INFO GAMEBLOG. Le monde du travail peut se révéler impitoyable... même lorsqu'il s'agit de jeu vidéo. Ainsi, après 6 années interrompues au service d'Ubisoft, Alain Rémy, plus connu sous le pseudonyme de "Gaston", a été licencié pour faute grave. Son tort ? Des caricatures exclusivement diffusées en interne chez Ubisoft Montpellier. L'auteur s'estimant injustement licencié a assigné l'éditeur aux Prud'hommes. 


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Scénariste et dialoguiste sur les jeux The Lapins Crétins : La Grosse Aventure ou encore Les Aventures de Tintin : Le Secret le la Licorne, depuis ses débuts, Gaston avait pris pour habitude de réaliser des caricatures de la vie d'Ubisoft Montpellier. Afin de mieux cerner les tenants et aboutissant de cette affaire, nous l'avons contacté. Rappel des faits...

Ca fait 6 ans que je fais ces dessins, c'est un peu les guignols de l'info. Parfois il y a eu des grincements de dents, c'était autant sur les employés que la direction, mais rien de grave. On ne m'a jamais formulé la moindre menace ou avertissement sérieux. Et puis ce n'est jamais sorti du cadre interne.

Autre élément prêtant à sourire aujourd'hui : en septembre 2011, quand on a sorti Tintin, il y a eu un recueil de mes dessins financé par la production du jeu. C'était le cadeau de fin de prod. Franchement, je ne devais pas tant déranger que cela...

Après avoir enchaîné 63 contrats à durée déterminée sous le statut d'intermittent du spectacle, l'arrivée d'une nouvelle DRH en mai 2012 semble avoir néanmoins tendu la situation et accéléré les choses pour Gaston. 

Ce qui a été très vicieux dans la forme - moi je suis intermittent - c'est qu'il suffisait de pas renouveler mon contrat et puis basta. Mais un jour on m'a fait signer un contrat pour que le soir même on me donne ma lettre de licenciement. C'est la DRH qui m'a flingué. Niveau boulot on n'a jamais rien eu à me reprocher. La nouvelle DRH est arrivée, on a alors discuté de mes caricatures, mais il n'y avait visiblement pas de souci.

Mon licenciement pour faute grave, à cause de quelques dessins d'humour mal perçus par des affreux de la nouvelle direction, est ainsi arrivé dans un contexte assez tendu, ou ladite nouvelle direction dirigeait le studio vers un iceberg de mauvaises décisions.

Michel Ancel prenait progressivement le large vers de nouveaux horizons dans le même temps, pour fuir ce Titanic. La direction devenait fébrile, et j'ai giclé dans ce contexte nécrosé.

Les motifs de licenciement pour faute grave sont clairs : les caricatures.

Oui, je me suis bien fait virer pour des dessins qui circulaient en interne chez Ubisoft. C'est le motif du licenciement. Faute grave. J'ai été récompensé pour l'ensemble de mon oeuvre. Je soulignerai cependant qu'avant la faute grave, il y a toute une gamme de sanctions. Je mettais le doigts sur des méthodes de grosses entreprises, rien de plus. 

Aujourd'hui, Gaston demande que justice soit faite et pointe du doigt non pas Ubisoft dans son ensemble, mais plus précisément la nouvelle DRH : 

Moi je veux justice. C'est pas une question de fric. Si j'ai fait une faute grave, ça fait 6 ans que je la fais. C'est les caricatures de Mahomet version Ubisoft. Depuis que j'ai été viré, le directeur d'Ubisoft Montpellier a été muté. On sent des tensions.

Je m'entendais bien avec la direction, c'est clairement la nouvelle DRH que je mets en cause, les autres n'ont juste pas pu la faire changer de trajectoire. Elle m'a dit des choses odieuses.

Tout le monde est perdant dans cette histoire, Ubi, moi... Moi dans le fond je ne veux pas attaquer Ubisoft. J'ai une histoire d'amour contrarié avec Ubi. La nouvelle belle-mère est arrivée et elle vire les gamins. Le mois d'avant il n'y avait pas de malaise.

La position d'Ubisoft

A noter que nous avons bien évidemment contacté Ubisoft qui n'a pas souhaité faire de commentaire autre que ceux de son avocate, Sophie Bara. Propos relayés par Le Midi Libre :  

La liberté d'expression, oui. L'humour, oui. Les insultes sexuelles, racistes et les attaques personnelles avilissantes, contre les collègues, non !

Il n'a pas été embauché pour caricaturer la direction. Au début, c'était bon enfant. C'était Tintin et le capitaine Haddock. On ne mettait pas en scène un directeur en train de se faire sodomiser, ou la directrice des relations humaines, les seins nus, qui se fait sucer les orteils par deux salariés !

Difficile de juger, les dessins ne pouvant pas être présentés publiquement pour le moment dans le cadre de la procédure judiciaire. La prochaine échéance sera le verdict, attendu pour le 26 juillet prochain. Alain Rémy y demande que sa faute grave soit purement et simplement rayée, et que l'ensemble de ses 6 ans d'intermittence soit requalifié en CDI. Alain Rémy aurait même un voeu qu'il sent lui même impossible : 

Dans un monde idéal je souhaiterai ma réintégration, mais ça me semble aujourd'hui impossible.

Vous pouvez retrouver les caricatures de Gaston sur son blog. Notez qu'il ne s'agit donc pas de celles ayant été diffusées exclusivement en interne chez Ubisoft. 


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