Ou : « chérie j’ai recopié les dinos »

ATTENTION : CET ARTICLE PEUT CONTENIR DES SPOILERS. NE LE LISEZ PAS SI VOUS COMPTEZ VOIR LE FILM ET QUE VOUS NE VOULEZ RIEN SAVOIR.

Dès l’annonce du film, sous le titre de travail « Jurassic Park IV », le projet avait de quoi faire rêver. Faut dire que l’original, sorti en 1993, est un film mythique. Il y a eu un avant et un après Jurassic Park. En effet, c’était le premier (ou un des premiers) film qui proposait des créatures de chair et de sang en images de synthèse réalistes. Ajoutez à ça une aventure bien ficelée avec des personnages charismatiques, des rebondissements, un scénario intéressant et juste ce qu’il faut de danger et de frayeur pour ne pas se faire éjecter de la case « tout public » (en France car aux USA le film était tout de même PG-13 !). Bref, du grand Spielberg qui a fait rêver le môme de 6 ans que j’étais et des millions d’autres spectateurs. Donc, après un second volet moins bon et un troisième volet détestablement dégueulasse autant dire que cette résurrection de la licence cinématographique si chère à Gilles Stella était attendue au tournant.

Il était une fois 22 ans plus tard

Le postulat de départ du film est assez simple :
après l’échec du projet de parc de John « j’ai dépensé sans compter » Hammond, de nouveaux investisseurs ont racheté la société InGen sous l’égide du milliardaire Simon Masrani qui a rendu possible le rêve de Papy Hammond avec l’ouverture de Jurassic World, un gigantesque parc d'attractions centré sur le clonage et l'exposition de dinosaures vivants à partir de leur ADN fossilisé dans de lʼambre.

22 ans plus tard, les scientifiques chapeautés par Claire Dearing (Bryce Dallas Howard) tentent de trouver une nouvelle attraction pour captiver les milliers de visiteurs d’Isla Nublar afin que l’activité de la société puisse continuer de prospérer. Les spectateurs modernes de l’an 2015 (probablement) étant de plus en plus gourmands et habitués aux trucs de dingues (il parait même qu’ils ont des téléphones portables avec des écran tactiles !), deux spécimens d’une nouvelle espèce de dinosaures sont créés afin de répondre au cahier des charges « plus gros, plus impressionnant et avec plus de dents ». Et c’est ainsi que l’Indominus Rex déboule sur Terre en étant mi t-rex, mi-raptor, mi-seiches et re mi-grenouille derrière !

Sauf que patatra et à la grande surprise générale des personnages visiblement trop cons pour se dire qu’un mélange d’autant de saloperies ne resterait probablement pas dans un coin pour faire du tricot, une des deux bestioles tue son binôme, s’échappe et fout la panique terrorisante qui fait peur dans le parc.

Evidemment, ça tombe pile poil quand Zach (Nick Robinson) et Gray (Ty Simpkins) -qui n’a pas encore l’âge d’avoir ses 50 nuances-, les neveux de Claire, sont subtilement en visite sur l’île afin d’être tenu à l’écart et de se changer les idées pendant le divorce tire-larmes de leur parents.

Mais pas de panique, le responsable cliché de la sécurité du parc Vic Hoskins (Vincent « je pète toujours la classe donnez-moi plus de visibilité » D’Onofrio) organise la traque de la bestiole ça va aller d’autant que le dompteur de raptor Owen Grady (Chris Pratt) est là pour filer un coup de main et mettre fin à la menace reptilienne.

Retrouvez un résumé plus détaillé sur Wikipedia (évidemment plein de spoilers !)

Des dinosaures à l’ère de Facebook

Dès le premier plan du film, le metteur en scène (Colin Trevorrow) nous jette d’emblée un premier clin d’œil fan service à la gueule !… Mais c’est amusant, on sourit et on va vers la suite du film pour découvrir très vite que le scénario nous déroule ses plus beaux clichés (jusque dans le langage des ados dont l’adaptation française fait honneur aux déformations de langage de la rue oueich t’as vu ?!). On a droit à la totale de chez totale jusqu’à l’arrivée dans le parc.
Introduction des personnages faite à la truelle mais qui a le mérite d’être efficace (même si pendant tout un pan du film on a quand même l’impression qu’on nous déroule la liste des CV des protagonistes) avec au passage une mention spéciale pour le cliché de la belle nana au boulot hyper important donc qui est forcément froide et qui va entretenir une relation amoureuse avec le bourru de service quand il ne sauve pas la galaxie (Chris Pratt donc hein !).

