Cet article a été initialement publié le 14 novembre 2013.

 

Pour mieux comprendre la situation, nous avons interrogé différents responsables de boutiques spécialisées, certains à Paris et d'autres en province. A chaque fois le même constat : la pression des grossistes est insoutenable en ce moment. Exemple concret : 

Nous avons commencé notre campagne de réservation de la PS4 depuis plusieurs mois maintenant. Nous avons à ce jour 49 résa, 49 machines que notre grossiste nous garantissait pour le Day One. Mais depuis 15 jours, les règles ont quelque peu changé... 

Ainsi, notre grossiste nous a précisé que si nous voulions vraiment nos 49 consoles, il nous fallait désormais obligatoirement prendre en plus 2 jeux par console, une manette PS4, un accessoire Sony officiel et une carte PlayStation Plus ! En ajoutant ce surcoût aux consoles, cela représente un budget de plus de 12.000€. Le problème c'est que beaucoup de petites boutiques, ne peuvent pas faire ça. D'où le problème. Les grossistes nous tiennent. On doit honorer nos réservations, ils le savent et font le forcing en dernière minute.

D'après nos différentes sources, le problème viendrait bien des grossistes comme Inelec, Sodifa ou WTT et non de Sony dans le cas de la PS4. Le constructeur n'imposerait en effet rien, ne souhaitant pas de mauvaise publicité à quelques jours de l'arrivée de sa console.

Pour autant, chez certains revendeurs spécialisés, la grogne monte...

Franchement, le lancement des nouvelles consoles, si on pouvait s'en passer... Tu sais, plus de 30.000€ à sortir pour gagner même pas 300€, c'est le jeu, mais ça fait mal... surtout qu'au final, on perdra sûrement de l'argent sur ce lancement avec les mises en place de vitrines.

Moins de 5€ pour une PS4 et Xbox One

Gagner très peu sur les consoles n'est pas nouveau. Mais la réalité économique que représente un tel lancement pour des boutiques indépendantes reste assez surréaliste. Nous avons voulu ainsi connaître les "vrais" prix... et surtout les bénéfices générés. En clair, combien gagne vraiment une boutique sur la vente d'une console et d'un jeu. Vous allez voir, les réponses sont édifiantes...

La PS4 est ainsi achetée 395,71€ TTC par la boutique au grossiste.
Après la vente, le bénéfice est donc de 4,29€ !

Pour la Xbox One, le bénéfice devrait être aussi inférieur à 5€.
Autrement dire rien, ou presque.

Pire : pour les cartes PS+ achetée 48,44€... et revendues 50€. Comme nous le souligne un revendeur "il nous faut sortir plus de 2.500€ pour les acheter, et nous gagnons moins de 50€ dessus. C'est ridicule."

Sur les jeux, prenons l'exemple d'Assassin's Creed IV sur PS4. Acheté par la boutique 59,84€... il pourra être revendu jusqu'à 70€, mais dans les faits souvent bien moins que cela. 

Dans ces conditions vous comprendrez qu'il est strictement impossible de lutter contre les rouleaux compresseurs que sont Amazon ou la grande distribution... qui n'hésitent pas à casser les prix, se servant alors du jeu vidéo comme simple produit d'appel. Impossible pour un indépendant de s'aligner...

 

Amazon & co, concurrence déloyale...

Aujourd'hui le consommateur a le choix, et forcément il compare. Dans ce domaine comment lutter contre les prix pratiqués par les grandes surfaces ou les sites marchands comme Amazon ? Tout simplement impossible pour une boutique indépendante, sous peine de vendre à perte... et de mettre la clef sous la porte rapidement. Souvenez-vous, GAME avait essayé un temps de s'aligner, ils ont eu des problèmes...

Pire, ce dumping pratiqué par les grandes enseignes semble échauder les esprits de certains consommateurs, comme en atteste un de nos contacts dans la distribution.  

La différence avec les boutiques en ligne est désormais énorme. Il faut bien comprendre que les grandes surfaces se rattrapent sur d'autres biens de consommation où les marges sont plus importantes. Et puis certaines sociétés comme Amazon ne payent même pas tous leurs impôts en France. Les règles du jeu ne sont pas les mêmes pour tous, c'est de la concurrence déloyale. C'est une honte... et nos consommateurs ne comprennent plus. 

Résultat, pour la première fois de ma vie, cette année je me suis fait insulter. On nous a traité d'escroc, de voleur... juste parce que nous ne pouvions pas nous aligner sur les prix du net. Mais comment faire ? C'est impossible. Et puis vu nos faibles marges, je ne suis pas payé pour me faire insulter !

Pour chacun de nos intervenants, le même constat. Les petites boutiques indépendantes vivent probablement aujourd'hui leurs dernières années. 

Il n'y a qu'une seule chose qui nous sauve pour l'instant, c'est l'occasion. On a aucun intérêt à faire du neuf, sans l'occasion on serait mort. Ca n'aurait strictement aucun intérêt. Mais bon, on y va... Amazon va diriger les ventes à l'avenir et nous serons emportés... 

On comprend mieux pourquoi, il y a quelques mois, les rumeurs de fin de l'occasion avaient suscité un vif émoi chez les revendeurs. L'occasion reste aujourd'hui le seul rempart à l'existence de boutiques de passionnés. Pour combien de temps encore ?