Forgotton Anne est un titre au parcours assez atypique. Lors de son annonce il y a maintenant un tout petit peu plus de deux ans, Throughline Games, un tout petit studio Danois, nous présentait alors son premier jeu, qui entrait dans le programme "Square Enix collective". Forcément, la question de l'indépendance, lorsqu'on sort sous le pavillon d'une grande compagnie, peut encore se poser, et bien que ce ne soit pas la réponse à cette interrogation qui nous intéresse aujourd'hui, je serais tenté de répondre que oui, elle est toujours possible et peut faire naître de très beaux jeux. En effet, même si le premier titre du programme, Fear Effect Sedna, n'était pas une franche réussite, on sent ici une véritable patte d'auteur, dans un aventure au doux parfum d'animé Ghibli qui nous a véritablement séduits.

Tombés dans l 'oubli

L'histoire commence dans un univers assez féerique, où tous les objets que vous avez oubliés, comme cette chaussette gauche perdue sous le lit, ce parapluie abandonné dans le métro ou cette écharpe égarée au restaurant, se retrouvent propulsés. Toutes ces choses, elles sont là, et elles ont pris vie dans ces terres oubliées, portant désormais le nom d'oublions. Ils ne désirent qu'une chose : retourner dans l'éther et revenir auprès de leur propriétaire ! Chacun a son propre rôle dans cette société dystopique et tyrannique dirigée par Bonku, déprimée par l'oubli, avec tous les problèmes de rébellion que cela peut entraîner. Il faut travailler dur pour obtenir son billet pour l'éther, parfois bien trop dur, ce qui donne un délicieux côté Grim Fandango à l'ensemble. Et dans tout cela, la seule qui semble n'être au courant de rien, c'est Anne, notre héroïne, fille adoptive du despote, qui est subitement réveillée par un bruit d'explosion au loin.

Avec son statut d'exécutrice, elle va se mettre en chasse à l'oublion rebelle pour tenter de faire la lumière sur ces étranges événements qui sont en train de se dérouler. Va s'en suivre une aventure assez sombre, ou elle fera la rencontre d'un mémorable oublion qui tentera de lui faire ouvrir les yeux sur leur condition. Dans ce scénario extrêmement prévisible, ou l'on a deux coups d'avance sur tous les twists, vous aurez de nombreux choix moraux à faire : en effet, Anne est équipée d'un gant qui lui permet de distiller les oublions pour obtenir de l'anima, une énergie indispensable pour faire fonctionner les machines de cet univers (et résoudre moult énigmes au passage), mais il sera aussi toujours possible de choisir une approche plus diplomate, que ce soit via des choix de dialogues ou dans la résolution des puzzles. Vous pourrez donc vous transformer en un ange bienveillant ou vous montrer digne de votre statut de fidèle exécutant de Bonku, en liquidant tout ce qui bouge.

Rookie de l'année ?

Si ces choix moraux n'influent pas directement sur le déroulement, qui sera toujours similaire, ni sur la fin, très abrupte, ils font changer les dialogues et la façon dont les PNJ vous voient et vous jugent. Cela contribue à créer cette folle ambiance pleine de vie que nous offre Forgotton Anne. Et ce d'autant plus que l'on a véritablement l'impression de jouer à un dessin animé japonais ! Le gros du titre prend la forme d'un jeu de plateforme 2D saupoudré d'énigmes basées sur le level design, avec des décors en partie en 3D et des sprites dessinés à la main du plus bel effet. La narration a également son impact : Certaines séquences sont entièrement réalisées sous forme de dessin animé, avec parfois même des phases de gameplay intégrées où la caméra peut se placer sous un angle inhabituel. Les transitions se font bien, et cela crée une mise en scène vraiment originale pour un jeu vidéo en 2D, qui se permet même quelques folies cinématographiques sur la fin, et insuffle encore plus de vie à un titre qui n'en manquait pas. Vous l'aurez compris, sur la fond, malgré son scénario convenu, Forgotton Anne n'est pas loin du sans-fautes. C'est sur la forme, ce qui fait de lui un jeu vidéo, qu'il pêche un peu plus.

Côté technique, tout fonctionne bien, même si l'on note certaines animations parfois spartiates, avec peu de dessins différents pour un même mouvement. Les doublages anglais sont de bonne facture, avec un jeu d'acteur convainquant qui renforce encore l'immersion. C'est véritablement dans sa jouabilité que le jeu montre ses limites, à commencer par ses phases de plateforme un peu gauches et sans challenge, où l'échec n'existe pas. Il y a tout de même quelques trophées bien récalcitrants. Ajoutez à cela des commandes pas super intuitives, une certaine inertie dans les déplacements (exacerbée en remote play), et l'impossibilité de se servir de la croix directionnelle de la manette. Quant aux énigmes, basées sur la logique, avec bien souvent la gestion de l'anima en point de mire, elles vous demanderont systématiquement de diriger des flux d'énergie et de déplacer une unité d'un endroit à un autre pour activer un mécanisme. Le challenge reste minime, et bien souvent, quand on est bloqué, c'est dû à des problèmes de repérage dans le level design, avec certains points d'accès parfois peu mis en évidence. Mais après tout, comme le nom du studio l'indique, on est plutôt là pour l'histoire, et elle nous a beaucoup plu. On hâte de voir la suite des aventures de Throughline Games.