Cependant, il y a comme une sensation étrange qui commence à surgir… Mais qu’est-ce que c’est ? Ah mais oui bien sûr ! C’est cette impression de regarder le même film qu’il y a 22 ans ! En effet, on ne peut pas s’empêcher de remarquer la quantité phénoménale de clins d’œil forcés à l’original tellement appuyés qu’on a parfois l’impression d’assister à un remake. Les personnages sont à peu près les mêmes (les deux gosses qui vont voire leur tante au lieu de leur grand père, le mec passionné de dinosaure un peu bourru, le trou de balle de service qui renvoie à Denis Nedri etc etc…), les situations à peu près les mêmes voire les scènes à peu près les mêmes. Et si certaines choses varient obligatoirement à la fois parce que le film se déroule effectivement 22 ans plus tard mais aussi parce que cette fois le parc est bien officiellement ouvert, très vite c’est le déjà vu qui domine.

On pourrait se dire que c’est pas grave et que même si niveau originalité et prise de risque c’est pauvre, s’inspirer d’un très bon film ça devrait permettre de sauver les meubles… Sauf que non ! Parce que technologie moderne oblige on fait sauter les clotures électriques des enclos (qui sont ici remplacées par des… Appelons ça des « champs de force invisibles » qui permettent de garantir la sécurité des visteurs et des animaux sans stresser ses derniers) enfin pour les animaux pas trop dangereux car évidemment le T-Rex est sous bonne garde, le Mosasaure est dans la flotte tel l’orc de Sea World/Marineland, et les visiteurs peuvent se déplacer dans des espèce de gyrosphères qui pourraient être cools et crédibles si le film ne nous laissait pas le temps de nous demander pourquoi les dinosaures ne réagissent pas quand ces véhicules improbables se baladent autour d’eux. C’est vrai quoi qu’est-ce qui empêche un stégosaure d’envoyer un coup de queue sans faire gaffe et de butter un visiteur ? Hein ? Comment ? C’est écrit dans le scénario ta gueule ! Ah d’accord et on touche donc du doigt le gros point faible du film : il sacrifie la crédibilité et la cohérence au profit d’une belle image, d’un plan iconique ou d’une séquence d’action.

Ces dernières ne sont d’ailleurs pas tellement mises en valeur non plus par une réalisation un peu trop lisse et beaucoup trop académique alors que d’autres réalisateurs ont déjà prouvé que ce n’est pas parce qu’on doit intégrer des créatures en images de synthèse et que le film sera projeté en 3D relief qu’on est obligé de faire un truc plan plan. Il n’y a aucune inventivité dans la mise en scène, aucune prise de risque et on s’emmerde quand même pas mal. On a jamais peur, on a du mal à se sentir impliqué (même quand les raptors partent à la chasse avec leur papa dresseur à moto et qu’on leur fout des caméras embarquées sur le museau) et on traverse le film de la manière la plus passive qui soit. Et c’est bien ça le problème : à aucun moment le film ne nous implique. Et c’est dommage parce que ça ferait passer la pilule de l’aspect « remake qui ne s’assume pas/what if » un peu mieux !

