Etats-Unis, 1928. Walt Disney travaille avec son équipe pour le compte des studios Universal et de Carl Laemmle, et produit à l'époque un dessin animé en noir et blanc : Oswald the Lucky Rabbit. Hollywood étant ce qu'il est, Universal lui demande un jour de se débrouiller pour produire les dessins animés avec un budget nettement réduit, ce qui l'aurait obligé à licencier et amoindrir la qualité de son travail. Persuadé qu'il n'aurait d'autre choix que d'accepter les conditions du studio, Universal tombe des nues lorsque Walt décide de les envoyer bouler et de créer Walt Disney Studios, d'abandonner Oswald et de lancer Mickey Mouse. La souris de Walt deviendra rapidement l'icône de l'animation la plus connue dans le monde... tandis qu'Oswald le lapin tombera dans l'oubli. Jusqu'à aujourd'hui.

Ressusciter Oswald... et Mickey

"À mon sens, il n'a jamais été traité comme il convenait", explique Warren Spector en informant l'assistance de l'existence d'Oswald. Même si Universal en avait toujours les droits, Disney a cherché avec Epic Mickey à obtenir l'autorisation de ressusciter le lapin pour les besoins du jeu, dont la première mission, et non des moindres, est de raviver Oswald, bien sûr, mais aussi Mickey Mouse lui même. "Ok, c'est un symbole, une icône... mais pas un personnage que les gens veulent jouer. Je voudrais rendre Mickey cool à nouveau" explique le game designer. Sacré challenge lorsqu'effectivement, Disney lui-même a consciencieusement réduit Mickey, au fil de ces 30 dernières années, au stade de personnage enfantin, sans grande substance pour d'autres audiences. Pourtant, depuis ses premiers pas dans les années 30, jusqu'à encore tout récemment, Mickey n'était pas juste une gentille petite souris. "Je veux rappeler à tous qu'il s'agit d'un héros. Rappeler à tous qu'il peut être drôle. Qu'il peut être jeune. Et l'une des choses les plus importantes pour moi, c'est qu'il peut faire de vilaines choses. Mickey peut être un sale petit garnement". C'est vrai, les passionnés du personnage et de sa fascinante histoire le savent : Mickey n'a pas toujours été très sage, et ça faisait partie de son charme.

L'authenticité du vieux pot, la fraîcheur du renouveau

Le point de départ d'Epic Mickey s'ancre de plain pied dans cette réalité historique passionnante, comme tout le reste du jeu d'ailleurs. Oublié de tous depuis 80 ans, Oswald vit à présent dans le Cartoon Wasteland, une dimension rebut, dans laquelle tous les anciens héros de dessin animés, les versions abandonnées de personnages, les has-been et les disgrâciés de l'animation, ont échoué - car on le sait : Disney ne jette jamais rien. Arraché à son lit en plein sommeil, Mickey se retrouve donc propulsé dans cette dimension étrange, où tout ce qui est coloré est fait de peinture, où traînent des personnages oubliés de l'histoire de Disney, dans des lieux inquiétants, à la fois familiers et déformés. Dans le premier acte de cette histoire audacieuse, il s'agira donc de découvrir où Mickey se trouve, pourquoi il a acquis certaines nouvelles capacités, comme celle de peindre ou d'effacer le monde autour de lui, et perdu certaines autres qu'il devra recouvrir. C'est passé cette première étape de compréhension que commencera réellement sa quête... à laquelle le joueur donnera ses propres priorités.

