteur à la partie cycle en passant par la customisation esthétique. Il est même assez surprenant de constater l’étendue des possibilités pour une “petite” production de cet acabit, qui reflète tout simplement la passion des développeurs. Les nouvelles pièces sont classées par niveau de performance et donc par tranches tarifaires. Mais attention, les acquérir ne se limitera pas à faire fumer votre PEL, vous devrez d’abord les déverrouiller en montant de niveau votre voiture à la manière d’un rpg. Et pour cela pas de mystère, il faudra rouler, drifter, enchaîner les performances et les victoires. Obtenir le véhicule ultime, au goût de chacun, ne se fera pas d’un claquement de doigts et nécessitera quelques heures de pilotage. Il en résulte une véritable sensation d’attachement à notre monture, fidèle destrier, qui évoluera en même temps que notre personnage.

Une prise en main plaisante, aussi bien à la manette qu'au volant
Loin d’un Forza Horizon et ses pelletées de voitures débloquées à la minute, l’aventure de Japanese Drift Master pourra se vivre avec uniquement quelques véhicules adaptés à chaque discipline. Car oui, même s’il met l’accent sur le drift, le jeu propose également des courses plus classiques de type “grip”, mais aussi du drag et même du pilotage sur terre façon rallye. Bien que très peu représenté pour le moment avec seulement quelques pistes offroad, ce dernier devrait être mis à l’honneur lors d’une prochaine mise à jour de contenu, comme promis dans la roadmap du studio.
Pour le moment cantonné à l’asphalte, Japanese Drift Master fait les choses bien, étonnamment bien même, avec une physique et un pilotage réussis et plaisants. Il assume sa position de jeu plaisir typé arcade, totalement adapté à la manette. Néanmoins il offre une alternative dite “simcade” visant les joueurs volant, supprimant une bonne partie des aides au pilotage pour une expérience un poil plus exigeante. Il est à noter qu’un gros travail de compatibilité à été effectué, le jeu prenant en charge la très grande majorité des périphériques du marché, aussi bien en termes de bases que de pédaliers, sans oublier les indispensables boîtes en H et freins à main. D’autres cadors de l’industrie feraient bien d’en prendre de la graine… En l'état actuel du développement, le rendu du retour de force n'est pourtant pas des plus convaincant, se limitant au strict minimum avec peu d'informations transmises et une certaine sensation de lourdeur.
JDM intègre habilement toute une panoplie de techniques de pilotage propres au drift, qui nécessiteront une bonne dose de pratique pour les non-initiés (et tout particulièrement au volant). A vous les joies du clutch kick (dérapage à l’embrayage) et du tirage de câble tout en dosant l'accélérateur et le frein sur le fil du rasoir. Un véritable numéro d'équilibriste, réussi et riche en sensations, tout en restant accessible à tous.

Un univers visuel et sonore aux petits oignons
Il est enfin temps d’aborder ce qui a le plus fait parler lors de la phase de démo de Japanese Drift Master il y a un an de cela : sa map et son level design associé. Offrir un univers cohérent et détaillé pour un jeu de ce type est un indispensable, au même titre que son gameplay. JDM coche toutes les cases et va là aussi au-delà de nos attentes avec son monde ouvert surprenant de qualité. Open world imaginaire mais fortement inspiré de lieux réels comme l’île de Honshu, l’aire de jeu est une totale réussite. Avec ses 250 km de routes, la préfecture fictive de Guntama regorge de détails et de couleurs, en plus de jouer intelligemment avec les dénivelés. C’est simple, nous sommes immergés au beau milieu de la représentation parfaite que l’on se fait d’un tel lieu. Petites ruelles étroites aux innombrables petites échoppes, terrasses et habitations pittoresques, routes sinueuses de montagne bordant un volcan, sommets verdoyants offrant de magnifiques panoramas sur une nature luxuriante et, au loin, sur une immense ville aux multiples immeubles… Il est là encore bluffant de constater la quantité et surtout la qualité du travail abattu par une si petite équipe aux moyens limités. Parcourir les lieux est un véritable plaisir pour les yeux, presque un appel au voyage. Les plus observateurs auront vite fait de repérer les reproductions de certains circuits mythiques tels que Tsukuba ou encore le temple du drift : le complexe d’Ebisu.

