Que faut-il pour être un champion à PES ? Selon Jon Murphy, le PES team leader britannique, rester concentré est la clef. Quoi qu'il se passe sur ou en dehors de l'écran, un joueur de haut niveau doit garder son "focus". Naoya Hatsumi, quant à lui, senior producer japonais sur la licence de foot Konami, mise sur le plaisir. Un joueur libéré, qui s'amuse, engrange de la confiance et trace ainsi son chemin vers la victoire. Deux conceptions différentes donc, de l'attitude à adopter par un champion, qu'incarnent parfaitement Ugi et Chems, les deux représentants français présents à la finale mondiale de la PES League qui s'est déroulée cette année dans la capitale espagnole.

Condition : aléatoire

La vue panoramique du trentième étage de l'hôtel Eurostars Madrid Tower a beau tutoyer les nuages, la pression, au maximum ce matin avant la grande journée de compétition, ne permet pas d'avoir l'esprit léger. Au petit-déjeuner, avec Isaac, son "coach mental", Ugo cogite et a du mal à cacher son stress. Car oui, certains joueurs évoluent en duo. Un seul joue, en l'occurence Ugo dit Ugi, champion de France sur PES 2012, mais Isaac, lui aussi un excellent joueur de "Pro", comme on dit en Espagne, conseille son pote, le coache avant, pendant et après les rencontres et sera son meilleur soutien au fil des matchs à disputer dans l'enceinte colossale de Bernabéu. L'évènement est de taille pour Ugo, jeune vainqueur surprise à Paris le 1er juillet et qui dispute ici son premier tournoi international. Le Normand semble déjà jouer les matchs dans sa tête et si ses talents sur la simu de Konami ne font aucun doute, ce trop plein de concentration pourrait vite virer à l'anxiété. C'est bien simple, entre deux bouchées de croissant, Ugo n'a que PES à la bouche et peine à se détendre...

Capital confiance

Ce qui n'est pas vraiment le cas de Chems, dit Chems l'Argentin, qui la veille au soir a su profiter avec son compère Oliver de toutes les promesses qu'avait à leur offrir Madrid la festive. Si les lunettes de soleil cachent plus les cernes qu'elles ne protègent du soleil espagnol déjà éclatant le matin, le manque de sommeil semble, plutôt que de peser sur les capacités de ce duo, les galvaniser. A l'aube, fraîchement rentrés du centre ville, les deux joueurs ont "sessionnés". Quitte à arracher un peu la télé encastrée dans le mur de la chambre d'hôtel pour brancher la console, Oliver voulait faire le point avec son champion, le mettre à l'aise avant la sérieuse journée qui l'attend, revoir certaines formations. Car son pseudo d'Argentin, Chems, vice-champion de France, arrivé en finale mondiale grâce au désistement du champion français de PES en ligne, le doit à une singularité : il joue avec l'Albiceste. S'il y a encore quelques années en tournoi, le Brésil était l'équipe plébiscitée, aujourd'hui que la finale mondiale autorise les clubs, les joueurs ne jurent que par le FC Barcelone. Une équipe du Barça, peut-être pour assurer, que Chems choisira pour son premier match de poules, avant de revenir à ses amours pour l'équipe nationale de Lionel Messi dès son deuxième match de qualifications...

Pour maman, dans les tribunes

Des loges présidentielles, les visiteurs quotidiens qui affluent dans le stade et se promènent autour de la pelouse de l'arène madrilène inaugurée en 1947, n'auront pas vu grand-chose. Ou alors plutôt que des sièges vides qui font rêver par les hôtes prestigieux qu'ils accueillent ou accueillaient, auront-ils vu des jeunes hommes manette en main, entourés par des cadreurs et des photographes, happés par des écrans, crier, invectiver, exulter, quand ils en avaient une, avec leur "bande". Drôle de spectacle, retransmis en direct sur le net et sur grand écran dans un coin de la prestigieuse loge aménagée pour l'occasion, un point de vue privilégié sur l'édifice sportif pour les journalistes et les mamans qui flânent entre deux matchs cruciaux. Comment ? Les mamans ? Eh bien oui, car certains joueurs comme l'Italien ETTORITO97 (champion du monde PES 2011) sont tout jeunes et la "mama" a donc fait aussi le déplacement, tout comme cette "okasan" niponne pour qui le trajet Japon - Espagne devait sembler trop long pour laisser son champion de fils y aller tout seul. Simple supposition bien entendu, mais à voir les soubresauts et les applaudissements sourds de cette maman, aucun doute que le champion japonais Momohey avait bien avec lui sa première et sa meilleure fan.

