Je viens tout juste de finir d'écouter le propos du Sieur Julien Chièze relatif à la pratique certes encore très répandue mais légèrement en début de voie d'extinction, de l'achat DAY-ONE. D'un jeu vidéo HEIN. Le dernier Gucci, je m'en fous. Et outre le fait qu'un sujet de cette chronique ne m'avait pas accroché depuis matuzalem, j'ai effectivement 2-3 remarques à faire. (ça tient plus du 11-12 mais ce n'est pas très important). Des remarques que j'estime assez pertinentes pour vous en faire part. A vous, la plèbe.

Jadis, j'achetais mes jeux DAY-ONE. Enfin, on achetait mes jeux à leur sortie pour être tout à fait exact. Et encore, même pas. Je recevais le jeu sur lequel je bavais le plus pendant des mois pour ma fête d'anniversaire ou Nowel. Donc Day-One, oui et non. Cela concernait notamment les jeux de foot, un véritable culte était voué envers ceux-ci il fut un temps. Mais pas que. Tout plein de jeux dont il serait bien délicat d'en énumérer le quart du double. Une époque où je ne commandais pas annuellement une cargaison de 15 jeux à ranger sur la pile de ceux acquis les années précédentes attendant eux-aussi d'être déballé. Une époque où certes j'avais de quoi faire mais, un temps où les plaisirs de la découverte d'un nouveau titre étaient en moyenne bien plus rares. Alors, oui, puisque c'est le principal point d'accrochage, ces jeux fonctionnaient. Il ne nécessitaient pas de patch. Mais à la limite, ce n'est pas l'aspect scandaleux de la pratique consistant à sortir un jeu pas fini qui m'intéresse puisque cela doit faire au bas mot 2000 ans que je ne suis plus affecté par ce genre de "problèmes". Non, ce qui m'intéresse derrière le sujet de l'achat DAY-ONE, c'est la pratique en elle-même. Il est évident qu'un tas de gens ont du fric. A dépenser. Mais pour assouvir quoi ? Le plaisir d'assouvir un désir montant crescendo depuis des mois déjà. Cependant, si tant de gens achètent un produit dès sa commercialisation (une voiture, un smartphone, un poisson), c'est aussi parce que la pratique a ses avantages ...

Acheter un jeu Day-One, c'est comme avoir le BAC, c'est l'accomplissement de semaines voire de mois si ce n'est même d'années d'effort. Un effort assimilable à du travail pour un bachelier et à une trépignante attente pour le joueur. En théorie, dans un cas comme dans l'autre, le sujet est refait pour la semaine. Au moins. Si ce n'est plus. Il risque de penser et sourir bêtement pendant 5 jours parce qu'il peut enfin se lâcher et s'adonner à ce qu'il l'a fait rêver (ou cauchemarder) des semaines durant. Le plaisir est immense. Le plaisir de jouer certes. Le plaisir de la découverte aussi. Mais surtout le plaisir de boucher un trou. Combler l'attente par la consommation du bien tant convoité. Ce dernier point est clairement la saveur en plus que revêt le plaisir ressenti lors du run d'un jeu. La combinaison des 2 décuple la jouissance procurée de base par le jeu. Quelque part, l'expérience comporte un supplément d'âme. Ce n'est pas un jeu passe-temps, ce n'est pas un jeu lambda, c'est LE jeu. Et à titre personnel, je comprends très bien ce sentiment éprouvé par vous, par moi pour quelques licences en particulier et donc le choix de réaliser l'investissement supplémentaire par rapport à un consommateur relativement patient. Quelque part, on allonge la mise (50€ contre 20E dans 8-10 mois) pour vivre ce fameux état jubilatoire (proche de la transe ne nous le cachons pas) dans lequel on est lorsque ça y est, le moment tant crystallisé est enfin là. En ce sens, je trouve justifiée la pratique du DAY-ONE (outre le fait que si personne n'achète un produit, l'économie de marché flanche et c'est par définition la fin du monde). Donc non, le joueur DAY-ONE n'est absolument pas un con. C'est juste qu'il vit à 200 à l'heure et qu'il n'a pas le temps d'attendre lui. Pourquoi attendre d'ailleurs ? Si il a les moyens de faire ce qu'il fait, pourquoi ne le ferait-il pas ? Finalement, ça ne reste qu'une gestion de budget et qu'une évaluation des risques. Je pense notamment à la revente et l'écoulement sur le marché de l'occasion. Le joueur DAY-ONE qui a le temps de jouer sans forcément se précipiter ne paie pas forcément plus que celui qui attend son heure. Et puis, bon, même si je suis rôdé à la pratique, attendre, c'est frustrant. Point, barre. C'est d'autant plus frustrant qu'il ne s'agit que d'une question de fric et/ou de confort de vie. Parfois, c'est cool de sortir du costume de compatble très près de ses sous que nous revetons tous au moins une fois par an pour éviter le redressement fiscal. Parce que oui, c'est éreintant de jouer à la bourse avec tout et n'importe quoi, c'est certes nécessaire puisque la vie coute relativement cher et qu'on est tous payé aux pogs et au lance pierre mais comparer au supermarché, sur booking, sur Amazon, et ceci et cela, c'est usant. Si en plus, on doit attendre en plus de jauger entre les différentes enseignes alors que ça fait déjà 3 ans qu'on prend son mal en patience, NON.

