Connaissez-vous le test de Turing ? C'est une proposition de test d'intelligence artificielle basé sur la faculté d'une IA à imiter la conversation humaine. En engageant la conversation avec une IA d'une part, et un être humain d'autre part, le test est considéré comme réussi si le sujet ne sait pas dire lequel de ses deux interlocuteurs est un ordinateur.

Une compétition sponsorisée par 2K Games, le BotPrize, a vu une IA conçue par des scientifiques de l'université du Texas à Austin réussir à convaincre un panel de juges qu'elle était plus humaine que la moitié des humains contre lesquels elle était engagée... dans une partie de Unreal Tournament 2004 ! En effet, seuls 40% des juges ont réussi à percevoir les humains comme tels, alors que 52% d'entre eux ont estimé que le bot UT^2 était humain. Ce bot a partagé les honneurs de cette victoire avec MirrorBot, développé lui par l'informaticien roumain Mihai Polceanu, et qui a lui aussi atteint un "taux d'humanité" de 52%.

Ces résultats ont été annoncés lors de la Conférence IEEE sur l'Intelligence Informatique et les Jeux, 100 ans après la naissance du mathématicien Alan Turing, dont le test éponyme constitue une fondation de la définition d'une réelle intelligence artificielle. Risto Miikkulainen, professeur d'informatique au College of Natural Sciences et concepteur du bot UT^2 avec les étudiants en doctorat Jacob Schrum et Igor Karpov, explique :

Quand cette compétition de "Test de Turing pour bots de jeu" a commencé, le but était d'obtenir 50% d'humanité. Ca nous a pris 5 ans pour y parvenir, mais ce niveau a finalement été atteint la semaine dernière, et ce n'était pas un coup de chance.

Pour y parvenir, il a fallu introduire des comportements presque irrationnels dans ces bots, ce qu'explique Schrum :

Les gens ont tendance à poursuivre avec ténacité des adversaires spécifiques sans considération pour l'optimal. Quand les humains entretiennent une rancune, ils poursuivront un ennemi même si ce n'est pas dans leur intérêt. Nous pouvons reproduire ce comportement.

Là où ça devient sérieux, c'est quand on s'intéresse à la méthode utilisée pour développer ces IA. Il ne s'agit pas de scripting complexe, mais bel et bien d'adopter une approche en deux temps. Une partie des comportements est modelée directement sur l'observation de comportements humains, tandis que les comportements de bataille centraux sont développés au travers d'un processus appelé neuro-évolution, qui s'appuie sur des réseaux neuronaux d'intelligence artificielle au travers d'un défi de survie du plus fort modélisé sur le processus biologique de l'évolution. Les réseaux qui prospèrent dans un environnement donné sont conservés, ceux qui sont moins pourvus sont jetés. Les trous dans la population sont alors comblés par des copies des prospères et de leurs "descendance", qui est créée par la modification aléatoire (une mutation, donc) des survivants. La simulation est lancée pour autant de générations que nécessaire afin de faire émerger des réseaux qui ont évolué en intégrant le comportement désiré. Shrum explique :

Dans le cas de BotPrize, une grande partie du défi consiste à définir ce qui "fait humain", puis de poser les contraintes sur les réseaux neuronaux qu'ils évoluent vers ce comportement. Si nous posions pour but d'éliminer les ennemis, le bot évoluerait vers une visée parfaite, ce qui ne fait pas très humain. Alors nous imposons des contraintes sur la visée du bot, comme une baisse de la précision à la suite de mouvements rapides ou de longues distances. En évoluant pour une meilleure performance sous ces contraintes comportementales, la compétence du bot est optimisée au sein des limitations humaines, ce qui donne un comportement qui est bon, mais qui fait néanmoins humain.

Reste à voir si ces progrès apparemment décisifs seront utilisés à bon escient pour développer des jeux plus intéressants, et aussi de meilleurs programmes d'entraînement de l'armée de Terre Américaine, bien sûr.

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