Dès les premières minutes, Anno 117 Pax Romana impose son ambiance. Finis les quais industriels et les cargos fumants, ici, ce sont les voies romaines, les colonnes de marbre et les marchés aux olives qui dessinent le paysage. Le joueur débute en tant que gouverneur d’une province éloignée, avec pour mission de développer son territoire tout en répondant aux exigences de Rome. Deux grandes régions sont proposées : la verdoyante Latium et l’aride Albion, chacune avec ses spécificités géographiques, économiques et culturelles.

Pour le bien de la démo, nous avons pu jouer la première. Comme souvent, l’aventure repose sur un système d’îles à explorer, coloniser et interconnecter, une mécanique bien huilée, fidèle à l’ADN de la série. C’est plaisant et efficace, mais on aurait apprécié un changement de cap plus radical, avec des provinces intérieures à parcourir d’un seul tenant, quelque part entre les terres d’Hispanie ou les forêts du nord de l’Europe, pour rompre un peu avec cette structure insulaire devenue systématique.

Un nouveau départ

Le jeu nous plonge directement sur une île totalement vierge, sans infrastructure ni route, renforçant cette impression de poser les premières pierres d’une colonie à peine revendiquée par Rome. Le seul bâtiment présent au départ est un poste de commerce accompagné d’une galère, qui servira à explorer, échanger et ravitailler. Le tout premier bâtiment que le joueur doit placer est la Villa, véritable cœur du pouvoir local, équivalent antique de la mairie dans les précédents opus. Sa position est cruciale, le jeu recommande de l’installer à distance des côtes, car elle constitue une cible prioritaire en cas de conflit.

Ce choix initial donne tout de suite une dimension stratégique à la colonisation. Ensuite, on part littéralement de rien. Il faut établir un marché rudimentaire, tracer les premières routes en terre… et peu à peu, la cité prend forme. Voir les maisons s’aligner, les ateliers s’animer et les bâtiments publics émerger procure cette satisfaction propre à la série Anno. On a vraiment l’impression de créer quelque chose de durable là où il n’y avait rien, avec une identité romaine qui se dessine au fil des quartiers et des avancées sociales.

Anno 117 Pax Romana

La Pax Romana

Une fois la Villa placée, notre rôle de gouverneur peut vraiment commencer. Il faut alors installer les premières maisons, rudimentaires, mais essentielles, pour accueillir les Libertus, notre population de base. Ces habitations forment le cœur du premier quartier, autour duquel graviteront les bâtiments de production, les services publics et les lieux de vie. Très vite, le jeu nous pousse à penser en termes de proximité et de logistique, un marché bien situé, des routes dégagées, des zones résidentielles séparées des ateliers… Anno 117 récompense l’anticipation, même à petite échelle.

Et plus on progresse, plus on apprend à affiner l’agencement des quartiers, qui devient un enjeu majeur de gestion. Avec le temps, on commence à organiser sa ville de manière plus efficace. Les maisons doivent idéalement s’articuler autour d’un marché, lui-même placé à proximité d’un entrepôt, centre névralgique des échanges de ressources. 

Car dans Anno 117, chaque bâtiment est rarement autonome, il s’inscrit dans une chaîne de production souvent précise, qu’il faut construire et positionner avec soin. Quand il s’agit par exemple de fabriquer notre premier navire, le jeu nous a contraints à bien plus qu’un simple clic. Il a fallu installer une scierie près d’une forêt, alimentant une fabrique de planches, elle-même connectée à l’entrepôt. À cela s’ajoutait la nécessité de produire des voiles, impliquant des plantations de lin et une fabrique de cordage, le tout réparti de manière cohérente pour éviter les goulets logistiques. 

Ce genre de processus, exigeant mais gratifiant, pousse à toujours penser en réseau. Aucun bâtiment ne fonctionne seul, et chaque nouveau besoin impose de penser l’espace comme un écosystème, où la proximité, l’accessibilité et la spécialisation sont clés. Une approche qui renforce le plaisir de voir sa cité s’étendre intelligemment, tout en gardant une lisibilité claire malgré la complexité croissante des productions. Et le meilleur moyen de rendre vos bâtiments accessibles, ce sont évidemment les routes…

Anno 117 Pax Romana

Tous les chemins mènent à Rome

Et justement, c’est à ce niveau que Anno 117 introduit l’une de ses plus belles nouveautés : la possibilité de courber les routes. Une évolution simple sur le papier, mais qui change radicalement la manière dont on conçoit et visualise nos cités. Finis les damiers stricts et les alignements trop rigides. Désormais, les routes peuvent épouser les contours naturels du terrain, suivre la courbe d’une colline ou longer plus harmonieusement une rivière. Cette flexibilité donne naissance à des villes plus organiques, plus crédibles, presque vivantes, et rompt avec l’aspect très géométrique des précédents opus.