Lire entre les lignes

"Oliver et moi, c'est plus seulement PES, entre nous, c'est la vie !". Ces quelques mots de Chems prononcés la veille à l'aéroport Barajas prennent tout leur sens alors que l'Argentin est rentré dans le grand bain de Bernabéu, face à un joueur mexicain qu'il apprécie. Chems qui ne parle pas un mot d'anglais ou d'espagnol, mais connu dans le circuit, mise sur sa bonhomie pour créer des liens et ça marche : nombreux sont les joueurs mexicains, allemands, britanniques, à l'avoir salué immédiatement à son arrivée. Durant tout le match d'ouverture, Oliver légèrement fléchi sur ses jambes, restera au niveau du visage de son ami, pour lui sussurer encouragements, conseils, remises en question. De la formation étonnante qu'ils bâtiront ensemble (avec cinq attaquants, des lignes très hautes, ultra offensives), aux petites caresses dans le dos pour chaque but marqué (2-1 pour l'Argentin dans le premier match) et qui deviendront réconfortantes après une défaite lors du deuxième (4-3), c'est littéralement deux cerveaux pour une paire de mains qui turbineront pendant ces rencontres. De retour avec l'Argentine dès le deuxième match et pour le reste de la compétition, Chems toujours accompagné d'Oliver, sortira difficilement des poules, la situation s'étant peut-être compliquée plus que de raison, avec un duo de joueurs adverses tablant sur un score donné pour être certain de faire gicler le Français...

"Si cerveau veut, corps il exécute, si cerveau veut !" R. Lemerre

Si avec sa niaque l'Argentin réussira finalement à s'extirper du piège des qualif', du côté de Ugi, l'anxiété et le stress ont, comme on pouvait le prévoir, littéralement neutralisés les capacités du jeune homme, le rendant presque apathique après un 5-0 dévastateur, d'emblée, pour son premier match du tournoi. Secoué par Isaac, décidé à ne pas lâcher son joueur, le champion de France ne semble pas se rendre compte qu'il perd pied et n'exprime aucune rage, apparaît comme ailleurs, tétanisé et ne pouvant pas faire montre de son talent. Il s'inclinera alors 2-1 lors de son second match pour ensuite concéder un nul, un parcours qui ne lui permettra pas d'aller plus loin dans le tournoi. Une sacrée contre-performance et une vraie déception, car malgré deux défaites dont une sévère, avec une victoire dans son dernier match, Ugi aurait pu atteindre les huitièmes. Défait, le garçon fera alors bloc derrière son compatriote qualifié, Chems, opposé au redoutable Portugais, PutoZeca. Jouant de malchance, le Français, touchera la transversale deux fois, multipliera les frappes aux buts, pour au final s'incliner 2 buts à 1 face au réalisme implacable du Lusitanien. Défait de peu, L'Argentin aura tout donné.

Et à la fin...

Stoppés trop tôt et devenus de facto spectateurs, les Français, ainsi que tous les joueurs, journalistes, cadreurs et staff de l'équipe Konami présents à la finale mondiale de la PES League 2012 auront la chance d'assister à un match de clôture emballant. Il faut bien le dire, le haut niveau à Pro Evolution Soccer n'est pas la plus belle démonstration que l'on puisse faire du football virtuel, les joueurs ayant toujours en tête l'efficacité de leur action, plutôt que son esthétisme. Et pourtant, si Bernabéu, pur chaudron du ballon rond, n'aura accueilli dans toute son histoire que deux concerts, un de Frank Sinatra et un de Julio Iglesias (un ex gardien du Real chez les juniors !), c'est un vrai récital que nous auront proposé les deux finalistes, Strickel, l'Israëlien, et PaUU24, l'Espagnol. Et vous savez quoi ? Ben, logiquement, c'est encore l'Espagne qui gagne à la fin ! Un match dans lequel chaque coup a été rendu (score final 6 buts à 5 pour Pau le Catalan, qui jouait évidemment le Barça, tout comme son adversaire) mais où régnait un fair-play des plus remarquables, les deux joueurs n'hésitant pas à mettre en avant les qualités de leur adversaire, avant et après le match. Deux beaux finalistes qui auront en plus du prestige et d'un énorme trophée pour l'un, reçus chacun un maillot du Real Madrid, dédicacé par Cristiano Ronaldo. Dans un cas, la tunique aura ravi mais aussi séché les larmes du perdant et pour le vainqueur, Pau le Catalan, mieux vaut peut-être ne pas savoir ce qu'il adviendra du beau maillot blanc... Un peu embarassé par ce présent, le jeune Espagnol s'est tout de même déclaré ravi de faire triompher le Barça, au coeur de Santiago Bernabéu, le fief de l'éternel rival !

Rendez-vous l'année prochaine !