Le constat peut paraître simple, mais il permet de mieux comprendre l'évolution des dernières années. Plus que jamais le marché japonais du jeu vidéo s'adresse... aux japonais. L'époque où le joueur occidental moyen connaissait la plupart des titres sortant sur l'archipel est ainsi belle et bien révolue. C'est un fait, le marché s'est refermé sur lui-même privilégiant sans remord les plates-formes mobiles, iOS en tête. Faut-il s'en inquiéter ? Non.

Vous n'avez jamais entendu parler de Disney Tsum Tsum ? De World Soccer Collection S, School Girls Strikers, Chain Chronicles ou encore Shiroi Neko Project ? Normal. Les TOP des ventes sont désormais des plus opaques vu de France (et hors spécialiste absolu). En revanche, ne vous y trompez pas, ces titres génèrent chacun plusieurs millions d'euros de revenus par mois. Des cartons phénoménaux pour des titres aux coûts de développement maîtrisés et qui n'ont besoin que d'un seul territoire pour s'épanouir. Rare.

Un développeur rencontré sur place me précise les choses :

Le jeu vidéo japonais est super vivant, mais a déjà fait sa transition. Ils ont délaissé les plates-formes classiques. iOS est apparu comme un eldorado. Bien plus qu'Android d'ailleurs en terme de chiffre d'affaire.

Vu d'occident, le jeu vidéo japonais redevient quelque chose d'un peu obscur, quelque chose d'otaku... alors que pas du tout vu de Tokyo. Regardez dans le métro, dans la rue : tout le monde joue, plus encore qu'avant. Sauf que les joueurs ont changé. C'est totalement sociétal.

Pour mieux comprendre l'accélération de cette transition, il faut réaliser que les gros studios japonais sont moins staffés que les productions moyennes occidentales. Contrairement à Ubisoft, Electronic ou Activision qui peuvent se permettre de mobiliser jusqu'à 1.000 personnes sur un seul jeu, les équipes japonaises restent pour la plupart plus ramassées et sont de fait plus adaptées au marché smartphone/tablette.

Capcom, Square Enix ou Sega l'ont compris et misent plus que jamais sur ce créneau ultra lucratif qui leur permet de singulièrement relever la tête depuis quelques mois. Pour couper la poire en deux, les plus gros éditeurs japonais rachètent ou font appel à des studios européens et américains pour s'occuper de leurs jeux AAA. On l'a vu avec les récents Tomb Raider, Hitman, Dead Rising, DMC & co. Le meilleur des deux mondes ? Une nouvelle voie certainement.

La Next Gen : pourquoi faire ?

Reste un problème évident, du moins vu de l'occident : le bide des PS4, Wii U et Xbox One au Japon. Car oui, on en est là. Les ventes ne décollent pas. Les jeux de la génération passée étant même vendus plus chers que pour la New Gen. Un comble.

Si je reviendrai prochainement sur les raisons profondes expliquant ce retard à l'allumage que certains observateurs nippons annoncent irrémédiable, attardons-nous sur un point clef que nous révèle un développeur vivant au Japon depuis plusieurs années :

La New Gen est condamnée car les japonais ne sont plus dans leur salon. Et comme le temps n'est pas extensible, les plus âgés préfèrent jouer dans les transports avec leur smartphone. Au Japon où le jeu est très communautaire, les free to play téléchargeable à tout moment sont particulièrement pratiques et appréciés.

Le désaveu des PS4 & co n'est donc pas que ludique. Il est avant tout inscrit dans la vie des japonais d'aujourd'hui, dans leurs nouvelles habitudes de consommation. L'arrivée de titres majeurs bardés de 1080p améliorera évidemment les choses, mais ne devrait pas produire d'effets considérables nous prédisent les observateurs sur place.

Des résistants de (très) haut niveau

Mais attention, à l'image de ce que l'on a pu découvrir lors de cet énergique TGS 2014, les jeux AAA purement japonais n'ont pas totalement dit leur dernier mot. Au contraire, ils sont en train de relever la tête, et de bien belle manière.

Metal Gear Solid V : The Phantom Pain, Final Fantasy XV, The Evil Within, Bloodborne, Dragon Ball Xenoverse, PES 2015... autant de titres qui n'ont pas (plus) à rougir de la compétition internationale. Et même si ces derniers risquent de réaliser de bien meilleures ventes aux Etats-Unis et en Europe que sur leur propre territoire, leur excellence ludique et technique prouve qu'après une période compliquée, les japonais sont loin d'avoir dit leur dernier mot.

Pour conclure, sachez qu'aujourd'hui au Japon, le marché se retrouve clairement coupé en trois :

  • les joueurs occasionnels (smartphones)
  • les passionnés (consoles traditionnels)
  • les ultra core (PC)

Un point notable reste que la dernière catégorie, ces joueurs étaient jusqu'à présent gros consommateurs de jeux consoles. Sauf qu'aujourd'hui, même au Japon, il est plus courant de passer au PC, pour sa course technologique et ses jeux indés. Voir Metal Gear Solid V, la trilogie Final Fantasy XIII ou Dragon Ball Xenoverse arriver sur Steam est aussi inédit que symptomatique.


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Le jeu vidéo japonais a changé. Un mouvement qui prend de l'ampleur, diversifie l'offre et cultive plus que jamais sa différence. Tous les ingrédients pour faire de lui un bouillon de culture palpitant et de nouveau fascinant pour des yeux étrangers. En effet, il requiert de s'y intéresser, et pas juste du coin de l'oeil.

Le jeu vidéo japonais n'est donc pas mort, au contraire, il est de retour.