Nous sommes le 16 octobre 2010. Une réception est organisée chez moi ; mes camarades font la bamboula à la fac cette nuit : soirée parfaite de veille studieuse pour un asocial tel que moi ! Les horaires de celle-ci : 13h00-08h00. Cependant...


14h00 : Une heure de retard. Ce n'est pas sérieux, je le conçois... Mais j'avais des choses incontournables à faire avant. L'externe de médecine du jour, Jimmy, et mon coexterne, Jean-François, n'ont heureusement pas eu grand-chose à faire, et ne font pas grand cas de mon entrée tardive. Le temps de poser mon sac et je suis envoyé en neurologie, missionné pour suturer une patiente.

14h20 : L'infirmière qui m'a appelé me présente rapidement la patiente : souffrant de Parkinson, traitée, elle a fait une chute dans ses escaliers. La plaie est sur le cuir chevelu, mais je ne me vois pas lui ajouter un autre traumatisme en lui coupant les cheveux. On va faire avec. Résultat : 30 minutes pour 5 points, la plaie est bien refermée. Content de moi... Je redescends aux urgences.

15h30 : Après une période de latence, de nouveaux blessés arrivent. Ma deuxième patiente sera une jeune femme qui s'est coupée en préparant de la viande... Classique. La plaie est sur la base de l'index, en encoche, superficielle : j'essaie les points mais je constate rapidement que l'idée est mauvaise. Finalement, plusieurs bandes de Stéri-Strip et c'est bouclé ! Le médecin valide, et au suivant. Quoique, pas tout de suite : il m'explique comment utiliser le logiciel pour l'examen clinique, mes prescriptions et les bons de sortie. Le machin a une interface qui pourrait faire passer Windows 95 pour une révolution d'intuitivité d'interface. Bon...

16h00 : Dans le même temps, mon coexterne, qui est parti au bloc de plastique, m'a laissé la paperasse pour un patient qu'il a suturé juste avant de partir (ah ! l'animal !). L'horreur : l'ordinateur plante, l'imprimante plante, le programme plante, je ne peux rien imprimer, etc. Je passe bien une demi-heure à me battre avec. Une interne qui a tenté de m'aider a préféré partir avant de se mettre à casser la souris. Finalement, je m'en sors, je ne sais trop comment...L'informatique au service de l'homme ? Sur le papier, ouais !

17h00 : J'enchaîne directement avec un pauvre cycliste qui a tutoyé le béton d'un peu trop près. Simple ouverture à l'arête du menton, facile. C'est que je commence enfin à avoir la main, finalement ! Remplissage du dossier, bagarre contre l'ordinateur et c'est bon ! Un urgentiste me reprend néanmoins après sur ma façon de remplir l'examen clinique. Faudrait accorder un peu vos violons, les enfants...

19h00 : Rien. Mon coexterne est reparti s'amuser au bloc de plastique et moi, je rêve des canettes de RedBull que j'ai oublié chez moi...

20h00 : Ce qui devait arriver arriva : on a besoin de moi au bloc d'ortho. Le temps de descendre enfiler un pyjama, et je rejoins Roman et Flu pour traiter une fracture des styloïdes radiale et ulnaire. Ils n'ont pas besoin de moi en tant que tel, ils ont juste voulu me sortir des urgences. C'est gentil à eux ! L'opération n'est pas longue : le temps de mettre trois broches dans le poignet pour stabiliser les fractures. Mais, insigne honneur, j'ai pu recoudre la patiente. La première fois que je le fais au bloc ! Roman me donne quelques astuces pour ne plus galérer à faire les nœuds. Et ils étaient pas mal ces points, je peux vous le dire ! Haha ! Hm...
Après cela, radio de contrôle et pose de plâtre. Nous dînons dans la salle des internes, et ils redescendent avec moi aux urgences...

22h00 : ...Car ces derniers doivent donner un avis pour une patiente de 86 ans qui a une fracture de l'humérus comminutive mais stable. Une simple attelle velcro à porter pendant trois semaines fera l'affaire.
Roman se fait ensuite alpaguer par des proches en colère d'attendre depuis quatre heures et notre incapacité à fournir des gouttes à leur aïeule qui a subi une opération ophtalmologique la veille... En même temps, les urgences ne sont pas une pharmacie...
Le temps qu'ils partent les chercher, nous avons vu la dame en question, bien plus zen : fracture du col. On l'hospitalise, elle sera vue demain.