Une affaire de choix

Il apprendra bien vite que le monde désolé qui s'étale autour de lui a été détruit par sa faute... lui qui a volé le destin d'Oswald, son frère caché en quelque sorte, celui qui aurait dû porter les lauriers de la célébrité et s'en est fait déposséder par la souris. Amer, Oswald a reproduit ce qu'il jalouse de Mickey : ses amis Donald, Pluto et les autres, dans des versions imparfaites et robotisées. Mais s'il a été profondément affecté par son histoire tragique, Oswald n'est au-delà de toute rédemption. Au deuxième acte, il s'agira de sauver ce monde et ses habitants, et/ou de se sauver soi-même en trouvant un moyen de rentrer dans sa dimension d'origine. Enfin, le troisième acte sera celui des révélations, celui où le monstre mystérieux qui a arraché Mickey à son monde fera sa véritable apparition. L'exploration de ce monde, et de cette histoire, se fera donc au travers d'un design inattendu, mêlant plate-forme, RPG, aventure, et offrant une structure narrative et des possibilités de choix similaires à tout ce que Spector a fait auparavant, de System Shock à Deus Ex. Pour la première fois, on pourra donc incarner un Mickey solitaire, voire violent, effaçant tout autour de lui dès qu'un problème se présente, négligeant les demandes d'aide des autres personnages, etc. Ou, bien entendu, choisir au contraire d'aider le plus possible les habitants de ce monde étrange et délabré, d'incarner un héros nettement plus vertueux. Ou n'importe quoi entre les deux. Ses capacités, son apparence et le monde autour de lui évolueront en fonction de tout cela. Et si la mécanique principale du jeu, celle du pinceau créateur et destructeur, en constitue sans doute une bonne partie de l'intérêt, il sera également possible de parvenir à l'une des fins du jeu (plusieurs sont prévues) sans rien peindre, et sans rien effacer, si tel est le choix du joueur.

Un jeu gamer, avec Mickey, et sur Wii ?

C'est vrai, ça fait beaucoup à avaler d'un coup. Mais ce n'est pas une couleuvre. À l'écran, des zones scintillant de bleu signalent un pan de décor effacé, que Mickey peut repeindre. Il peut aussi effacer tout ce qui est coloré, et parfois ainsi révéler des passages secrets. De nombreux personnages, à commencer par les "Gremlins" (une autre création oubliée de Disney, dans les années 40) lui parlent, et Mickey peut accepter de les aider ou les ignorer. Oswald, lui, n'a pas chômé pendant ces 80 ans. Il a eu une ribambelle de gamins (après tout, c'est un lapin), avec lesquels le joueur pourra également interagir. S'en faire des amis, les distraire, éviter qu'ils ne croisent les "spatters", de mauvaises bestioles qu'ils aiment gober et qui transforment ces inoffensifs lapins en adversaires coriaces. De nouveaux ennemis, immunisés ou non aux pouvoirs du pinceau, et d'anciens qui feront leur grand retour. Bref, il semble qu'il y aura de quoi découvrir dans cet univers farfelu, et le mélange aventure (avec des objets à trouver et utiliser), RPG (les capacités de Mickey évoluant au gré des choix du joueur, les quêtes), et action/plate-forme, allié à la mythologie Disney et la mécanique effacer/repeindre à la wiimote ont tout sur le papier pour que cet Epic Mickey permette un vrai come-back de la souris chez les joueurs plus âgés... et c'est bien là le but.

Le grand retour de Mickey ?

Si le peu que nous avons vu du jeu mettait surtout en valeur le fait qu'il lui reste encore une bonne année de finalisation (les images illustrant l'article sont issues d'une version sans l'éclairage final, leur ôtant ainsi relief et effets visuels), le projet est tout simplement énorme. "C'est ce que je ferai de plus passionnant de toute ma vie", explique Spector, le regard espiègle, souriant avec son micro dans la main, racontant comment il a fait le choix d'abandonner ce sur quoi il travaillait pour se consacrer à Epic Mickey. "J'avais le choix entre travailler avec John Woo, ou expérimenter avec l'une des icônes contemporaines les plus adulées", ajoute-t-il. Visiblement, le choix n'a pas été très difficile.

Pour Disney, Epic Mickey est une initiative presque sans précédent : laisser un type comme Spector rafraîchir son personnage le plus cher, et passer par le jeu vidéo pour lui redonner une image moderne et attrayante auprès de ses anciens admirateurs... c'est couillu. Et sur Wii, qui plus est, ce n'est effectivement pas gagné. Mais les idées sont incontestablement là, la volonté aussi. Espérons qu'ils réussissent, parce qu'en vérité... tout le monde aime Mickey, non ?