Difficile d'échapper au phénomène du Trône de Fer, surtout depuis que la série de HBO a dévoilé aux analphabètes l'univers médiéval fantastique très mature de l'oeuvre de Georges RR Martin. Bah oui, excusez-moi, mais si on a maté la version télé sans avoir terminé le livre, c'est qu'on doit être incapable de lire, je ne vois pas d'autres raisons. Attention, je n'ai rien contre la série qui est carrément réussie, mais soyons honnêtes : les « fans » de Game of Thrones saison 1, qui souvent ne savent même pas que la saga s'appelle réellement « A song of Ice and Fire », et qui ne feront pas l'effort d'ouvrir le bouquin, peuvent bien aller se pendre. Sinon, lisez Magicalypse, c'est très chouette et c'est court. Voilà, j'ai bien fait mon troll pédant (et ma pub), ça va mieux... de quoi parlais-je déjà ? Ah oui, Game of Thrones, le RPG de Cyanide.

À première vue...

Ma foi, voilà un dérivé qui pourrait se faire une belle place dans la collection : travaillé et retravaillé depuis 3 ans, adapté du livre puis réadapté pour mieux coller à la série après que Cyanide a signé avec HBO. Oui, c'est officiel ! Cyanide n'a pas refait entièrement son RPG pour imiter la vision de la version télé, mais on retrouvera les acteurs avec leur voix (ceux qui apparaissent dans le jeu en tout cas), ainsi que certains lieux ou objets importants, comme le fameux trône de fer. La musique aussi reprend le thème du show, ce dont on ne se plaindra pas ! Aucun changement de fond, cependant : Game of Throne est un RPG linéaire suivant l'histoire de deux personnages principaux et qui se déroule sur la période de temps équivalente au premier tome de la saga en VO. Les deux premiers livres du charcutage qu'on appelle édition française, donc. Le gameplay est assez old school, avec des combats en pause active (c'est-à-dire qu'on ralentit le temps pour donner des ordres), des stats dans tous les sens pour ses personnages, des dialogues poussés, une carte divisée en lieux à découvrir au fur et à mesure que l'histoire progresse, un inventaire à remplir de butin, etc. Une base solide et des idées originales à la Cyanide. Une réalisation à la Cyanide aussi... on va voir en détail ce que tout cela veut dire.

Et d'un

Vous êtes Mors, un vétéran de la Garde de Nuit (houla, faut que vérifie tous mes termes VF, moi...) enrôlé depuis 15 ans on ne sait pourquoi. Après tout, les gardiens du Mur de glace qui sépare le royaume de Westeros des terres sauvages ne sont en général que des criminels n'ayant eu guère de choix que cette vie de sentinelle ou la mort. Mais Mors était un noble, lié de près au seigneur Tywin Lannister. Allez donc savoir ce qu'il s'est passé (en achetant le jeu à sa sortie par exemple). Mors est aussi un changeur de peau, c'est-à-dire qu'il peut investir le corps d'autres êtres vivants, en général des animaux. Un pouvoir qui s'accroît avec le temps et qui lui permet de prendre la place de son chien, une bête ridicule, mais bien vicieuse. Vraiment à tout moment, hop, vous voilà en vue bouledogue (les experts me corrigeront sur la race du clébard), ce qui offre plusieurs avantages : repérer des odeurs utiles pour le pistage de personnages importants, ou bien espionner des conversations sans attirer l'attention. Game Of Thrones RPG proposant plusieurs phases d'infiltration, vous pensez bien que le toutou servira correctement son maître en jouant les scouts, voire les assassins à coups de mâchoires acérées.

Et de deux

Vous êtes aussi Alester, noble tout autant, mais ayant abandonné sa famille 15 ans auparavant, pour un destin dont on ne sait rien, de l'autre côté de la mer étroite. Il revient dans son fief natal, où règne une ambiance de rébellion, afin de régler ses comptes avec ses proches. Alester s'avère aussi être un prêtre de R'hllor, le dieu oriental de la lumière, qui consume ses ennemis dans les flammes et dans la joie et la bonne humeur. Enfin au début, pas trop, c'est de la poudre aux yeux. Mais comme Mors, Alester va développer de vrais pouvoirs. En plus de réchauffer l'ambiance lors des combats, il pourra utiliser la vision de R'hllor qui lui permet de repérer des objets cachés et des passages secrets.

Je suis une bande d'aventuriers, à moi tout seul

Deux destins que vous vivrez à tour de rôle dans une aventure découpée en chapitres, certains d'entre eux vous donnant le contrôle des deux à la fois. D'une manière générale Game Of Throne RPG est un jeu de groupe, où vous dirigez votre personnage important du moment, mais aussi d'autres alliés. Ceux-ci viendront vous prêter main forte selon le bon vouloir du scénario et laisseront leur place à de nouvelles têtes au fur et à mesure que l'histoire avancera. Vous pourrez leur donner du matériel, mais ils ne progresseront pas à vos côtés ni ne resteront à votre disposition jusqu'à la fin de l'aventure. D'ailleurs, ils vous rendront le matos avant de partir. Non, mais oh. Pour ceux qui survivront, il va de soi.

Pourquoi faire simple ?

