La Wii U sera vendue à perte. Cette annonce officielle de Satoru Iwata a sans doute constitué pour lui un véritable crève-coeur, tant sa compagnie ne nous a guère habitués à dévier de ses sacro-saints objectifs de rentabilité. Pour que Nintendo déroge à ses principes, pour que Nintendo vienne à baisser ses prix, c'est que le marché et ses lois économiques sans pitié l'y contraignent, comme avec l'incroyable erreur d'appréciation sur le prix de lancement de la 3DS, qui conduisit à un repositionnement en mode "alerte rouge" dans les mois qui suivirent.

Nintendo a retenu la leçon, ravalé son orgueil, et compris qu'en des temps économiques troublés, rares sont les firmes comme Apple à pouvoir proposer des prix quelque peu déconnectés de la réalité. Si Iwata et ses comparses ont longtemps surfé sur le hype de la Wii pour conserver des marges confortables, ils doivent désormais composer avec le coût de production élevé de la Wii U, gonflé par une mablette dont beaucoup se demandent si elle ne représenterait pas une épée de Damoclès, au lieu du relais de croissance espéré.

 

La rentabilité de Nintendo remercie déjà la mablette

 

Car même en écoulant son nouveau produit-phare à perte, il n'est pas du tout certain que la firme au plombier connaisse un succès analogue à celui de la Wii. Pas forcément parce que la Wii U en elle-même risque de ne pas susciter autant d'intérêt que son aïeule autrefois. Pas parce que les éditeurs tiers, une fois de plus, semblent marcher vers la nouvelle machine de BigN à reculons, logiquement échaudés de s'être, hormis Ubisoft, cassés les dents sur la Wii. Pas non plus parce que la concurrence nouvelle des géants du tactile et leurs applis à prix sacrifiés pourraient s'avérer une solution de repli facile pour des consommateurs sans le sou.

Mais parce que même avec ce prix de lancement "à perte" de 300/350$/€, la Wii U se trouve être la console de salon la plus chère de l'histoire de Nintendo (hors inflation). Et que le (grand) public de cette marque ne raisonne pas comme celui de Sony ou Microsoft. L'accessibilité des NES, Super Nintendo et autres Nintendo 64 a toujours été une des conditions sine qua non de leur succès. La Wii, dont le prix pouvait déjà prêter à discussion en 2006, doit son salut à l'innovation majeure et au second souffle qu'elle a apporté au petit monde du jeu vidéo. Nintendo espère sans doute reproduire ce schéma vertueux avec la Wii U, mais dispose cette fois d'une marge de manœuvre extrêmement réduite, dans un contexte économique peu reluisant en Occident. Il faudra que la sauce prenne; mais à n'importe quel prix?