Critique publiée originellement sur mon blog en août 2012.

Jeu parcouru en mode élite (normal) jusqu'à la dernière partie de l'acte 4 non incluse.

Pour cette critique de Gears of War, j'ai choisi le plan suivant : je vais partir du plus général pour aller vers le plus spécifique. D'une vue "de loin" du jeu, je m'intéresserai petit à petit à des aspects plus précis.

Commençons par le commencement : que raconte Gears of War ? Ce n'est pas facile à définir et appelle déjà des développements. Marcus Fenix est en prison. On ouvre la porte de sa cellule et plusieurs hommes qui apparaissent comme d'anciens camarades l'invitent à sortir. Ils semblent être des soldats et on se rend vite compte qu'ils sont venus chercher Marcus pour qu'il combatte avec eux des monstres, les Locustes. A partir de ce moment Marcus accompagné de trois compagnons va mener à bien cinq missions de guerre, pour le compte de l'armée sans doute, pour autant d'actes découpant la campagne du jeu.

L'univers

Où et quand se passe l'action ? Je serais tenté de dire sur Terre mais je n'en suis pas sûr, je serais tenté de dire dans le futur mais je ne suis pas sûr. Quelle que soit la date et le lieu, Marcus et ses camarades sont sur une planète, apriori la leur, envahie par des créatures appelés les Locustes. Les Locustes sont un peu comme des humains monstrueux, je crois qu'ils parlent (je crois) et ils manient les armes à feu et les coups de crosse aussi bien que nos soldats.

Je n'ai pas plus d'information sur l'univers. Que veulent les Locustes ? Où est-on ? Comment a démarré cette guerre ? Sommes-nous vraiment les agressés dans cette histoire ? Je ne sais pas.

Visuellement c'est délicat. Si c'est la Terre dans le futur, elle a bien changé car il n'y a plus beaucoup de couleurs (un coup à l'échelle mondiale du gang des voleurs de couleurs ?). Ce n'est pas que le jeu n'est pas coloré, c'est qu'il y a toujours une seule teinte dominante. A chaque acte une couleur j'ai eu l'impression. Par exemple l'acte 3 est plongé dans l'obscurité, c'est la nuit et tout est noir. L'acte 2 il me semble, se passe au crépuscule et tout est rouge. Ça ne m'a pas aidé à me représenter l'univers puisque le jeu en donne toujours une vision "stylisée" : un peu comme quand une photo de paysage ou de ville est extrêmement retouchée, c'est difficile d'imaginer ce qu'elle donne "en vrai". Pour Gears of War c'est un peu le même problème. Non seulement on a très peu d'information sur son univers mais à cela s'ajoute une représentation esthétisante qui n'aide pas à se faire une idée claire de ses courants architecturaux par exemple. Le flou en arrière-plan entre bien sûr dans l'équation, puisqu'il ne permet de distinguer précisément les contours des décors seulement à proximité du personnage.

En a résulté pour moi un univers qui est resté tout au long des quatre actes que j'ai parcouru mystérieux, et que j'ai traversé comme un fantôme n'arrivant jamais à me sentir "présent" à quelconque endroit par manque d'une vraie définition.

Le récit

Comme dit plus haut le jeu est découpé en cinq actes représentant globalement une mission. Je suis cependant incapable de dire le but et même la nature de chacune de ces missions. C'est l'une des choses que je regrette dans ce jeu : j'ai beaucoup combattu mais je ne savais pas pourquoi. Je n'avais aucune idée des tenants et aboutissants de mes objectifs directs. Les scènes d'action j'en parlerai ensuite, mais tout ce qui les entoure s'est montré nébuleux, pas précis, pas bien défini. C'est un peu comme si on donnait les flingues au joueur en sautant tout ce qui expliquerait le but de ses actions. Gears of War nous fait vivre les combats d'une histoire que l'on ne comprend pas. De la lutte que livre Marcus et ses hommes dépeinte par ce premier épisode, le jeu ne nous fait vivre que la partie purement "action", c'est-à-dire seulement les moments où les soldats combattent les créatures. Tout ce qui pourrait permettre de nous impliquer au-delà du meurtre de la prochaine créature semble avoir été omis, zappé ou passé sous ellipse par les développeurs. L'accent est mis sans conteste sur les combats et il faut tirer sans chercher à comprendre.

