"Dessin animé interactif". Le terme est lâché et depuis un certain Shenmue, on y associe toujours un acronyme : le QTE, pour Quick Time Event. Dragon's Lair et d'autres furent précurseurs de ce gameplay qui consiste à appuyer rapidement sur un bouton pour déclencher une action, mais c'est bien le chef d'œuvre de Yu Suzuki qui donne son nom à ce... jeu de réflexes, en quelque sorte. Depuis, le QTE s'est étendu à bon nombre de titres, de God of War à Resident Evil 4, en passant évidemment par des jeux, qui dans une grande volonté narrative, l'utilisent comme pilier de leur gameplay, à l'instar de Fahrenheit et Heavy Rain. On peut sans trop se mouiller dire que la présence répétée du QTE dans le jeu vidéo d'aujourd'hui et de ces dernières années à quelque peu échaudé une bonne partie des joueurs, ce système reléguant, pour certains, le joueur au simple rang de spectateur.

Dieux cruels

Fukuoka, il y a quelques jours. Nous voici enfin face à Asura's Wrath pour deux bons après-midis, histoire de voir de quoi il en retourne vraiment. Déjà, dressons les grandes lignes de l'histoire, sans trop vous en dévoiler non plus, même si les vidéos publiées récemment en on déjà montré pas mal. On incarne Asura, un des Huit Généraux Célestes, ces demi-dieux qui mènent une guerre sans répit aux Gohmas, créatures impures prenant l'apparence d'animaux monstrueux (gorilles, éléphants, rhinocéros...) et à la taille parfois incommensurable (tortue géante, tortue cobra géante, tortue ninja géante...). Très tôt dans l'intrigue, Asura, du mantra de la Colère, va se retrouver pris au piège d'un complot fomenté par ses sept acolytes, qui se feront désormais appeler les Sept Divinités. Déchu, laissé pour mort, même si dans la mythologie indienne et donc dans Asura's Wrath, la mort est un concept variable, ce renégat enragé n'a désormais plus qu'un but, mû par la colère : se venger.

Rāmāyana Z

Tout comme lors de notre premier contact avec Asura's Wrath en Floride, l'ambiance techno-mythologique indienne du titre marche à fond. Surtout que l'on découvre de nouveaux personnages au design soigné, une mise en scène et un univers qui ne peut laisser insensible les fans d'animation japonaise et de manga. De Berserk à Ken le Survivant, en passant évidemment par Dragon Ball Z et même Princesse Mononoke pour l'apparence des ennemis animaux, les Gohmas, tout ici fait vibrer la corde de l'otaku moyen. On découvre également les sublimes musiques de Chikayo Fukuda (Solatorobo, .hack...), à l'instar d'un thème principal émouvant, mélancolique, ce qui n'étonne finalement pas vraiment quand on passe un peu de temps sur Asura's Wrath. Si l'action est bien entendu le moteur du jeu, l'émotion a aussi toute sa place dans ce récit interactif découpé en chapitres. Dans nos deux sessions de jeu, nous avons parcouru les chapitres 1 à 6 et les chapitres 7 à 13. Le récit "teaser" de l'épisode à venir vous étant toujours conté au début de celui-ci : pratique si on ne sait plus trop où en est l'histoire, relou s'il on veut éviter de se gâcher le plaisir de la découverte... mais il est toujours possible de le zapper si on le souhaite. Pour la partie technique, Asura's tourne sous Unreal Engine. Sans être époustouflant graphiquement, le jeu est beau et possède une véritable personnalité, dans son design, sa mise en scène, sa musique et... son gameplay.

Tu vas la cracher ta Valda ?!

