"Je serais heureux si les jeux pouvaient parler d'homosexualité, mais nous n'en sommes même pas au point d'admettre que les humains ont des relations hétérosexuelles, et c'est un vrai problème - ça tend à montrer que les jeux ne sont pas perçus, même par nos propres commissions d'évaluation, comme une forme d'art".

Apparemment, le développement de Lair a été contrarié plusieurs fois par l'ESRB, et Eggebrecht a donné plusieurs exemples pour le montrer. L'un d'eux était une vidéo satyrique d'une véritable machine à café, référence évidemment au fameux épisode "Hot coffee" de GTA San Andreas, accessible via un cheatcode dans Lair :

"Tout le monde a trouvé ça hilarant... mais on n'a pas pu l'appeler "Hot Coffee", parce que c'était sous-entendre que nous nous foutions des autorités qui enquêtaient sur Hot Coffee. Si on ne peut pas avoir des satires de ce genre de choses, on approche du McCarthysme".

Cette thématique résonne évidemment d'autant plus qu'elle suit les récentes polémiques entourant Manhunt 2, Resident Evil 5 et d'autres incidents plus mineurs, mais aussi parce que, rappelons-le, c'est en Allemagne que ça se passe. Le pays d'Europe le plus censeur à l'égard des jeux vidéos, et ce depuis des années.

"Je veux voir un jeu avec du vrai contenu sexuel dans une boutique ici en Allemagne - Je ne crois pas que ça arrivera sans qu'on reconnaisse les jeux comme une forme d'art". Puis, prenant à titre de comparaison Eyes Wide Shut de Kubrick qui "traite des difficultés relationnelles liées au mariage" : "On n'a pas ça dans les jeux - il est temps de se réveiller et de le faire".

Lair, pour sa part, a du être remanié pour obtenir un rating T (Adolescents) comme l'entendait Sony. La dépiction de jets de sangs et de montures aériennes éclatant en morceaux n'était pas du goût de l'ESRB, et un processus fastidieux de soumissions répétées et de remaniements a visiblement fait souffrir le studio.

"D'un côté ils s'opposent à ça, et de l'autre ils nous laissent avec une évaluation Teen même si on peut utiliser du feu - vous pouvez enflammer jusqu'à cinq, six mille personnes. Ils brûlent, courent partout en hurlant, mais biensûr ça n'a pas été un problème [puisqu'il n'y avait pas de sang]".

Julian est énervé, ça ne fait aucun doute. Qualifiant le processus des soumissions de véritable "parodie", il souhaiterait voir ajouté un niveau entre Teen et Mature, arguant que Lair ne rentre dans aucune des deux catégories, car s'il attire instantanément les adolescents, sa violence fictionnelle peut être perçue d'autres manières.

"C'est un système dépassé, bizarre... C'est d'autant plus difficile pour les jeux que pour les films parce que nous ne disposons pas des ratings intermédiaires. Ils ne vous disent pas vraiment ce envers quoi ils feront objection - ils se contentent de : "hé bien, suivez les standards qui ont été établis auparavant", ce qui est un problème si on souhaite faire reculer les limites".

Appelant donc ses frères développeurs à pousser ces limites, il concluait ainsi : "J'espère en fait que nous sommes capables de prouver que c'est une forme d'art. Montrez moi quelque chose qui prouve à tous les niveaux que les jeux sont bel et bien une forme d'art - poussez la violence, mais poussez aussi le sexe, et poussez les d'une manière artistique, que ce ne soit pas gratuit, que ça stimule la pensée de mon cerveau".

Facile à dire, sans doute. Il va falloir réfléchir à ce qu'il faut rajouter dans ces jeux, alors... Factor 5 aurait-il déjà commencé ?

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