La topographie devient un élément de composition à part entière, et l’on se surprend à aménager ses quartiers non plus que pour l’optimisation pure, mais aussi pour l’esthétique et la cohérence historique (pour les fans d’Histoire comme votre humble serviteur). Ce nouvel outil de tracé s’accorde parfaitement avec l’ambiance antique d’Anno 117 Pax Romana, où l’urbanisme n’était pas encore dicté par l’efficacité industrielle, mais par le relief, les flux commerciaux… et la grandeur de Rome.

Cette nouvelle liberté dans l’agencement urbain s’accorde d’autant mieux avec les environnements naturels, particulièrement soignés dans cette version. Les îles que nous avons explorées rappellent très clairement celles de la mer Égée, avec leurs reliefs escarpés, leurs criques turquoise et leur végétation sèche, typique des rivages méditerranéens. Un choix artistique qui donne une certaine cohérence au système insulaire propre à la série. Certes, on aurait aimé découvrir des territoires plus continentaux, mais le cadre choisi fonctionne. Les paysages méditerranéens apportent une vraie identité visuelle à Anno 117, entre oliveraies, cyprès, collines pierreuses et eaux scintillantes. Chaque île a sa personnalité, et l’ensemble parvient à équilibrer lisibilité stratégique et plaisir de contemplation. 

Et cette impression se renforce grâce à un véritable bond technique, sans doute le plus marquant de toute la série. Le jeu est superbe. Les textures sont détaillées, la lumière naturelle sublime les décors au fil des heures (cycle jour/nuit), et l’eau, omniprésente dans ce cadre insulaire, profite de très beaux effets de reflets et de transparence. Mais c’est surtout dans le niveau de détail de la vie urbaine que le moteur impressionne. 

Chaque citoyen, du modeste Libertus au riche Patricien, s’affaire à ses tâches. On les voit travailler, se déplacer, échanger, profiter des lieux publics, le tout avec des animations variées et crédibles. L’ensemble donne une vraie sensation de ville vivante, bien plus incarnée que dans les précédents opus. Les quartiers s’animent naturellement, les marchés bourdonnent, et les bâtiments eux-mêmes évoluent visuellement en fonction de leur statut social. Une réussite visuelle qui renforce l’immersion et confirme que Anno 117 ne fait pas qu’adopter une nouvelle époque. Il en profite aussi pour franchir un palier graphique et technique qui place la barre plus haut pour les city-builders à venir.

Anno 117 Pax Romana

Une histoire de classes

Le cœur du gameplay repose une fois encore sur la progression sociale des habitants, et Anno 117 y apporte une saveur antique assez réussie. Lors de notre session, nous avons pu observer au moins quatre classes distinctes, avec une montée en grade progressive. On commence avec les Libertus, citoyens affranchis et modestes, avant d’accéder aux Plébéiens, puis aux Patriciens, beaucoup plus exigeants. Nous n’avons pas eu l’opportunité, faute de temps, de découvrir en détail la dernière classe sociale. Quoi qu’il en soit, cette évolution repose sur l’amélioration des habitations, mais elle n’est pas automatique. C’est au joueur de déclencher manuellement le passage à la caste supérieure, une fois les besoins du foyer remplis.

Ce choix volontaire permet une approche plus stratégique, en décidant par exemple de maintenir certaines zones dans un statut social modeste pour garantir une main-d’œuvre peu exigeante, ou au contraire de favoriser l’essor d’un quartier plus aisé autour des bâtiments culturels. Si les premières classes se contentent d’un marché, d’un emploi et de nourriture, les suivantes réclament davantage. Ils voudront des vêtements variés, des tavernes pour se divertir, et, pour les plus haut placés, des écoles, théâtres ou sanctuaires religieux. Ce système reprend les fondations classiques d’Anno, mais avec un habillage romain cohérent. Surtout, de ce que l’on a pu voir, cette progression sociale ne sert pas qu’à satisfaire le joueur, elle conditionne aussi l’accès à de nouveaux bâtiments majeurs comme l’amphithéâtre, et façonne peu à peu la physionomie de la ville. 

Anno 117 Pax Romana

Un système de religion

Parmi ces bâtiments nouveaux, le sanctuaire se distingue particulièrement. Anno 117 ne se contente pas d’introduire un édifice religieux comme simple exigence supplémentaire pour les citoyens les plus aisés. Le sanctuaire ouvre en réalité la porte à un véritable système spirituel, inédit dans la série, où le joueur peut choisir un dieu tutélaire pour sa cité. Cette décision n’est pas anodine, puisqu’elle oriente le développement de la ville selon des axes bien spécifiques. 

Dans la démo, nous avions par exemple la possibilité de placer notre cité sous le patronage de Mars, le dieu de la guerre. En contrepartie, cela offrait des bonus à la production d’armes, de sandales et d’armures, autant de ressources probablement destinées à soutenir l’effort militaire, un pan de jeu que nous n’avons malheureusement pas eu l’occasion de débloquer durant notre session. À l’inverse, invoquer Cérès, déesse de l’agriculture, permettait d’augmenter le rendement des exploitations agricoles, en apportant sa bénédiction aux fermiers. Ce système religieux, encore en partie mystérieux à ce stade, semble promettre des choix structurants à moyen terme, avec de véritables ramifications stratégiques selon le dieu choisi. De quoi ajouter une couche supplémentaire à la gestion, entre ferveur populaire, optimisation économique et ambition impériale.