Mors et Alester restent donc au coeur de l'aventure. Ce sont eux que vous ferez évoluer sur quinze niveaux d'expérience. Chacun d'entre eux peut être joué via trois classes différentes (Alester sera danseur d'eau, mercenaire ou ranger par exemple) et chaque classe ouvre un arbre de compétences dans lequel investir des points pour débloquer des attaques spéciales et autres talents. Au niveau 7 le joueur peut choisir d'élargir ses horizons en sélectionnant une deuxième classe. Ou bien il préférera se spécialiser dans sa profession actuelle. Dans les deux cas, le voilà avec un nouvel arbre de talents à remplir ! Sans oublier leur magie respective : changeur de peau et prêtre de R'hllor, qui impliquent aussi un arbre supplémentaire. Pfiouu, ça me paraît totaliser beaucoup d'options pour un RPG linéaire ! Enfin, si tout est exploité dans le jeu, pourquoi pas ? Les deux héros ont aussi des statistiques que vous ajusterez en début de partie et des traits à choisir à la manière d'un Fallout. Certains seront négatifs (allergique, distrait) et vous permettront d'obtenir des points pour en acheter des positifs (brute, ambidextre). À vous de voir. Des traits, vous en gagnerez aussi au cours de l'aventure, selon vos actes, vos choix, et vos malheurs...

Je te tiens, tu me tiens...

Pif, pouf, combat. Tout le monde sort sa hache, son épée, sa hallebarde, sa masse, j'en passe et des maillets. Tout le monde affiche sa barre de vie. Tout le monde checke son énergie pour lancer les capacités spéciales. Oui, les ennemis en possèdent aussi, et des balèzes paraît-il. Et c'est parti ! D'une touche vous ralentissez le temps et vous ouvrez le menu des compétences, ce qui vous permet de choisir qui vous attaquerez et comment. Vous pouvez donner jusqu'à trois ordres par allié. Vous aurez toute sorte d'effets à disposition (provocation, étourdissement, interruption, etc.). Le but est simple : tuer les adversaires. Vous, vous ne perdez que si tous les membres de votre équipe sont à terre. Tout cela semble carré comme il faut (la gestion d'énergie devrait être corsée), mais je ne peux m'empêcher d'être déçu. Non pas par l'aspect stratégique par rapport à de l'action, bien au contraire, mais par la réalisation qui propose encore des personnages se tapant dessus statiquement à tour de rôle. Moi j'espérais des combats chorégraphiés, avec beaucoup de parades, d'esquives ; peu de coups qui portent, si ce n'est pour affaiblir et finalement tuer... Pour l'univers de A song of Ice and Fire, j'attendais un système visuellement plus réaliste. J'attendrai encore. Enfin bon, ça devrait faire l'affaire pour cette fois. Au moins, ce n'est pas du bourrinage.

En attendant The Winds of Winter

Ce qui m'intéresse surtout c'est le scénario du jeu. Deux « descentes aux enfers » pour deux protagonistes dont les destins vont se croiser au milieu des événements que l'on connaît (et sinon, relisez le premier paragraphe). Quatre fins possibles dont on nous dit qu'elles ont fait « pleurer certains testeurs ». De la torture, de la violence, du sexe, des combats, du sang, de la sueur, mais « toujours justifiés » (et aucune histoire d'amour, nous jure-t-on). Une pléthore de quêtes secondaires « travaillées comme la principale ». Et comme thème : la descendance du roi et les bâtards (on n'en saura pas plus). Sans déconner, ce scénar maintes fois remanié, validé par Georges RR Martin, fignolé, ... Mais amenez-le-moi, là ! Allez ! S'il n'est pas à la hauteur des promesses, ça va saigner !

Vos doigts ou votre langue ?

Bien entendu, on ne traversera pas ce maelstrom d'aventures armes à la main. Les mots auront leur force et les dialogues s'annoncent très nombreux. Attention à ce que vous dites : il est vrai que certaines réponses n'auront qu'un statut de jeu de rôle (et vous pouvez choisir quel personnage répond pour autant que vous en contrôliez plusieurs), mais d'autres auront un impact. Non seulement quasi immédiatement sur la quête en cours, mais parfois sur des événements lointains. Comme vous aurez probablement à revenir sur certains lieux visités, qui évolueront eux aussi, la manière dont vous aurez traité telle ou telle personne vous placera dans de nombreuses situations différentes quand vous les recroiserez par la suite. Des indicateurs bien/mal ? Vous rigolez, Cyanide s'amuse même à déplacer les réponses pour ne pas qu'on cherche un lien récurrent entre leur positionnement dans l'interface et le résultat. On est ici plus proche de The Witcher que d'un Bioware, avec des choix sans indications et des conséquences quasi imprévisibles. Parfait.

Raide alerte

De quoi faire passer la pilule de la réalisation en tout cas. Le rendu de l'Unreal Engine 3 n'est pas moche, et les personnages sont assez réussis (on reconnaît bien les acteurs de la série le cas échéant !), mais on a vu mieux depuis un an. Et surtout, l'ensemble est assez rigide côté animation. Ça risque de vraiment plomber l'ambiance ! Un constat tout aussi vrai pour les combats, comme je le disais plus haut, que pour tout ce qui est contextuel. On a quand même droit à des exécutions un peu travaillées, c'est rassurant. On verra ce que ça donne sur la longueur... Espérons aussi que le jeu se montrera suffisamment peaufiné pour sa sortie sur PC, Xbox 360 et PS3 à la fin du premier trimestre 2012 (avec l'arrivée de la saison 2 chez HBO). Je ne voudrais pas mettre la pression à Cyanide, mais... *affûte sa dague*

On en sait maintenant beaucoup plus sur Game of Thrones RPG, et l'ensemble est très prometteur. On n'échappe pas non plus à un petit côté « pas triple-AAA » dans la production générale. Mais une chose est sûre : quoi qu'offre cette aventure estampillée Georges RR Martin, ce sera livré par une belle bande de fanatiques. On devrait donc pouvoir s'entendre, non ?