La fin du monde est proche. Et la ville côtière de Shiokawa est aux premières loges pour y assister. Nous sommes au milieu des années 1980 et voilà le moment, probablement parce que tout y était cool, que les Grands Anciens ont choisi pour se réveiller et reprendre les commandes de la Terre. Les habitants deviennent fous et s'auto-mutilent avant de s'en prendre à des innocents, et lorsqu'il n'ont pas encore perdu la raison, ils deviennent témoins des manifestations de plus en plus dégueulasses des monstres hideux et de portails s'ouvrant vers d'autres mondes. Chaque jour, toujours plus de panique et d'incompréhension. Les autorités japonaises ne savent que faire. On court tout droit à notre perte. Mais vous, oui, vous, pouvez incarner le dernier espoir de l'humanité. Enquêtant sur plusieurs affaires très étranges qui semblent toutes liées, peut-être serez-vous en mesure de stopper l'inarrêtable.

Les dossiers de l'écran

L'action se situe il y a environ quarante ans. Alors panstasz a décidé que la présentation globale de World of Horror devait s'inscrire sur un canevas d'époque. Ainsi vit-on l'expérience par le biais d'un écran de Macintosh antique, n'affichant, au mieux, que des dégradés de deux couleurs, avec des mélodies chiptunes agressives. Sans les chargements intempestifs. Le rendu, tout en images fixes, s'avère des plus réussis. Reste que le tutoriel, qui vous voit partir dans une quête simplifiée, la recherche d'un spectre armé de ciseaux terrorisant une école, dresse immédiatement une première barrière : l'écran CRT qui vous fait face et sur laquelle vous allez faire glisser votre souris tremblotante est blindé d'informations et d'onglets avec lesquels interagir. Toujours plus dense lorsque l'on lance une partie "normale", l'interface exige une analyse approfondie, minutieuse, calme, pour être digérée, petit à petit.

Par exemple, dans cette mission d'acclimatation, il faut savoir qu'il est indispensable d'ouvrir son espace de stockage pour y dénicher le pentagramme à dessiner pour accomplit le rituel que l'on nous somme de lancer. En combat, du tour par tour, les différentes icônes, minuscules, doivent être scrutées pour comprendre que l'on peut aussi remplir sa jauge d'action d'autres choses que de simples coups de pieds : lancer des sorts, ramasser une arme improvisée, se défendre, demander l'aide d'un allié... À ne pas négliger. Pendant l'exploration, enfin, outre les lieux cerclés du menu de la ville à explorer pour espérer progresser, vous avez accès à d'autres options comme vous rendre au commissariat, recruter des aides dans la cour de l'école, étudier des livres à la bibliothèque, voler la pharmacie de l'hôpital, ou encore acheter des items conférant des bonus ou, comme la lampe de poche ou la caméra, capables de vous révéler quelques secrets au bon moment. Il faudra du temps. Mais cela en vaut la peine.

Creepy-en-voilà

Inspiré par la folie de Lovecraft et le style très dérangeant des mangakas d'horreur Kazuo Umezu et Junji Ito, World of Horror n'est pas là pour vous ménager. Durant vos investigations, vous croisez de gens complètement cinglés (gourous de sectes, personnage obsédé par les sirènes), des fantômes, des atrocités nées d'enchevêtrements de bouts de corps humains. Toutes les affaires à résoudre (cinq à la suite pour une partie complète, certains avec plusieurs fins) vous mènent sur des chemins faits de situations aléatoires propres à vous faire flipper. Déjà parce que vous pouvez tomber à tout moment sur ces "monstres", qu'il sera bien souvent compliqué d'annihiler sans y laisser un bon paquet de points de vie. Ensuite tout simplement parce qu'il y a un autre facteur entraînant l'échec : la perte de votre santé mentale. Là encore, il suffit d'une curiosité mal placée, d'un choix pas très judicieux, d'une tentative échouée, d'un coup de malchance ou de l'absence d'un élément pour que la réserve s'épuise. Avec des racines de Rogue-lite aimant nous flinguer au pire moment pour que l'on retourne à la case départ plus riche d'une nouvelle expérience, World of Horror se présente comme une boîte de chocolats... rarement fourrés à autre chose qu'au caca. Avis aux amateurs.

Le Cthulhu entre deux chaises ?

Les scénarios proposés, évoluant dans différentes sphères de l'effroi et laissant s'exprimer une esthétique très stylisée et efficiente, ne sont pas légion pour le moment. Et, en une poignée d'heures, on peut se retrouver avec des sections déjà générées auparavant ne s'intégrant pas toujours de façon adéquate. Mais au moins a-t-on le loisir de ne jamais tout vivre exactement de la même manière d'une partie à l'autre, un détail pouvant tout faire basculer. Notamment dans le dénouement d'une enquête. L'expérience engrangée (tous les cent points, vous gagnez une compétence passive et augmentez d'un point une caractéristique de votre protagoniste), une découverte, ou le temps passé à ne pas chercher au bon endroit ont leur influence. Bref, s'il y a encore du travail éliminer quelques bugs, harmoniser certains éléments, et enrichir l'expérience tout en essayant de la rendre un poil plus digeste, une fois comprises les arcanes de World of Horror, pour peu que l'on soit sensible à son approche, on ne peut nier la fascination qu'il exerce et le sentiment de besoin d'y revenir.

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INDICE DE CONFIANCE : 96,66%

Un jeu d'aventure flippant, dérangeant, et déjà très addictif.

En l'état, World of Horror est déjà une réussite. L'expérience proposée, fascinante, relève largement d'un jeu complet - pas encore très dense mais complet. Et on peut dire que les 12,49 euros investis le seront à bon escient. Pour peu que vous soyez nostalgique des jeux d'aventure des années 80, ou au moins que l'approche diablement rétro ne vous effraie pas, que l'oeuvre de Junji Ito et celle de Lovecraft aient vos faveurs et que les Livres dont vous êtes le héros en votre possession sont écornés d'avoir été tant parcourus, vous serez peut-être totalement captivés par ce Necronomicon vidéoludique auquel il reste encore un peu de boulot à abattre pour maximiser l'effet procuré par ses choix artistiques et narratifs. En un mot : foncez.

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ON A AIMÉ : ON N'A PAS AIMÉ :
  • Un style unique et une ambiance géniale.
  • Des enquêtes passionnantes.
  • Suffisamment d'événements aléatoires et d'éléments à apprivoiser pour donner envie d'y revenir.
  • Une interface qui submerge le joueur et peut lui faire très, très peur.
  • Seulement en anglais.
  • L'aléatoire qui peut vite créer des situations inadéquates et vous tuer trop vite.