Une véritable économie romaine

Et puisque l’économie devient de plus en plus complexe à mesure que la cité se développe, le jeu ne tarde pas à nous pousser à voir au-delà de notre île de départ. Si Anno 117 Pax Romana propose plusieurs îles à explorer, ce n’est pas un simple choix esthétique. Très vite, il devient nécessaire de coloniser de nouveaux territoires, soit pour accéder à des ressources absentes de notre île d’origine, soit pour étendre notre capacité de production.

Dans la démo, certaines îles étaient déjà occupées par d’autres gouverneurs contrôlés par l’IA, ce qui ajoutait une dose de tension et de compétition, même sans combat. Cette mécanique d’expansion permettra à terme de bâtir un véritable réseau de villes, chacune pouvant être spécialisée dans un type de production. Agricole, artisanale, militaire, ou commerciale... on peut ainsi faire fonctionner l’économie à plein régime, en vendant l’excédent de ressources aux autres gouverneurs, ou en achetant ce qui nous manque.

Car dans Anno 117 Pax Romana, il est très difficile de tout produire soi-même, surtout au début. Certaines ressources indispensables à l’évolution sociale (comme les sardines ou certains matériaux nobles) ne se trouvent que sur certaines îles, ce qui pousse à étendre son influence ou à établir des routes commerciales efficaces. Les autres gouverneurs ne sont d’ailleurs pas là uniquement pour négocier, ils proposent aussi de petites quêtes contextuelles, comme transporter un personnage d’une île à une autre, récupérer une cargaison perdue en mer, ou livrer des matériaux précis dans un délai limité.

Ces missions rapportent souvent de l’argent, et c’est loin d’être un luxe. Car l’économie est elle aussi exigeante. Les bâtiments coûtent chers, les dépenses s’accumulent vite, et il faut rapidement trouver un équilibre viable pour ne pas voir ses caisses fondre comme neige au soleil. Une gestion tendue, mais qui fait tout le sel de l’expérience Anno, surtout dans ses débuts les plus fragiles.

La technologie pour vous aider

Heureusement, si la montée en puissance peut sembler lente et exigeante, Anno 117 Pax Romana met aussi à disposition quelques leviers de progression pour accélérer et optimiser sa gestion. Cela passe notamment par un arbre technologique qui se divise en plusieurs volets thématiques : économique, civique ou militaire. Chaque branche propose des bonus passifs ou des améliorations ciblées, qui viennent renforcer l'efficacité de nos infrastructures. Du côté de l’économie, l’une des premières technologies disponibles permet par exemple d’améliorer le poste de commerce, offrant ainsi davantage d’espace de stockage de ressources. Un avantage non négligeable, surtout quand il s’agit de vendre en masse aux autres gouverneurs et de fluidifier les rentrées d’argent dans une phase où chaque denier compte. Ce système de recherche, encore partiellement dévoilé dans la démo, semble promettre une personnalisation fine de notre style de jeu à moyen et long terme.

Un seul regret

Finalement, le seul véritable regret de cette démo tient au fait que nous n’avons pas pu découvrir le système militaire, faute de temps et de ressources suffisantes. Si quelques indices laissent entrevoir une mécanique prometteuse, notamment via les dieux ou certaines technologies, nous n’avons pas pu aller jusqu’à recruter des troupes ni même construire une caserne, inaccessible à ce stade de notre progression. En revanche, nous avons eu un aperçu intéressant du système administratif et sécuritaire, avec la gestion d’un incendie de grande ampleur qui a ravagé une partie de notre cité, ainsi qu’un début de manifestation populaire, rapidement calmé.

De quoi laisser entrevoir une couche supplémentaire de gestion urbaine, entre prévention des risques, ordre public et contrôle de la population. Il ne fait aucun doute que le jeu cache encore bien des mécaniques plus avancées dans sa seconde moitié, mais cette première prise en main pose déjà des bases solides, cohérentes et ambitieuses pour ce qui pourrait bien devenir l’un des Anno les plus complets et originaux à ce jour.

Anno 117 Pax Romana

ON L'ATTEND... ENORMEMENT

Après quatre heures passées sur Anno 117 Pax Romana, difficile de ne pas être séduit par cette nouvelle déclinaison antique de la célèbre formule. La gestion urbaine est toujours aussi exigeante, les chaînes de production s’emboîtent avec précision, et les nouveautés apportent un vrai vent de fraîcheur. Certes, la démo ne permettait pas encore d’accéder à l’aspect militaire, ni de pousser très loin la diplomatie, mais ce premier contact montre un jeu ambitieux, riche et soigneusement construit. Reste maintenant à voir si l’équilibre tiendra sur la durée… et si l’Empire sera vraiment à la hauteur de sa légende.