Les mouvements de base

Ici, l'impression de diriger une boîte de conserve high-tech plus qu'un être de chair et de sang domine. D'abord parce qu'il en a l'allure : Marcus, recouvert de son armure de métal intégrale, est un parallélépipède rectangle debout, et seul sa tête laisse entrevoir de l'humanité dans ce tas de ferraille (sans vouloir être offensant). Ensuite par la nature de ses mouvements et sa façon de se mouvoir. Marcus se déplace en pas de côté sur le stick gauche et en rotations sur le stick droit, répond au doigt et à l'oeil, et est suivi par une caméra absolument imperturbable, à la position et à l'orientation solides et bien établies. Ce contrôle est précis, réactif, très sage. Et je crois trop sage : tout ce qui aurait pu trahir le caractère organique du corps que l'on est censé déplacer a été ici gommé à l'avantage d'un contrôle fiable et simple. On pourrait croire que ça sert le gameplay mais en fait ça l'aseptise. Ça le rend accessible aussi sans doute, et c'est peut-être pour ça qu'en comparaison la maniabilité de Quantum Theory s'est souvent fait lyncher, mais j'ai tellement plus l'impression d'incarner un être de chair et de sang dans ce dernier, et devoir faire avec les limites caractéristiques d'un corps organique (inertie par exemple)... Que je ne peux que regretter l'orientation prise par Epic pour le contrôle de Marcus Fenix, même si je lui reconnais son caractère parfaitement fonctionnel (que je n'ai pas trouvé dans Amy par exemple).

Un autre mouvement va dans ce sens : la mise à couvert. Dans GOW, il suffit de se diriger vers un muret et d'appuyer sur A pour que le personnage soit tout d'un coup aimanté vers la surface et translate immobile, debout jusqu'à se coller lourdement à elle dans un bruit de métal et une vibration de la manette. Ce qui me fait réagir c'est la distance à laquelle on peut effectuer cette action et la manière dont le personnage l'exécute. A deux mètres d'un muret, on appuiera sur A en pointant le stick gauche vers le muret et hop ! Le personnage échappe à notre contrôle, se met en position de translation-glissade et exécute une translation parfaite vers le mur, jusqu'à s'y coller lourdement - se le prendre en pleine face. J'ai l'impression que le personnage est aimanté, alors qu'il ne l'est pas. J'ai l'impression que le personnage glisse sur le sol, comme si c'était de la glace et qu'il avait des patins, alors qu'il doit il doit y avoir du frottement. J'ai l'impression que le mouvement se déclenche instantanément alors que Marcus devrait bien avoir besoin de prendre de l'élan ! On est dans la même problématique que pour les déplacements : l'accessibilité a été préférée au réalisme, à l'immersion, à la crédibilité, et ce autant dans la manette qu'à l'écran. Je regrette cela.

Les combats

Mais Gears of War c'est avant tout des affrontements, alors parlons-en. Comme dit plus haut, je ne savais pas pourquoi je combattais, mais je combattais, ça c'est sûr. Le jeu pourrait avoir à offrir des affrontements passionnants, une progression dramatique dans les niveaux (on peut construire une histoire avec du level design : ne serait-ce qu'aller chercher quelqu'un à un point du niveau, devoir l'escorter à un autre, le protéger pendant qu'il fait tel truc, qu'il se fasse tuer malgré tout et ensuite devoir s'échapper face au monstre invincible qui vient de le tuer). Donc je distingue deux points précis : les affrontements en eux-même, c'est-à-dire comment se passe une fusillade contre un ennemi, et l'histoire que le level design peut nous raconter, en nous faisant vivre une succession de combats dans des conditions différentes qui se tient en terme de narration.

