Tiger : Alors mec, ça avance sur GTA V ?

Mimic : Ouaip, j'adore ! Michael est un régal, Trevor est borderline mais Franklin me semble un peu éclipsé. Et toi, ton préféré ?

Tiger : Les trois personnages sont indissociables. Ce qui me plait le plus, c'est l'interaction entre eux. Mais il faut bien avouer que l'arrivée de Trevor après quelques heures de jeu donne une nouvelle dimension au titre !

Mimic : Ils sont très différents mais intrinsèquement liés. Ils se complètent, finalement. Mais si je comprends la position de Franklin (sortir du ghetto) et de Michael (empêtré dans ses accords avec les autorités), celle de Trevor ne me semble pas tellement justifiée.

Tiger : Il veut retrouver l'adrénaline procurée par les braquages qu'ils réalisaient avec Michael ! Ça donnait un sens à sa vie. Trevor, c'est l'électron libre du jeu, celui qui permet tous les excès et offre les situations les plus drôles !

Mimic : Oui, mais il y a un souci avec lui. Si les précédents héros de GTA étaient parfois limite, il y avait souvent une raison à leur comportement. Celui de Trevor me fait parfois peur. La liberté, c'est l'essence même de GTA mais dans GTA 5, jouer Trevor c'est forcément participer à de la violence gratuite à mon sens.

Tiger : Oui, je te confirme qu'il est bien flippant. Je l'ai d'ailleurs affublé d'une "barbe de clodo" (c'est comme ça qu'elle s'appelle dans le jeu) et ça renforce ce sentiment. Avec ces yeux fous qu'il a...

Mimic : Je lui ai refait le portrait moi aussi, j'aime pas sa gueule de looser.

Tiger : Tu penses en fait que la présence du perso Trevor pose problème ? Qu'il ne devrait pas être dans GTA V ?

Mimic : Ce qui me dérange ce n'est pas seulement ses actes mais plutôt le manque de conséquences par rapport à ce qu'il fait subir aux autres. Si nous faire participer à une scène de torture c'est limite, il est encore pire de voir que c'est finalement le FIB (le FBI de GTA) qui ne veut pas se salir les mains. C'est d'ailleurs pour ça qu'ils demandent à Trevor de la faire. Et Trevor ne se pose pas la moindre question.

Tiger : Déjà, je pense que ce personnage permet de retrouver un peu du côté anarchique des tout premiers Grand Theft Auto...

Mimic : C'est un sadique, froid, sans le moindre remord. Bref, il est comme ça, et ça, c'est flippant.

Tiger : La scène de torture dont tu parles est justement très intéressante. Cette scène, comme tout dans GTA, n'est pas là par hasard ! Les répliques de Trevor sont explicites : il fait référence à Guantanamo tout du long. Et le fait de mettre mal à l'aise le joueur, c'est tout l'enjeu de la scène

Mimic : Évidemment, mais le propre de GTA c'est le choix, la liberté, avec cette scène tu n'en as pas. Tu dois le faire. Le seul choix concerne la méthode de torture. Excuse-moi mais si moi je ne veux pas torturer, je fais comment ?

Tiger : Et puis, attends, c'est évident que le FBI ne se salit pas les mains. Il est aussi question de milices privées dans ce GTA 5, des problèmes d'une société ultra sécuritaire, qui réalimente le cercle de la violence, en plus légitimée, car gouvernementale...

Mimic : Non mais attends. Que les traits d'une société pourrie soient grossis je veux bien, mais là, tout le monde est corrompu jusqu'à la moelle !

Tiger : Bien sûr, c'est le propre d'une satire ! Un miroir hyper grossissant.

Mimic : Mais justement, est-ce que ça ne va pas trop loin ? Et puis Trevor, il torture physiquement mais pas seulement, et c'est sans doute ça le pire, il torture psychologiquement son entourage ! Et il n'y a aucune conséquence à ses actes...

Tiger : Quand tu joues à GTA, tu sais que certaines limites vont être repoussées, pas seulement techniques ou graphiques, et c'est à mon sens tout l'intérêt du titre. Moi, depuis toujours, je joue à GTA pour le scénario. Déjà parce que j'adore les références cinématographiques de ceux qui écrivent GTA. J'ai rarement vu une telle charge contre la société américaine dans un jeu vidéo, d'un éditeur américain qui plus est, et même si Rockstar North est basé dans cette formidable ville qu'est Édimbourg. Ça va même au delà du médium jeu vidéo d'ailleurs... GTA V tape juste et fort.

Mimic : Oui, les programmes télé dans le jeu sont assez hallucinants pour ça.

