Si je décide de parler de ce sujet aujourd'hui,
c'est parce
qu'il y a peu j'ai eu à réfléchir (avec une équipe marketing) au
business model
à appliquer au jeu sur lequel je travaille et que je me suis tourné vers l'item
mall, un système encore bien méconnu et souvent victime de préjugés.
J'avais
donc envie de partager mon avis sur ce qu'il est vraiment et sur son
potentiel.

À n'en point douter, ce sont les MMORPG qui nous
ont amené ce système d'item mall. À une époque où la concurrence entre les MMO
était plus
forte que jamais, il fallait trouver des moyens de se différencier de la
concurrence, or, un des facteurs bloquants majeurs de ces jeux a
souvent été
leur modèle économique : l'abonnement.

En effet, il n'est pas si facile de payer un jeu
tous les
mois et de se dire que si on ne joue pas, on est entrain de « payer pour
rien ». C'est là qu'arrivent les MMO dits F2P qui vont très vite pulluler sur
la toile.

Le problème, c'est que développer un MMO a un coût
auquel
vient s'ajouter le coût de maintenance du jeu (serveurs, équipe de
développement qui continue à travailler sur le jeu, ...) et qu'il va bien
falloir
trouver cet argent quelque part. Si certains ont tenté avec plus ou
moins de
succès des business models différents comme celui de la publicité, au
final,
c'est l'item mall qui va très vite représenter le plus gros concurrent
au système d'abonnement classique.

Mais du coup, si on doit acheter des objets dont le
jeu rend
obligatoire la possession, au final, ne serait-on plus dans un F2P, un "gratuit à jouer", mais devant un
abonnement
camouflé ? Eh bien oui et non : certains utilisent clairement l'item mall
de cette façon, mais il existe d'autres applications de l'item mall bien plus
intéressantes et proches de la promesse que l'on attend du F2P.

Le bon item mall, et le mauvais item all...

Pour bien faire la différence, revenons d'abord sur l'item
mall utilisé comme abonnement déguisé. Ici, c'est simple, il s'agit
d'obliger,
ou presque, les joueurs à sortir leur porte-monnaie, sans quoi leur
expérience
de jeu ne sera pas complète. On verra donc souvent des jeux proposer sur leur
item mall des équipements meilleurs que ceux que l'on peut obtenir par
les
mécanismes « classiques » du jeu. Pour peu qu'il soit un brin
compétitif, les joueurs se sentiront vite forcés d'acheter ces items
pour se battre
à armes égales (sinon le jeu perd de son intérêt très vite). Dans ces
jeux, au
final, on se retrouve très vite à dépenser plus d'argent que le prix
d'un
abonnement classique.

À l'opposé de cette utilisation, on trouve « l'item
mall cosmétique ». Il s'agit ici de proposer aux joueurs des items qui
n'interfèrent en rien avec les mécaniques du jeu, mais leur permettront en revanche de personnaliser leur apparence, d'avoir un petit animal familier, bref, de se
différencier des autres sans que cela influe sur ses capacités en jeu elles-mêmes. C'est donc une pratique plus que louable, qui
repose
sur le fait que les joueurs aiment le jeu et qu'ils sont donc prêt à
dépenser
un peu d'argent juste pour se faire un petit plaisir. Malheureusement,
peu de
jeux peuvent réellement survivre uniquement par ce principe car on
estime que seul
une personne sur dix est prête à lâcher
quelques euros et qu'il faut dès lors une communauté très développée et
si
possible qui se renouvelle beaucoup (car les achats sont aussi très
limités dans
leur quantité).

Du coup, il fallait trouver un juste milieu entre
ces deux
optiques pour les studios désirant faire un jeu online gratuit au
téléchargement, et sans abonnement, mais ne visant pas non plus une
communauté
assez massive pour pouvoir au moins rentrer dans les frais de
maintenance
du jeu.

Etant dans ce cas avec le jeu sur lequel je
travaille, c'est
ce juste milieu que j'ai essayé de trouver, et pour cela, pour moi, il
ne faut
pas que le coté marketing ignore complètement le game design du jeu ni
qu'il interfère avec lui ! Il faut une symbiose des deux qui implique un
travail conjoint du game designer et du département marketing.

L'item mall du milieu

Cet « item mall symbiotique », vous l'aurez compris, ne sera du coup jamais identique d'un jeu à un autre vu qu'il a pour but de
coller au maximum au game design, toujours différent, de chaque jeu. Dans
mon cas
par exemple, il était impensable de vendre un avantage en combat aux
joueurs
dans un jeu dont la qualité première est la compétition. Par contre
vendre un
ticket d'inscription à un tournoi spécial où le vainqueur récupèrerait plus que
sa mise de départ et où nous récupèrerions aussi une partie des mises, nous
semblait bien plus logique.

Par la suite, on s'est aussi dit que notre item
mall devrait
permettre à un joueur n'ayant pas beaucoup de temps de jeu, parce qu'il
travaille par exemple, de compenser son retard par rapport à un étudiant, qui peut passer bien plus de temps sur le jeu. En fait, cela
permet
encore plus de coller à l'esprit du jeu : le meilleur doit gagner, pas
celui qui a le plus de temps
!

Au final, les réflexions sur cet item mall ont même amené
des nouveaux éléments de gameplay au jeu. En effet, on a décidé de
vendre des
items cosmétiques, mêlés aux fameux objets permettant aux gens disposant
de
moins de temps de ne pas en souffrir et de les distribuer sous forme de
boosters aléatoires. L'idée sous-jacente était de créer une coopération et
de
l'échange entre les joueurs, et d'ajouter le plaisir de l'ouverture du
booster que
les joueurs de jeux de cartes à collectionner connaissent bien. Voilà comment un
système qui, à la base, risque de diviser une communauté, finit par être plutôt
utilisé pour
la faire vivre de plus belle.

Comme vous pouvez le constater, ce système « d'item
mall symbiotique » peut devenir une solution plus qu'intéressante pour
le
joueur, qui le pousse à participer aux frais d'un jeu sans jamais lui
forcer la
main tout d'abord, mais aussi en bonifiant le jeu plutôt qu'en allant contre lui, le
tout en
s'adaptant à chaque type de joueur comme aucun autre modèle économique
actuel
ne le permet vraiment.

Voila, j'espère avoir aidé à la compréhension de ce business
model et aux enjeux qui se cachent derrière, et peut-être avoir dissipé
quelques
préjugés à son sujet.