Fère Efther,

Dans ma fifite d'une grotte plonfé dans le noir, une fute fur un rofer, fe me fuis fendu la lèfre comme le fent fend l'air. Fi elle ne dégonfle pas fite, fe texte pourrait defenir paffablement faftidieux à lire comme à écrire. Fe font les rifques du métier de foyageur aux lèfres fenfibles. Faurait du mettre un Labello de qualité. Comme felui que nous partafions sur le porte un fion. Fe ferais une paufe ici car la douleur me fait confondre afion et un fion, fe qu'on ne prend pas dans les mêmes firconftanfes. Fu me manque. Même mon pfire ennemi me manque. Fette île aura ma peau et je ne sfuis qu'au début de mon périple suicidaire. Suicidaire. SUI-CI-DAIRE. C'est bon, ma lèvre a dégonflé.

 

Chère Esther,

Depuis combien de temps suis-je ici ? Je sais qu'une bonne heure me sépare de ma première prose à ton égard. Je sais que quarante cinq minutes me sépare de ma première pause à mon égard ; qu'il est dur d'avancer. J'ai pourtant arrêté de fumer...depuis...mon...arrivée...cette pente est raide. Comme un mauvais présage qui ne présage rien de sage, des tombes tombent sous mon regard hagard. Ou serait-ce des menhirs druidiques ? Je n'arrête ma course sur les rotules que pour admirer le symbole chimique que je serais bien en mal de déchiffrer. Si seulement en cours j'avais écouté cette professeure de chimie au physique retournant la physique et ne stimulant que les yeux de l'adolescent boutonneux que j'étais à l'époque. Au lieu de cela, je n'ai que son souvenir, le vent et une formule formulée de telle manière qu'elle reste un mystère, tout comme la raison pour laquelle je suis sur cette île. Je commence à penser à l'envers. Du décor, je ne vois plus que l'endroit où je me trouve, la montagne cachant mon horizon funèbre.

   

 

Chère Esther,

« Cher Esther » n'était pas une faute d'orthographe et tout devient clair. C'était une faute d'accord. Je le sais car le temps me fait mûrir, comme le temps fait mourir certaines femmes mature dont j'aurais volontiers bu, jusqu'à la lie, la coupe. De cheveux sont parsemées mes épaules car en l'absence de peigne, j'ai bien de la peine à ne pas perdre ma tignasse au vent. Ce vent constant qui balaie la plaine à pleine vitesse, heurtant mes yeux de son sable, de sa poussière comme certaines femmes matures dont j'aurais balayé le tapis...mais je m'égare. Ce n'est pourtant pas faute de chemins alambiqués et labyrinthique, ce qui revient au même point, puisque je tourne en rond sur ce chemin unique. Je prends le temps d'admirer la beauté d'un bateau qui coule comme un gâteau au soleil d'un mariage en été. Suis-je marié ? Es-tu mienne, je ne le sais toujours pas. Et j'avance, et j'avance, et toujours rien n'arrive. Même pas moi.