Sauf que vivre en décalé, ça a du bon. Déjà, ça coute moins cher. Bien moins cher. En 1 mois, un mois et demi, un jeu AAA tombe déjà à 30€, au bout de 6 mois, il est à 20€ et pour les plus patients, l'acheter 1 an et demi après vous fera titiller les 15€. Il est donc évident que lorsqu'on est un gros consommateur de jeu vidéo, l'addition montant très vite, celle-ci peut s'avérer très salée au final même en pratiquant la politique du moine boudhiste. De l'attentiste. En l'occurrence je suis moine boushiste. Je pratique la pratique. Et je n'ai jamais cherché à estimer l'investissement sur une ludothèque de toute une génération mais après un rapide calcul, un titre acheté en moyenne 17€ * 90 jeux PS3, ça donne du 1530€. Maintenant, j'ai la console depuis début  Aout 2008 soit très exactement 7 ans  donc, cela represente une dépense moyenne annuelle de 218,57142857142857142857142857143€ soit environ 218€ (troncature). En DAY-ONE, j'en aurais eu (à bon compte) pour 50€*90 soit 4500€, ce qui induit 642,85714285714285714285714285714€ de frais annuels. Ajouter à ça le prix de la console (400€) et jouer sur PS3 m'aura couté 2000€ contre 5000 si j'étais du genre flambeur. Certains me diront, 3000€, c'est pas beaucoup, ça vaut pas le coup. La différence avec les compulseur day-one anonyme ? 35€ par tête de pipe. Et ce plaisir de ne plus vraiment attendre frénétiquement aucun jeu. Je m'explique. J'ai toujours quelque soit le millésime une ou deux têtes d'affiche que j'attends plus que les autres même si en moyenne, il y a bien 15 nouveaux jeux par an qui intègre la fameuse WitchList. Exemple.

  • 2008 : GTA IV & Metal Gear Solid IV
  • 2011 : Deus Ex Human Revolution
  • 2012 : Max Payne 3
  • 2013 : Bioschock Infinite, TheLastofUs & GTA V
  • 2014 : Watch Dogs
  • 2015 : Metal Gear Solid V
  • 2016 : Mirror's Edge Catalyst & Final Fantasy XV

Des jeux dont je scrute - bien plus que les autres m'intéressant sur l'année considérée - la moindre vidéo. Que je me repasse naturellement encore et encore et encore. Alors, attendre un jeu n'est pas tant plaisant en soi, y jouer représentant le crépuscule du bonheur en l'occurence. Mais, il est vrai qu'on perd peu à peu la flamme puisqu'on sait qu'on regarde une superbe vidéo d'un jeu auquel on ne jouera que des mois voire des années après sa parution. Du coup, je me rends bien compte que je suis devenu cynique par rapport à l'actualité vidéoludique. Je me souviens l'effet que ça me faisait à l'époque de voir une nouvelle vidéo de Deus Ex HR et quand je vois le prochain, il a l'air tout aussi bien, mais je ne ressens plus rien. Il faut bien l'admettre, Je me suis Dexterisé. Ou Jokerisé (ça dépend de vos références). Je ne ressens plus aucune émotion. Et quelque part, ça me fait bien chier. C'était bien avant. Je me paluchais (pas de pensées déviantes merci.) sur tout plein de superbes trailers et maintenant j'ai perdu cette frénésie qui faisait aussi partie du plaisir procuré par un jeu. Un plaisir déjà vivace alors que le titre en question n'était même pas passé Gold. Et oui, ça me manque. Au point de mettre 35€ de plus sur chaque jeu ? Grand Dieu, non. Mais oui, il y a bien une contrepartie à faire des économies et pouvoir se payer le dernier iphon. Day-One lui (faut pas déconner).