J'ai trouvé les fusillades ennuyeuses et difficiles. J'ai joué en mode élite, qui est le 2ème mode de difficulté sur trois. Or je mourrais très vite : sous le feu ennemi je ne faisais vraiment pas long feu. Je devais donc régulièrement me mettre à couvert. Les ennemis ne meurent pas vite, c'est même tout le contraire. Et si je vous dis qu'une fois trouvé une bonne couverture on n'a plus besoin de bouger, vous voyez où je veux en venir ? Et oui : j'ai trouvé les combats de ce jeu d'un inintérêt patent. Il s'agissait contre la grande majorité des ennemis de se trouver un muret le plus loin possible d'eux, de sortir sa tête pour les canarder, se remettre à couvert pour guérir et refaire ceci de très nombreuses fois car les ennemis sont plusieurs et qu'ils sont très résistants. Ce n'est pas stratégique, ça se joue à la patience, en sachant que si à un moment on la perd, on se fait tuer et on recommence potentiellement plusieurs arènes en arrière, parce que les points de passages sont pas mal espacés.

Au crédit du jeu, je cite les petits ennemis qui courent vers nous et explosent en mourant ou en se jetant sur nous : ces ennemis ne se gèrent pas de la même façon car contrairement aux autres ils nous débordent facilement et une bonne stratégie contre eux sera la mobilité et le fusil à pompe en tir au jugé. Et là problème : par rapport à Quantum Theory, ce type de jeu est moins bien géré ; on peut galérer à toucher les monstres au jugé car le fusil à pompe n'a pas un cône de dispersion si vaste et notre personnage est bien lourdaud par rapport à des ennemis aussi vifs. Quantum Theory a eu l'intelligence après Gears de mettre la roulade sur une autre touche que le sprint ; ça parait trivial mais ça change beaucoup de choses, car la roulade devient tout de suite une action plus simple à mettre en oeuvre et accessible dans n'importe quelle circonstance. A noter que l'amplitude de la roulade était aussi bien plus grande dans QT. Je ne comprendrai jamais pourquoi ce jeu s'est fait autant charcuter par la presse. Je pourrais facilement basculer vers un pamphlet pro-QT tellement son univers, son scénario, le récit de ses scènes d'action et ses scènes d'action elles-mêmes sont supérieures en tout point à celles de Gears of War. C'est bien sûr sujet à débat et j'y suis tout à fait disposé.

Je ferme la parenthèse. Je disais que les fusillades de Gears n'étaient pas intéressantes, mais ce qui l'est encore moins c'est leur répétitivité. J'évoquais l'histoire que pouvait nous raconter le level design : point de tout ça dans Gears, juste une succession de fusillades plus endormantes les unes que les autres qui m'ont pour beaucoup semblé identiques. En y jouant je pensais à sous-titrer ma critique : la guerre de l'ennui, parce que jouer à Gears of War a été pour moi ce genre d'épreuve. Je ne vais pas passer sous silence néanmoins les boss que j'ai ressenti souvent comme une bouffé d'air frais : leur approche a beau ne pas être réaliste - on doit mourir pour comprendre que faire, c'est de l'apprentissage par l'erreur - ils réclament une stratégie bien particulière et se sont révélés assez intéressants à battre. Je dis que ce n'est pas réaliste parce que si un jeu a pour objectif de te mettre dans la peau d'un être humain, étant donné qu'un être humain n'a qu'une vie le joueur doit avoir la possibilité de trouver la solution en une vie. Or, il est coton dans Gears of War de comprendre du premier coup la marche à suivre pour battre un boss. J'ai pas de problème avec la difficulté, le fait qu'un jeu me résiste : s'il s'agit juste de moi qui ne suis pas assez bon mais que j'ai toutes les cartes en main, pas de problème. Ça ne brise pas mon immersion, ma croyance dans l'humanité du personnage. Mais à partir du moment où on me demande presque expressément de mourir pour comprendre ce que je dois faire, là oui, il y a quelque chose qui se perd. Reste que ces boss n'étaient pas inintéressants, ils ont au moins représenté un challenge plus stimulant que le combat que le jeu répète jusqu'au bout de l'ennui contre le méchant de base.

