Il est rare que la presse, et d'une manière générale les joueurs, parviennent à mettre la main sur les chiffres de ventes d'une console ou d'un jeu. Ces derniers sont généralement communiqués par un consolier ou un éditeur lorsqu'il est particulièrement fier des résultats obtenus par un de ses produits. Et lorsqu'il est question de produits vendus dans les années 90, il est encore plus difficile de mettre la main sur de tels chiffres.

Régis Monterrin, auteur de nombreux livres sur l'histoire du jeu vidéo, a récemment eu l'opportunité d'interroger Luc Bourcier, le vice président en charge du marketing et des ventes pour la France au sein de SEGA de 1991 à 1996, et nous a fait l'amitié de partager avec nous des extraits de cet entretien.

Au cours de ce dernier, de surprenantes révélations au sujet de la situation de la Game Gear en France ont été faites par Luc Bourcier. Si la console portable de SEGA a réalisé des ventes modestes à travers le monde, la France est un des pays où elle s'en est le mieux sorti :

La France a été un des premiers ou deuxième pays au monde à vendre des Game Gear en nombre par rapport à la Game Boy. En France, on a vendu 800.000 exemplaires sur toute la période. Il y avait un bel attrait et le dernier spot Game Gear a été diffusé en 1994. On a toujours soutenu en marketing cette machine.

L'ancien responsable du marketing chez SEGA France a également évoqué la compétition Game Gear-Game Boy en France. Et si le duel était évidemment et largement en faveur de la console portable de Nintendo, la machine de SEGA a, selon Luc Bourcier, lutté plus vaillamment en France qu'ailleurs :

Il se vendait 6 fois plus de Game Boy que de Game Gear en France mais le pays a été l'un des rares dans le monde à s'en être très bien sorti. Très sincèrement, je pense que le rapport 1 Game Gear pour 6 Game Boy est inégalé. Aucun autre pays, à l'époque, n'a eu un tel ratio. Le fossé était bien plus important ailleurs. On a beaucoup investi sur la console et il y avait la place pour deux acteurs car Nintendo était le leader avec la Game Boy et nous étions le challenger qui apportait quelque chose de différent, un peu plus premium, presque deux fois plus cher. On a investi régulièrement et la console bénéficiait de jeux de qualité et n'a pas été délaissée par SEGA. Nous avions des bornes de démonstrations pour la Game Gear et je me souviens, le siège de SEGA Europe tiquait à chaque fois qu'il recevait mes bons de commandes pour la Game Gear : "mais t'es sûr, tu vas vraiment les vendre ?" (Rires) Car eux peinaient à vendre ces consoles.Luc Bourcier se félicite également du succès rencontré par les jeux commercialisés sur Game Gear en France et cite par exemple Astérix and the Secret Mission développé en interne par SEGA au Japon à l'initiative de la France.

À noter au passage que la Game Gear est sortie au printemps 1991 en France et que les responsables de SEGA France ont dû batailler avec leurs homologues européens pour sortir la Game Gear à 990 francs (environ 150 euros, sans tenir compte de l'inflation et 226 euros avec inflation). Ces derniers avaient en effet déterminé un prix de vente à 1.290 francs (environ 200 euros sans inflation et environ 300 euros avec).

Avec 800.000 consoles vendues dans l'hexagone, SEGA a donc considéré que sa console portable a été un succès en France. Pour info, la maison de Sonic a vendu environ 11 millions de Game Gear à travers le monde.

Merci encore à Regis Monterrin de nous avoir transmis ces informations. Pour ceux que l'histoire de SEGA intéresse, il prépare actuellement un ouvrage consacré à l'éditeur japonais. Ce dernier devrait sortir dans les prochains mois chez Omaké Books.

Les chiffres évoqués ci-dessus vous étonnent-ils ? Avez-vous eu une Game Gear à l'époque ? Si oui, avec quels jeux ? Quels souvenirs gardez vous de la machine ? Dites-nous tout dans les commentaires ci-dessous.