L’Unreal Engine permet d’afficher des effets visuels de qualité, avec une mention toute particulière aux ambiances de nuit mais aussi au rendu des conditions climatiques pluvieuses, sublimées par les flashs impressionnants des éclairs déchirant le ciel. L’immersion est là, nous sommes plongés dans l’ambiance si particulière de JDM. Vos oreilles en auront elles-aussi pour leur compte avec une multitude de sons apportant un effet de vie, et ce malgré l’absence totale de piétons dans les rues. On entend des enfants aux abords des cours d’école, de la musique au passage de certains bâtiments, ou encore des animaux à proximité des zones forestières. La bande originale du jeu n’est pas en reste avec une playlist divisée en radios façon GTA, aux thèmes totalement dans l’ambiance générale. On apprécie clairement le soin apporté à la partie sonore de Japanese Drift Master. Là où l’on aurait pu craindre des sons génériques, il n’en est rien. Voilà ce qu’il se passe lorsque l’attention des développeurs est portée sur les points fondamentaux que l’on attend d’un jeu vidéo.
Aaaah l'IA… la bête noire de bon nombre de jeux de course
Tout n’est pourtant pas parfait avec quelques détails en deçà du reste pouvant parfois nous sortir brutalement de notre expérience. Sans oublier, encore une fois, que nous sommes face à un jeu indépendant à budget limité, il faut bien reconnaître que le rendu des autres véhicules sonne parfois faux, donnant des allures artificielles à l’ensemble. Encore plus si l’on y additionne une IA totalement à la ramasse. Problème inhérent à bon nombre de productions du genre, le comportement des PNJ est très souvent erratique. Les voitures popent quelquefois au loin en sautillant, se percutent bêtement les unes et les autres… et en course le constat n'est pas meilleur. Il nous est même arrivé de galérer lors d'une battle de drift, la voiture devant nous ayant décidée d'effectuer la totalité de son run en fond de première, avec interdiction bien sûr de la dépasser…

Mais pour autant, rien de rédhibitoire avec un peu de patience mais aussi de compréhension quant à l'avancée du développement. Les mises à jour sont fréquentes, il ne fait aucun doute que les équipes de Gaming Factory suivent avec attention les retours de la communauté. Il est enfin à noter que Japanese Drift Master n'est disponible que sur PC pour le moment, avec un espoir de sortie sur consoles en cas de succès. Et autant dire que vu la hype générale, JDM possède toutes les chances d’être accessible à tous.
On recommande : il est d’ores et déjà extrêmement prometteur
Alors qu’il n’est encore qu’au stade d’accès anticipé, Japanese Drift Master se montre bluffant sur plus d’un point malgré son statut de “petite” production. Sa réalisation en jette, aussi bien sur un plan purement visuel grâce au travail remarquable effectué sur la carte du jeu que sur sa partie sonore de qualité et immersive. Le gameplay n’est pas en reste avec une physique réussie et une conduite plaisante, que l’on soit joueur manette ou volant. Tout n’est certes pas parfait et nécessite encore quelques améliorations, mais en l’état, avec son scénario et son contenu, JDM aurait pû être présenté comme un jeu fini. Alors que de plus en plus de gros studios usent et abusent des early access au contenu rachitique, Gaming Factory nous prouve qu’avec de la passion il est possible de réaliser de petites pépites. Un beau cadeau pour les joueurs, et un joli pied de nez à l’industrie. Nous avons désormais hâte de suivre l’évolution de ce titre extrêmement prometteur.