23h00 : Je vois un patient d'une vingtaine d'année qui est venu suite à une bagarre en bas de sa tour alors qu'il fêtait son anniversaire. Deux points rapides au niveau de l'arcade, personne sympathique, tout se passe vite et bien. Sauf que l'urgentiste évoqué plus haut réclame que je lui montre tout ce que je fais, mais les points de suture totalement triviaux, ce qui rajoute un temps non négligeable pour évacuer les patients déjà traités. Il veut aussi que je fasse des examens ultra-précis pour pas grand-chose, mais bon, mieux vaut trop que pas assez, je suppose...

00h00 : Une des internes de garde me demande mon avis pour un diagnostic d'ortho (bien sûr, je le foire) et appelle Roman pour la pose d'une botte plâtrée. Celui-ci m'aide et me fait faire mon premier plâtre. Que d'émotions...

Yeah !

00h30 : Bon. Gros coup de mou. Le RedBull n'a peut-être pas qu'un effet placebo, finalement.
J'ai envoyé mon coexterne profiter de la fête à la fac avec mon badge, mais il revient dans la demi-heure, perclus de remords... Pour ce qu'il y a de patients, pourtant, il n'y a vraiment pas de quoi.

03h47 : j'ai réussi à convaincre Jean-François d'aller retourner s'amuser un peu. Me voilà donc seul externe au milieu d'un service calme, enfin, si on fait abstraction de la soufflerie, des bips des scopes et des hurlements d'un patient qui viennent sonoriser la salle à l'instant où j'écris ces lignes.

04h13 : Niveau fatigue, ça va un poil mieux finalement. Le RedBull me manque moins par ses effets que par son goût, finalement. Je boirais n'importe quoi qui n'est pas de l'eau.

04h45 : J'accompagne Jimmy pour gérer un patient en état d'ivresse. Discours incohérent, pas coopératif... Une vraie plaie. On lui fait un ECG, on le présente au médecin et on le sort du box pour le mettre dans un coin, le temps qu'il dégrise. Bref, passons.

05h12 : Alors que je suis assis, en train de rêver inoffensivement, une infirmière me couvre de feuilles (oui, oui, vous avez bien lu) parce que je ne me suis pas présenté. Je ne me souviens pas l'avoir vu avant, mais bon, passons outre, je me sens tel un maître zen qui ne va pas la faire tournoyer sur le comptoir pour évacuer sa rage...

05h45 : La soirée à la fac se termine... Chouette, deux cadavres qui en viennent ! Une PCEM2 couverte de marqueur indélébile (une tradition de chez nous...) un peu grise, et un Balbynien dans le coton : plaie linéaire du menton classique. A nous deux mon gaillard...
Ça commence bien : pendant que j'anesthésie sa blessure à la Xylo, il tente de se débattre et provoque un enfoncement un peu exagéré de l'aiguille (en gros, je lui ai planté la seringue un peu trop profond). Heureusement, l'urgentiste me prête main-forte et le bougre finit par s'endormir de lui-même. Enfin des conditions idéales pour de la couture !
Sauf que mes mains sont lourdes, mon regard incertain, bref, pour faire court : j'en bave. Mais je m'en sors ! ECG, présentation au médecin puis je vais m'affaler au bureau des internes.

06h49 : Je n'en peux plus. Jimmy s'est réveillé à la demande de l'urgentiste pour...rien, et est logiquement un peu amer. Il fait un sudoku dans un Gala (une lecture saine, c'est important !) qui trainait, pendant que j'essaie d'éviter d'avoir des hallucinations.

07h00 : Le temps commence à devenir très long. Je tiens difficilement...

07h48 : Agueuh. [NDL : je ne me souviens pas avoir écrit cette ligne, mais elle retranscrit bien mon état du moment, je crois...]

07h53 : Je m'en vais ! A peine si on répond à mon au-revoir... Et le froid matinal qui me mord la nuque...

09h13 : Petit déjeuner maison et enfin au lit.

Voilà. Rien qu'en relisant ce billet, j'ai un coup de fatigue. Je rédigerai le bilan la semaine prochaine. Désolé pour le manque de photos, je n'étais vraiment pas inspiré ce soir-là. En attendant, portez-vous bien !