Le Cyberpunk a le vent en poupe en cette fin d'année. Tout le monde a les yeux braqués sur Cyberpunk 2077, mais c'est bien Ghostrunner qui devrait nous permettre de plonger un peu en avance dans cette ambiance. Une ambiance particulièrement réussie.

Quand Blade Runner...

La musique de Daniel Deluxe vous plonge immédiatement dans cette ambiance. On pense à Tron, aux Daft Punk, à Blade Runner, bref, à toutes ces références qui ont tant marqué nos parcours de fans de SF et autres oeuvres d'anticipation. C'est rythmé et, tout au long de l'action, elle porte le joueur qui se surprendra à se balancer sur les basses. C'est synergique avec un titre qui demande une motivation de tous les instants.

Les oreilles sont satisfaites et les yeux aussi. Les studios travaillant sur le jeu (One More Level, Slipgate Inronworks et 3D Realms) ont parfaitement su employer l'Unreal Engine 4, les heureux possesseurs de cartes qui "raytracent" pourront en profiter à fond. Même sans, on repense également tout de suite à Tron. L'ambiance est - forcément - Cyberpunk, sombre, avec un jeu d'éclairage qui souligne les arrêtes d'une architecture très verticale.

Vertical, car le scénario de Ghostrunner vous place dans la peau d'un personnage qui se cherche encore au milieu de forces qui s'opposent. Vous devez progresser dans la tour du Dharma, un édifice qui contient les derniers survivants de l'humanité et opposant I.A., machines et hybrides. En progressant vers le sommet de la superstructure, vous approchez de plus en plus de la vérité. Mais l'ascension est loin d'être de tout repos.

...se marie avec Mirrors Edge...

Comme tout héros qui se respecte ces jours-ci, votre avatar possède des capacités athlétiques hors du commun. Il peut en particulier se servir des parois comme appui et ce sont les déplacements de Titanfall et Mirror's Edge qui sont clairement venus inspirer les développeurs. À cela s'ajoutent des mouvements de dash, de ralentissement de temps, et des attaques éclair/spéciales de différentes natures. Il est par exemple possible d'aligner plusieurs adversaires pour littéralement les transpercer. Aussi bien eux que les éventuelles balles qui vous étaient destinées. Sauter, glisser, s'appuyer, sprinter et ressauter encore, vous ne touchez plus terre. Surtout que vous n'utilisez pas un vulgaire flingue, mais un sabre, tel un samouraï du futur. C'est donc en sushi que finissent les indélicats qui vous barrent le chemin.

L'architecture des niveaux évolue graduellement en complexité et offre différentes façons d'appréhender chaque problème. Il n'y a que très rarement un seul chemin pour arriver à ses fins et le système de déplacement propose d'être plus ou moins frontal dans la résolution de problèmes. Ceux-ci sont majoritairement posés par des adversaires qui peuvent vous éliminer d'un seul tir et sont rapidement pourvus de boucliers activés par des générateurs. Vous avez donc en face de vous une équation qui consiste à planifier un chemin pour éliminer la source des boucliers, puis les personnages eux mêmes. À chaque fois que vous pensez être à l'aise, il arrive un nouveau type d'ennemi qui se comporte différemment. L'équation se complique et devient plus intéressante.

Armés de pistolets, de mitrailleuses ou attaquant au corps à corps, ils vous obligent à rester en perpétuel mouvement pour ne pas mourir. Le mouvement, c'est la vie, mais vous ne pourrez pas finir Ghostrunner sans mourir des dizaines de fois. Le plaisir se mérite.

...et Super Meat Boy

Ambiance Blade Runner, déplacement à la Mirror's Edge et décès à la Super Meat Boy. Il ne sera pas rare de mourir des dizaines de fois avant de réussir à terminer un niveau. À chaque faux pas, la sanction est immédiate. Que ce soit avec un seul tir ou en ratant une plate-forme. Dans cette progression haletante, il y a quelques phases narrative où les discussions en voix off viennent donner de l'épaisseur au scénario (anglais sous titré) pendant que vous actionnez divers leviers, afin d'amener les plate-formes aux bons endroits. Les énigmes ne sont pas trop compliquées et elles servent de respiration entre deux phases de combat.

Beaucoup de décès donc, et des réapparitions tout aussi rapides que vos trépas. C'est ce qui fait que la frustration ne vous arrête pas de suite dans vos efforts. On rate, on recommence, on rate encore, on y retourne, on cherche une autre issue...

Ce mode de fonctionnement place Ghostrunner dans le carcan d'un modèle bien fermé ; un niveau, X adversaires à éliminer, une phase d'adresse/scénario/déplacement et on passe à la zone suivante. Ce découpage très artificiel tend à mettre le scénario en retrait au profit d'un gameplay plus maîtrisé. L'avantage de cette manière de faire, c'est que le jeu va durer dans la longueur, car vous aurez envie d'y revenir, pour le tenter en une seule vie ou pour améliorer vos temps. Il y a un très fort potentiel de rejouabilité et du superplay dans l'air.

La classe au bout du chemin

Munir le héros d'un sabre plutôt que d'un flingue ajoute en classe ce qu'il perd en efficacité. Il est rapidement jouissif et grisant de bondir dans tous les sens et d'enchaîner les découpages en règle des vilains d'en face. Sur le premier run, il ne s'agit que de passer un niveau. D'avancer et de découvrir. Puis, tel un kata, on a envie de répéter l'action pour qu'elle devienne parfaite. Ghostrunner fait partie du club assez fermé des jeux qui sont capables de vous faire entrer dans "la Zone". Il est d'ailleurs assez frustrant de ne pas pouvoir profiter d'une fonction de "replay" pour revoir une séquence d'action réussie et profiter du spectacle. C'est un des rares regrets qu'on peut formuler à son endroit.

Une fois les commandes maîtrisées, les distances appréciées, le plaisir de jouer est décuplé. La satisfaction est inversement proportionnelle à la frustration de vos premiers pas. Il faut persévérer et explorer de plus en plus. Ce faisant, vous pourrez trouver de nouveaux objets (artefacts, enregistrements audio et épées) et débloquer de nouvelles possibilités. Il n'y a pas de limites de temps ; ce qui laisse tout loisir aux fouilles approfondies des niveaux. C'est l'occasion d'apprécier un level design globalement très satisfaisant, mais qui a tout de même prêté le flanc à quelques carences. Par exemple en termes de tests de collision et des positions parfois aberrantes dans lesquelles on peut se trouver.

Ghostrunner n'a pas bénéficié d'une campagne publicitaire tonitruante, la hype ne monte pas depuis des années et pourtant il mérite désormais tout notre attention car il met le gameplay au centre de son expérience. À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire, mais avec Ghostrunner, la gloire est au bout du chemin.