Tiger : Bien sûr que Trevor est un psychopathe mais c'est un personnage, son comportement dit quelque chose de la société. Et comme il est sans limite, on peut bien par exemple aborder des sujets très sensibles de manière détournée, comme Guantanamo et la torture. Une des seules scènes du jeu où l'effroi prend le pas sur la dérision. Mais je te repose la question : aurais-tu préféré un GTA 5 sans Trevor ?

Mimic : OK mais alors pourquoi obliger le jouer à y participer à ce genre de choses ? Tu devrais avoir le choix. et, oui, je veux un Trevor.

Tiger : Mais pas celui là ?

Mimic : J'aurais apprécié un Trevor qui, parfois, prend conscience de ce qu'il fait subir aux autres. Là, ce n'est pas le cas. C'est un tortionnaire lâché dans la nature, sans la moindre pitié. Tout est un peu comme ça dans le jeu. Le choix moral manque. Michael ne sait pas "gagner de l'argent autrement qu'en faisant des braquages", il le dit lui-même. Franklin n'a d'autre choix que de "faire le ménage" pour devenir quelqu'un et Trevor tue, sans empathie, rien. Et le joueur doit participer à tout ça sans sourciller.

Tiger : C'est comme au cinéma, il y a de vrais dingues. A l'instar de Tommy DeVito incarné par Joe Pesci dans Les Affranchis par exemple.

Mimic : Tu n'aurais pas aimé avoir le choix ? Sur la scène de torture par exemple : y participer ou non ? Qu'elle reste dans le scénario, OK, mais que tu aies le choix de la regarder ou d'y participer, ça change tout. Et ça donne même une certaine morale à la chose, ça donne de la distance au joueur, alors que là, il faut forcément y participer, faire souffrir l'autre.

Tiger : Alors bon OK, c'est pas Les Sims, on ne peut pas choisir sa carrière, son mode de vie. Mais quand tu joues à cette série, tu sais quand même où tu mets les pieds : tu sais qu'il va y avoir de la violence et de la vulgarité. C'est PEGI 18 et ça s'inspire des meilleurs polars du cinoche, même si d'ailleurs GTA a aussi développé sa propre mythologie.

Mimic : Lorsque tu te ballades dans Los Santos, tu peux écraser les passants ou non, tu peux les tuer ou non, et là, tu dois torturer. Point. Ce n'est pas ça que je reproche à GTA 5. Ses références, son univers, sa violence ne me dérangent pas, c'est le manque de choix sur des scènes vraiment limite qui me dérange.

Tiger : Justement, rendre la scène de la torture jouable lui donne tout son intérêt. Car tu es forcément mal à l'aise.

Mimic : Moi, je ne veux pas que le choix se limite aux outils de torture ! On doit pouvoir choisir d'y participer ou non, en étant spectateur ou acteur.

Tiger : Je n'avais pas envie de torturer ce pauvre gars moi non plus ! Et c'est ça qui est fort !

Mimic : Mais tu peux mettre mal à l'aise le joueur sans le faire appuyer sur la gâchette, c'est aussi ça l'art de la mise en scène.

Tiger : Avec cette scène, on a affaire non pas à de la violence jouissive comme dans à peu près tous les jeux vidéo aujourd'hui. C'est une vraie réflexion qui t'est offerte, à la dure, et c'est là que se produit l'impact.

Mimic : Mais c'est là que ça va pas, Trevor ne t'incite pas à la réflexion.

Tiger : Ce n'est pas le jeu qui va appuyer lourdement pour te faire comprendre que ce qui se passe n'est pas bien, mais c'est bien en incarnant, en te mettant dans la peau d'un tortionnaire, un individu complètement à côté de la plaque, que le message se développe en toi. Et pourquoi se priver du point fort du jeu vidéo pour que cela se produise ! L'interactivité !

Mimic : Dans les médias, un mec comme ça est un fou à enfermer. Dans GTA V, c'est ton pote, presque ton anti-héros préféré.

Tiger : Le fait que cette scène te dérange prouve qu'il s'est passé quelque chose en toi ! C'est donc réussi !

Mimic : Je ne dis pas de s'en priver, je demande juste à avoir la possibilité de ne pas y participer.

Tiger : Là où tu ne t'en serais que vaguement rappelé si ça n'avait été qu'une cinématique...

Mimic : Non, les questions seraient venues juste en regardant si la mise en scène et la narration étaient bonnes.

Tiger : Je ne crois pas, la portée n'aurait pas été comparable. Ici, on ne te donne pas une réflexion toute faite. Et certainement que beaucoup de joueurs passeront à côté.

Mimic : C'est le cas ici, mais moi je ne veux pas électrocuter un mec et avoir à le réanimer à la seringue...

Tiger : Justement, le propos est pertinent et se développe en toi alors que la surenchère de la scène devient insupportable.

Mimic : Et le pire, c'est le mec du FIB à côté, il veut son info, point, le reste on s'en fout, tout ça est normal !