OK, on y arrive au gameplay. Vous m'excuserez, contrairement à Asura en mode vénère, je ne peux pas me faire pousser des bras, bien utiles pourtant pour rendre plus de papiers à temps (quel dommage, ndRaHaN). Bref, que voulez-vous que je vous dise ? Que le jeu est très différent de la démo que vous avez essayée ? Hé bien non. Les deux personnages que vous avez affrontés sont des boss. Et le gameplay d'Asura's Wrath tient en trois genres : beat'em all, face à des groupes d'ennemis, gohmas ou célestes, du rail shooter, face aux mêmes genres d'ennemis mais plus souvent planqués dans des vaisseaux, et enfin des phases de QTE, ponctuées d'un ou des deux genres cités précédemment. Voilà donc ce qu'est Asura's Wrath et qui le rend bien différent d'un Bayonetta ou d'un God of War. Ici, couper les cinématiques n'a pas de sens. Formellement, on frappe et on combotte avec rond (ma version du jeu tournait sur PS3, je vous laisse faire les conversions 360), le triangle est dédié à l'attaque puissante, on cible avec L1, on envoie des sortes de météores d'Asura avec carré. Tout ça au final pour remplir la barre de rage du renégat, appuyer sur R2 et ainsi déclencher une attaque de ouf, une cinématique, un QTE et ainsi faire avancer l'histoire. Les gros ennemis n'ont pour ainsi dire pas de barre de vie et c'est bien les attaques consécutives à votre barre de fureur remplie plusieurs fois qui feront qu'au bout d'un moment, vous viendrez à bout de votre adversaire, dans une mise en scène spectaculaire.

Il est où le problème ?

Selon les dires des développeurs travaillant sur le jeu depuis trois ans, au début du développement le studio tâtonnait, considérant que le projet qu'ils étaient en train de réaliser n'était finalement qu'un énième jeu d'action. D'où ce choix radical de livrer un jeu qui se rapproche plus du récit interactif que du beat'em all pur et dur. Et c'est là que s'opère un choix : soit on est d'emblée dégoûté à l'idée de mater un anime dans lequel on interagit certes beaucoup, mais moins qu'ailleurs, soit on se laisse embarquer dans l'univers d'Asura et on adhère à l'expérience de ce titre hybride. Pour ma part, je me suis plutôt laissé tenter par la deuxième option, même si j'y apporterai trois gros bémols. Primo, les combos sont assez pauvres et si les pouvoirs d'Asura évoluent bien au fil de l'histoire, il faut quand même arriver vers le dénouement avant de voir de réelles nouveautés. Deuzio, rater ou non un QTE n'a AUCUNE conséquence sur l'histoire, ce qui est bien dommage quand on met la narration au cœur de l'expérience et qu'en plus l'histoire contée dans Asura's Wrath pourrait être facilement sujette à de nombreux rebondissements bienvenus. Enfin, tertio, c'est donc les chapitres 1 à 13 que nous avons pu parcourir, en deux après-midis, soit s'il on en croit le menu du jeu, 63 % du titre... Ce qui même si on ne demande pas un récit de 50 heures, semble un peu court. Il sera temps, à l'heure du test, de juger si ces trois réserves s'avèrent réellement rédhibitoires.

Finissons ces impressions en évoquant le chapitre du jeu que nous avons effectué avec Yasha, une des Sept Divinités mais aussi le beau frère de Asura. Plus vif, plus élégant, se déplaçant comme un ninja et filant des coups de pied sautés façon Maxime Chao Kenshiro, Yasha bénéficie aussi de musiques aux airs de western. Si fondamentalement, jouer avec ce personnage ne change pas vraiment la donne, il propose tout de même une respiration agréable et s'inscrit agréablement dans l'intrigue principale.

Détestée par certains, appréciée par d'autres, la démo d'Asura's Wrath semble bien donner un avant-goût de la manière dont devrait être reçu ce titre atypique le 24 février prochain sur Xbox 360 et PS3. En effet, le titre CyberConnect2 auquel nous avons longuement joué au Japon possède une personnalité bien tranchée, qui si elle ravira certainement les fans d'anime et de manga élevés à Dragon Ball Z et Hokuto no Ken, devrait aussi rebuter les anti-QTE et ceux qui encensaient Bayonetta pour sa myriade de combos et son gameplay pointu. Oui, Asura's Wrath fait bien souvent du joueur un spectateur, mais qu'importe si le jeu (oups) en vaut la chandelle ? Asura's Wrath se veut différent des jeux d'action les plus récents, reste à savoir si son caractère unique le perdra ou au contraire, en fera une expérience vraiment intéressante.