Les dialogues

Un océan de vannes de machos et quelques grammes de finesse qui surnagent. Par moment il est arrivé à Marcus Fenix de montrer une sensibilité inattendue : je me rappelle qu'il dit à un de ses camarades de ne pas embêter un autre avec ça, parce qu'il sait qu'il touchait un point sensible. Par moment Marcus fait preuve d'une certaine tendresse envers ses hommes et j'ai trouvé ça très intéressant. J'avais enfin l'impression d'avoir affaire à des hommes et pas à des caricatures. Malheureusement ces répliques étaient rares, mais l'orientation de certaines répliques m'a plu. Ça produisait un contraste fort entre l'aspect de ces hommes au visage buriné, au corps dur recouvert de métal, et la sensibilité qu'ils montraient de manière sporadique. La faille dans la carapace en quelques sortes. Je regrette - encore une fois - que le jeu n'aille pas plus dans ce sens-là.

Ce qui m'a déplu

Au rayon de ce qui m'a un peu horripilé, il y a la quête des plaques CGU, et le texte à leur propos pendant les temps de chargement : collectionnez des plaques CGU pour gagner des succès. Où elle est l'intention narrative là-dedans, si vous m'incitez à jouer pour gagner des succès ou remplir des défis n'ayant rien à voir avec l'histoire ? Comment voulez-vous, Mesdames et Messieurs les développeurs, que je me sente dans l'histoire de Marcus Fenix alors que je fouille les recoins des niveaux à la recherche de plaques qui n'ont rien à voir avec l'histoire ? Vous pouvez dire que c'est ma faute, que je pourrais ignorer les défis ; mais non, j'y suis sensible, et si vous me proposez un challenge je vais vouloir le relever. Si vous souhaitez raconter une histoire à des gens comme moi, il va falloir commencer à prendre en considération ce genre de pratique. Je reconnais que ramasser des plaques de soldats tombés au combat c'est pas incohérent avec la personnalité de Marcus Fenix : ce qui l'est, c'est que ça devienne sa priorité alors que sa priorité devrait être la mission présentée par le scénario. Et quand je me vois refusant d'avancer jusqu'au prochain objectif avant d'avoir inspecté bien chaque recoin pour être sûr de ne louper aucune plaque, je me demande quel lien ça a avec l'histoire que vous cherchez à me raconter. D'autant plus quand vous m'y encouragez avec un succès à la clef et le nombre total de plaques dans le jeu qui s'affiche à chaque fois que je mets le jeu en pause (que n'est pas censé connaître Marcus).

J'ai l'impression en écrivant néanmoins qu'il y a pire exemple que Gears of War concernant cette pratique, étant donné que la première fois que l'on en ramasse une, Marcus fait un commentaire comme quoi il faut honorer les compagnons disparus, ou quelque chose dans ce goût-là. Donc c'est peut-être pas le pire jeu dans cette optique, mais j'avais envie d'en parler tout de même.

Mots de la fin

Techniquement sur PC le jeu tourne très bien, à deux exceptions près : j'ai dû forcer la synchronisation verticale dans les paramètres de ma carte graphique Nvidia pour ne plus avoir de tearing, et le mode Direct X 10 ne lançait pas le jeu au premier plan.

Appréciation : pour la narration, je retiens les quelques tirades sensibles dans un océan de caricature militaire.