MAJ : Le Monde et le Nouvel Obs ont publié deux excellents articles à propos de la diabolisation du jeu vidéo dans les médias. A lire.

Chaque génération possède son grand satan. Sa cible sur laquelle, tel un réflexe pavlovien, il est bon (et aisé) de taper. A répétition. Sans toujours trop de discernement. 

Ainsi, cela ne vous aura pas échappé, depuis quelques années maintenant, le jeu vidéo est dans l'oeil du cyclone médiatique. Au point qu'à chaque macabre événement ou fait divers sanglant, on se demande combien il faudra de temps avant qu'un premier journaliste ne souligne "le suspect jouait aux jeu vidéo". Essayez, vous verrez, vous gagnerez à tous les coups. Le tout bien évidemment repris en boucle par la suite. 

Le triste drame norvégien d'Oslo et Utoeya avait donc tout pour aboutir à cette constatation... Anders Behring Breivik, chrétien fondamentaliste appartenant à un courant d'extrême droite, anti-islamiste, paranoïaque, serait donc joueur de jeu vidéo (comme plusieurs centaines de millions de personnes dans le monde). Il jouait à Modern Warfare 2 (comme plus de 20 millions de personnes) et à World of Warcraft (+ de 12 millions de joueurs). Très bien. Visiblement il ne lisait donc pas, ne regardait pas la TV, n'allait pas au cinéma. Sinon, j'imagine que cela aurait été évoqué, non ? Anders Behring Breivik ne regardait-il pas aussi le JT ? Vous savez, ce programme regardé par des millions de personnes où la violence bien réelle est dévoilée de manière de plus en plus crue... et où l'on médiatise massivement les catastrophes/meurtre/attentant en tout genre. Cela pourrait-il donner des idées ?

Rien ne permet aujourd'hui de déduire que le jeu vidéo ait fait de lui un tueur en masse ou même participé à ce triste engrenage. Alors collègues journalistes de TF1, France Télévisions, Canal+, Figaro, etc., pourquoi mettre en avant cette information ? D'autant qu'il est intéressant d'apprendre que le meurtrier avait déclaré sur des forums qu'il utilisait World of Warcraft comme couverture. Comment ? Tout simplement en indiquant que cela lui permettait de justifier ses absences. Diabolique. Il déclarait que Modern Warfare 2 était un bon moyen de s'entraîner, mais qu'il valait mieux privilégier le tir au fusil d'assaut réel. L'homme était méthodique. Fanatique.

Alors pourquoi systématiquement rajouter ce petit détail "il jouait au jeu vidéo" ? Bien évidemment, il existe des jeux violents. Mais tout comme il existe des contenus violents et subversifs en littérature, au cinéma, à la télévision... Tout comme il est possible de faire du paintball et simuler "en vrai" des attaques. Tout comme il possédait de vraies armes permettant de tuer.

Anders Behring Breivik n'a pas eu besoin des jeux vidéo pour apprendre et mûrir sa haine de l'étranger. Le fait qu'il joue au jeu vidéo est une composante de sa vie, comme de celle de centaines de millions de personnes dans le monde aujourd'hui. En clair, c'est aussi banal que d'écouter de la musique. A l'avenir, il sera donc quasi certain de trouver au moins un jeu vidéo chez le moindre tueur... faudra-t-il le souligner à chaque fois ? Est-ce un élément d'importance ?

Il serait peut-être temps de comprendre qu'un joueur n'est pas un tueur en puissance... pas plus qu'un lecteur d'American Psycho ou un amateur de Shining n'est aujourd'hui considéré comme un danger public potentiel.