N'ayant pas mis la main sur la version import japonaise sortie en avril dernier, j'étais très heureux de pouvoir enfin tâter - en japonais sous-titré français qui plus est - ce fameux jeu développé par Ignition Tokyo, une nouvelle équipe dirigée par Sawaki Takeyasu (artiste qui a entre autres bossé sur le merveilleux Okami). Il faut dire qu'un rapide coup d'oeil sur les images ingame d'El Shaddai (vous découvrez ici pléthore de nouveaux clichés) intrigue immédiatement... Je ne sais pas si les développeurs ont réellement eu carte blanche, mais voir le jeu en mouvement quelques instants suffit à se prendre une petite claque, tant il est artistiquement différent, unique et audacieux.

Si Dieu le veut...

Reprenons tout de même le pitch, pour ceux qui n'auraient pas tout suivi : El Shaddai adapte donc (super librement) le Livre d'Enoch, un recueil apocryphe de l'Ancien Testament dans lequel Dieu envoie Enoch sur Terre pour récupérer l'âme des Anges Déchus, qui ont foutu la merde en s'unissant aux femmes humaines, découvrant les plaisirs de la chair et donnant naissance à des abominations impures... Le Seigneur tout puissant, les Archanges, Gabriel ou Lucifer servent ainsi de personnages principaux à cette aventure biblique, agrémentée de musiques et d'un thème principal (très réussi) qui vous donnera l'impression d'être à l'église. Le truc, c'est qu'on ne nous met pas pour autant dans une ambiance stricte et respectueuse du récit original, puisqu'on est dans un univers complètement barré et bourré d'anachronismes... Lucifer parle à Dieu avec son téléphone portable, lui et Enoch portent des jeans trop classes (produits dérivés officiels que vous pouvez acheter en vrai si ça vous tente !), les Anges déchus balancent des boules de feu, dansent le moonwalk devant une foule en délire ou se créent des univers façon Tron... Yep, ça part un peu dans tous les sens. Malgré tout, ça reste un régal permanent pour les yeux. Le jeu a vraiment un rendu unique, avec des textures vidéo intrigantes, des zones de vide total, des décors tracés d'un simple trait ou bourrés d'éléments colorés... Il y a aussi ces espèces de calques par dessus l'image... C'est étrange et vraiment envoûtant. En tout cas pour moi, car une fois de plus, certains risquent de ne pas adhérer du tout !

Un paradis réservé aux esthètes ?

Mais la question que vous vous posez tous est certainement "y a-t-il seulement un jeu derrière tout ça ?"... Eh bien oui, bien sûr, faut pas déconner ! Concrètement, la formule alterne entre phases de beat'em all 3D et phases de plateforme (dont certaines se déroulent sur un vrai plan 2D). Le système de combat, sans casser des briques par rapport aux modèles du genre, se distingue par sa fluidité, sa pêche et de petites subtilités, qu'on doit principalement aux 3 armes différentes entre lesquelles il faut jongler pour mieux se débarrasser des ennemis. Elles sont en effet toutes les trois plus fortes et plus faibles qu'une autre arme (le bon vieux concept du pierre-feuille-ciseaux) et offrent chacune des combos différents et même des capacités liées à l'exploration (planer, détruire des murs ou dasher). Les phases de plateforme, elles, sont un peu moins nombreuses et aussi un peu moins intéressantes, mais elles permettent de mieux rythmer le jeu, qui souffre tout de même, avouons-le, d'une certaine répétitivité de gameplay... Les niveaux sont en effet très linéaires, façon couloir/arène, avec des affrontements parfois longuets aussi. Bref, côté gameplay, c'est agréable mais plutôt "basique", il faut bien l'avouer. Reste que j'ai été porté par l'ambiance, l'univers et l'histoire durant ces premiers chapitres, qui m'ont finalement vraiment conquis... d'autant que l'intérêt de l'ensemble semble progressivement décoller après quelques heures à rester béat devant cette expérience hallucinante. Du côté de la traduction et de son intégration, on a relevé des petits problèmes de synchronisation des sous-titres sur les voix, mais les textes sont de qualité et la narration occidentale fait son office. A noter qu'il est possible de choisir entre VO (japonais) et version anglaise, le français n'étant disponible qu'en sous-titres.

Mes premiers pas dans El Shaddai m'ont permis de découvrir un univers intriguant, les yeux grands ouverts devant un véritable festival visuel. Les niveaux s'enchaînent et l'on est toujours surpris de découvrir tant d'audace et de beauté graphique. Cette adaptation on ne peut plus libre d'un texte religieux antique a de quoi surprendre elle aussi, et l'atmosphère globale qui se dégage de cette aventure mystique permet de contrebalancer un certain classicisme dans le gameplay. A suivre avec le test, en septembre... En tout cas je n'ai qu'une envie, là, tout de suite : poursuivre et aller au bout de cet envoûtant voyage !