Gameblog : Parmi les jeux que vous nous présentez aujourd'hui, certains sont sortis il y a plus de deux ans au Japon, comment expliquer ce décalage avec leurs versions occidentales ?

Alan Costa : Sauf exception, il faut savoir que les jeux que nous éditons en tant que NIS America proviennent de deux endroits différents : Disgaea ou Labyrinth of Refrain viennent de notre siège, les autres ont été développés par des tiers au Japon. Concernant les jeux "maison", je n'ai pas envie de dire que nous ne travaillons pas dessus, mais la tâche est bien plus facile, car les négociations sont inexistantes. Si le jeu nous plaît et qu'il correspond aux attentes du marché, alors nous l'éditons. Pour les jeux tiers, une fois le potentiel estimé, il nous faut faire une proposition afin d'acquérir les droits sur la localisation.

Aujourd'hui, notre fonctionnement nous permet d'affirmer que si un jeu sort aux États-Unis, alors il sortira en Europe. Sur quelle base choisissons-nous ces jeux ? Nous nous demandons simplement si nos fans y trouveront leur compte. Généralement, ce sont des jeux japonais, souvent des RPG ou des visual novels, et l'univers est bien souvent... farfelu (rires). Il ne faut jamais dire jamais, mais il y a peu de chances qu'un FPS ou un jeu de course sorte chez nous !

Justement, en parlant de visual novels, les annonces se multiplient ces temps-ci, principalement sur Switch. Quelle est votre réaction d'éditeur historique face à cette nouvelle tendance ? Peut-on espérer voir débarquer plus de représentants du genre en français malgré la quantité de texte à traduire ?

Vous soulignez à juste titre la quantité de texte, qui justifie bien souvent notre décision. Malgré la profusion à laquelle nous assistons à l'heure actuelle, je ne suis pas sûr que l'affaire soit toujours rentable, d'un point de vue strictement commercial. Si l'on observe de près les visual novels que nous avons choisi d'éditer, ils proposaient quelque chose de différent, d'unique, comme par exemple DanGan Ronpa. D'un point de vue plus personnel, je pense que les visual novels sont les héritiers des jeux d'aventure de l'école LucasArts, qui étaient un peu tombés en désuétude.

Contrairement aux deux premiers épisodes, vous avez choisi de traduire DanGan Ronpa V3 en français : que pouvez-nous nous dire de l'accueil qui lui a été réservé ?

Le jeu a été bien reçu en Europe, et particulièrement en France ! C'est une très bonne nouvelle pour notre traducteur, Nicolas Pujol, qui s'occupe également de Disgaea, et qui maîtrise à la perfection les subtilités de la langue japonaise. Ne parlant pas moi-même français, nous sommes bien obligés de lui faire confiance (rires). C'est un sacré pari de localiser le jeu en français, car le travail s'en trouve doublé !

Je tiens d'ailleurs à signaler que lorsque nous localisons un jeu en français, il n'est pas traduit de l'anglais, mais bien directement du japonais. Cela nous permet de gagner du temps, et de ne pas attendre la version anglaise. Et si nous avons bien évidemment envie de sortir plus de jeux en français, il reste très difficile de trouver un traducteur qui manie aussi bien la langue que Nicolas, qui est pour l'instant tout seul !

Le fait de s'appuyer sur une seule et même personne permet en revanche de conserver une certaine cohérence dans les dialogues et les personnalités, ce qui avait par exemple pu être reproché à Persona 5...

Je n'y ai pas joué, alors je ne m'exprimerais pas dessus, mais il nous a parfois fallu en passer par-là également. Mais dans ce cas de figure, c'est Nicolas qui chapeautait le tout et tranchait lorsqu'il le fallait.

Vous venez de nous annoncer que DanGan Ronpa Trilogy sortirait uniquement en boîte, et non sur PSN. Pouvez-vous nous expliquer ce qui vous a conduit à prendre cette décision ?

Il y a deux raisons à cela. La première, c'est que - arrêtez-moi si je me trompe, les joueurs amateurs de contenu aussi japonais sont généralement très attachés à leur version physique, et je fonctionne de la même manière à titre personnel. La seconde, c'est qu'il me semble que DanGan Ronpa 1 et 2 sont devenus difficiles à trouver par ici. Alors nous avons préféré contenter les joueurs, et tout leur donner d'un coup.

C'est vrai, d'autant plus que vos jeux ne profitent généralement pas d'un second tirage, et que leur prix grimpe en flèche après quelques semaines !

C'est toujours très difficile d'évaluer la quantité à laquelle produire un jeu, en réalité. Bien entendu, nous aimerions tous voir nos jeux réédités une, deux, trois fois... Mais la demande doit venir du terrain, ce qui n'est pas évident à quantifier. Vous savez, nous sommes tous des joueurs au bureau, et ça nous fait toujours mal au coeur de voir qu'un jeu que nous avons édité quelques mois auparavant à $49,99 se retrouver en occasion à $79,99 : nous nous disons que nous n'avons pas produit assez d'exemplaires ! Mais personne n'a envie de se retrouver avec du stock sur les bras. Nous espérons simplement que les revendeurs prennent à l'avenir un peu plus de risques avec nos titres, ou bien est-ce à nous de les convaincre ? L'avenir nous le dira...

Merci !