Tiger : Et pour revenir sur Trevor, un personnage très bien écrit, comme tous les asociaux , il peut aussi être attachant, drôle, tout comme flippant. Pour le FIB, bien sûr ! Il est aussi là le message ! Tu regrettes que le FBI ne soit pas les gentils officiers des séries qui passent sur TF1 !?

Mimic : Je ne veux pas que du blanc ou du noir, je veux du gris ! Et je n'en vois pas chez Trevor. La seule once d'humanité que je décèle chez lui, c'est dans sa relation avec Michael.

Tiger : Tu rigoles ! Il n'est que gris Trevor !

Mimic : Trevor, gris !?

Tiger : Entre sa relation amoureuse avec la vieille, les moments où il est sympa avec Franklin, le fait qu'il aime passionnément Michael...

Mimic : C'est un enculé qui se sert des autres en les torturant en permanence.

Tiger : Le seul personnage qui tendrait plus vers le blanc en fait, c'est Franklin.

Mimic : Trevor n'est sympa avec Franklin qu'à cause de son "amour" pour Michael.

Tiger : Et comme tous les pervers narcissiques, Trevor sait se monter attachant. Mais peu importe d'ailleurs que ce soit une enflure totale !

Mimic : Pas si tu dois forcément le suivre et le jouer !

Tiger : Enfin, je veux dire, on dirait que tu refuses à Rockstar le droit d'inclure un personnage totalement mauvais.

Mimic: Pas du tout, je veux juste avoir la possibilité de l'incarner ou non en fonction des scènes. Il donne une profondeur incroyable à l'histoire et à la relation du trio.

Tiger : Il faudrait rester dans les clous, avec un perso forcément à un moment donné en rédemption ?

Mimic : Non pas du tout, ce qui me gêne c'est qu'à aucun moment tu ne puisses te détacher de lui par un moyen ou par un autre. On peut apprécier un perso sans forcément l'incarner.

Tiger : C'est pour moi ce qui fait toute la force du jeu et de ce personnage. Il faut arrêter de garder le joueur dans un confort masturbatoire où il incarne des héros forts, beaux gosses, puissants, au sourire Émail Diamant. Le cinéma regorge de personnalités plus complexes. Dans le jeu vidéo, nous sommes bloqués au premier age des super-héros, avec seulement des Flash Gordon et des Superman des années 30 mais grimés pour répondre aux standards cool d'aujourd'hui.

Mimic : Bien entendu ! Que GTA 5 repousse les bordures je trouve ça génial. Rockstar met les pieds là où d'autres développeurs ne veulent pas aller et c'est indéniablement leur force. Mais la notion de choix est vitale pour que chaque joueur y trouve son compte. Moi je veux un bon scénar' qui sort des clous mais pas forcément devenir un tueur en série sans limites. Et tu peux narrer une bonne histoire sans que ce soit nécessaire qu'on te laisse penser que torturer un mec c'est génial.

Tiger : Dans un bouquin, dans un film, dans toute œuvre, tu n'as pas le choix (si ce n'est passer la page ou sortir du ciné bien sûr) et dans le jeu vidéo se doit être pareil. Le jeu fait pour le confort des joueurs, c'est la meilleur assurance d'avoir un jeu standardisé et qui tourne en rond. C'est parce que Rockstar fait tout à sa sauce, dans son coin, en secret, que la mayo prend si bien au final. Et sinon, t'as joué à Manhunt ? (rires)

Mimic : Mais au secours, pas du tout ! Tu donnes le choix de participer ou non et ça permet d'avoir deux visions de la scène, le choix des armes, le choix du confort ou pas. Bien sûr que j'ai joué à Manhunt mais le contexte n'a rien à voir. Dans GTA, nous sommes dans une société que tu connais, qui existe au quotidien, ce n'est pas le cas dans Manhunt.

Tiger : D'autres jeux proposent des choix, ce n'est pas le cas de GTA qui a un message à délivrer par une narration appuyée et c'est très bien comme ça

Mimic : La violence, OK, du moment qu'elle est justifiée et que tu as le choix d'y prendre part ou non.

Tiger : Je ne peux d'ailleurs que t'inviter à rejouer à Mass Effect ou à The Walking Dead, deux superbes œuvres dans lequel la notion de choix selon sa conscience est au centre de tout.

Mimic : Tu peux passer ton message sans imposer au joueur d'en être le vecteur, à lui de choisir !

Tiger : Si tu attends que la violence soit justifiée pour jouer au jeu vidéo, tu ne joues pas à grand chose, hein... Pourquoi Ryu tape sur Chun-Li ? Pour être le champion de la Street ? Super, les clodos du coin seront les seuls au courant (rires).

Mimic : Le contexte, mec. C'est un tournoi d'arts martiaux pas une partie de Scrabble.