Les acteurs jouent à peu près juste (même si le changement de personnalité du personnage de Bryce Dallas Howard vient un peu trop facilement et même si le Dr. Wu est devenu une espèce de grosse raclure au lieu du scientifique fier de son projet qu’il était au point qu’on se demande si à la base il devait vraiment être présent dans le métrage et s’il ne l’ont pas plutôt intégré à la va vite à la place d’un autre juste parce que l’acteur qui l’interprétait en 93 était dispo) et certains sont mêmes assez surprenants. Chris Pratt a beau jouer un gros cliché à la limite du clone de Marlon Brando bah ça fonctionne et on sourit. Omar Sy est plutôt agréable à voir jouer et ça fait super plaisir de le voir plus longtemps que dans « X-Men Shit of the Future Past ». Il est même plutôt finley (trollilol) dans ce film même si son implication dans le scénario est un poil trop réduite (on va pas non plus filer un rôle important à un français franchement !). Vincent D’Onofrio est impeccable également. Je l’admets au début j’avais du mal à cerner son jeu jusqu’à ce que ça me paraisse évident que son personnage est juste fondamentalement idiot. Et c’est joué tout en nuances et vraiment très juste. Ça vaut pas le Caïd de Daredevil (la série de Netflix hein pas l’étron cinématographique) mais c’est chouette à regarder.

Tout ce méli mélo filmique pour nous emmener vers une scène de bagarre finale entre dinosaures (que je ne vais pas vous décrire parce que faut la voir celle-là !) dans laquelle il ne manque plus que Godzilla pour transformer le film en délire décomplexé et le faire basculer du bon côté de la balance ! Ceci étant dit j’aimerais en profiter pour parler un peu technique. Les animaux du films sont majoritairement en images de synthèse (voire totalement ? Il parait effectivement qu’il n’y a pas d’animatronic dans cet opus) et si évolution technologique oblige leur modélisation, leur rendu, leur textures sont mieux réussis (même si Jurassic Park n’a pas à rougir !), l’animation quant à elle est un peu trop parfaite et parait donc moins organique si bien que l’on a parfois du mal à trouver les animaux crédible à l’écran. Enfin, toujours sur la technique, j’aimerais saluer l’effort d’avoir tourné dans une grandes variétés de formats (pellicules comme numériques) ce qui montre que l’équipe s’est tout de même bien décarcassée pour essayer de nous offrir des images les plus réussies en toutes circonstances. J’aimerais aussi applaudir (virtuellement) le format de projection 2:1 du film (comme Marco Polo de Netflix d’ailleurs) qui est un format non standard (le cinéma numérique proposant soit du 1.85, du 1.90 ou du 2.39). C’est un choix osé (si si) et ça apporte une esthétique intéressante dans les cadrages. (Mais le 2.39 m’aurait encore plus plu !)

Sac à main à emporter

Que retenir donc du retour des dinosaures les plus célèbres du cinéma ? Avec son histoire 80% pleine d’hommages limite remake, de clichés plus gros que le slip de Yokozuna, sans enjeux et finalement sans vraiment de danger (alors oui c’est vrai 20 000 personnes risquaient de mourir, et quelques unes meurent effectivement dans le film mais bon 99,8% d’entre-elles n’ont finalement été poursuivies que par des gros oiseaux un peu costauds donc bon niveau ampleur du danger on peut faire mieux !) et avec sa mise en scène extrêmement lisse, le film nous fait certes passer un bon moment car, clairement, ça se laisse regarder et c’est complètement mieux que cette saloperie de Jurassic Park 3 (voire même que certains morceaux du Monde Perdu !) mais il n’empêche qu’on garde quand même la sensation d’assister à une espèce de Sharknado avec de vrais moyens dont le seul but est de nous vendre du marchandising, des suites et de générer du cash rapidement au mieux pour que les studios concernés financent d’autres projets (et ça, ça ne sera jamais critiquable) et au pire (et plus probable) que tout le monde puisse customiser sa piscine et s’acheter une nouvelle Porsche pour les sorties du week-end. Car finalement, comme l’a dit Benzaie, le film ne résout réellement qu’une chose : la sexualité de l’héroïne !

Si je devais lui attribuer une note ce serait un 5,5/10 juste pour lui mettre un tout petit peu mieux que la moyenne. Et pendant que je ne vous recommanderais pas d’éviter le film (car vous passerez sûrement un bon moment malgré tout en y allant avec des copains avant ou après un restau sympa) moi je vais remettre mon Blu-ray du premier épisode dans la platine et écouter les histoires de puce du grand-père qui dépensait sans compter !