 

Ce qui sépare aussi les deux profils de joueurs entre le précoce DAY-ONE et l'endurant DAY-ONE +999 (indicatif de la Syldavie au passage - pour la culture), c'est aussi la façon de consommer un jeu vidéo. J'imagine qu'il existe plusieurs profils de consommateur que l'on attache à l'un à l'autre mais il est un peu plus que moyennement logique de penser qu'un joueur DAY-ONE saignera son jeu dans tout les sens et qu'un type capable d'attendre 5 ans de jouer à un jeu désiré prendra plus son temps, le fera à la cool. De là à émettre l'hypothèse que les joueurs DO et DO+999 n'appartiennent pas à la même espèce, il n'y a qu'un pas que je franchis allègrement avec mes gros sabots bien dégueulasse. Être un joueur DAY-ONE, c'est faire partie d'une communauté, d'une élite, de celle qui joue. Et qui joue bien. Parce que le joueur DAY-ONE est un frénétique du pad, il tourne, détourne et retourne ses jeux jusque pouvoir en tirer la sève, la liqueur, la substance, l'essence même du gameplay. Et puis il y a les bobos du Dimanche qui allument leur console juste pour s'amuser et absolument pas pour la performance, ceux-là n'ont rien compris au jeu-vidéo, pour eux l'e-sport, c'est un nouveau prototype à venir dans la gamme d'Apple. Ce sont des ignorants pire des ignares. Ils jouent pour jouer et non pour performer. Ils blasphèment. Ils égrènent et pavannent leur méconnaissance à la vue de tous. Et puis, il y a les canada dry, les hybrides. Ils appartiennent en théorie à une des deux catégories mais n'en respectent pas le code. Un code d'honneur tacite certes mais très largement connu de toute la scène underground. Ainsi, oui, pour moi, acheter DAY-ONE, c'est aussi consommer différemment un jeu. Quelque part :

  • l'identification du prochain jeu à prendre DAY-ONE => le désir
  • l'attente, c'est à dire l'excitation montante au fur et à mesure que les vidéos sont dystillées et que la date de sortie se rapproche => l'excitation
  • l'acquisition & la découverte lors des premières heures du jeu => l'orgasme
  • la consomation du bien sur le long terme une fois passée la phase de frénésie => le plateau
  • le défilement des crédits => la résolution

constituent les 5 phases inhérentes par lesquelles passent obligatoirement le joueur DAY-ONE de bon aloi. En définitive, acheter DAY-ONE, c'est (à une étape près) exactement comme un rapport sexuel. C'est tribal, c'est psychique et ça ne s'explique pas.

En ce qui me concerne, et comme je le disais en début de laïus, je suis un ex-consommateur DAY-ONE passé +999 lors de la GEN 7. Ca ne veut pas dire que j'achetais tous mes jeux DAY-ONE mais dans la mesure où je n'avais pas un rond en poche (la jeunesse, ça n'a pas que du bon contrairement à ce qu'on essaie de faire croire), oui, j'obtenais les 2-3 jeux par an que je voulais le plus peu importe leur prix. Et en ce qui concerne tout particulièrement les jeux de foot, c'était forcément systématiquement au prix fort. L'éternelle question à se poser est comme suit : un jeu vaut-il ses 50 roupies ? Intrinsèquement, s'il est fixé à ce prix là par la l'Organisation Mondial du Jeu Vidéo, c'est qu'il y a assez de gens prêts à mettre jusque 50 roubles pour l'avoir leur Fifa. En dehors du fait qu'il faut bien que tous les acteurs qui font le JV (dév', piaf, détaillants, grossistes, constructeurs, TVA, fabricants) fassent du bif pour faire tourner leur petite entreprise d'ailleurs. Je pense que oui. Vu le temps qu'on passe sur un jeu (qu'il soit court ou non) et la nature du moment passé (de bon à mauvais en passant par lambda) sur celui-ci, il ne me semble pas qu'on soit tant que ça volé pour 50 biftons. Maintenant, ça dépend aussi du train d'enfer que mène tout un chacun. Je préfère m'amuser de la même manière sur les jeux en oubliant les 5 phases du rapport jeuvidéoduel que d'allonger 3000€ zlotys de plus. Maintenant, chacun fait son choix en fonction de ses besoins. Certains consomment quasi de tout autant que moi voire plus tout en payant systématiquement au prix fort. D'autres n'en achètent que certains. Comme dirait celle dont on a oublié le nom depuis le temps : c'est mon choix. Et c'est donc du coup le vôtre. Asta la vista.

 

Time Neves, 2014-2015, IanRight reserved.